Retour sur l’édition 2023 du Hellfest, une édition riche au long de quatre très denses journées. Un tour d’horizon loin des polémiques « nationales » qui ont émergé cette année, le fameux retour de manivelle attendu après quelques années de montée en charge unanime un brin suspecte. Un tour d’horizon sous forme d’abécédaire et au plus près du ressenti de nos deux envoyés spéciaux sur cette édition, et de celui d’une bonne partie des 60000 autres spectateurs journaliers avec lui.


A comme Années 80

Biberonné à la culture pop des années 80 et usant de l’imagerie de fluo en vogue à l’époque, Coheed et Cambria nous a offert un cocktail sucré et énergique pour affronter la chaleur de l’après-midi. Et ce joli moment de metal prog est rehaussé par la belle voix claire de Claudio Sanchez.

 

B comme Band

Le Band, le groupe, c’est un peu la base du rock. Et par extension celle du metal. Les artistes d’abord qui se construisent autour d’amitiés et parfois de vies en commun. Habiter dans la même piaule (Guns’n’Roses) ou partager la promiscuité dans le tour bus (Metallica) ce n’est pas rien. Full of Hell fait partie de ceux-là. On les sent soudés par le chaos et la rage de leur musique et il faut faire partie de la famille pour rester sous la tente. Un décapage garanti. Le Band c’est le public ensuite, le public qui mélange le groupe, la musique et une manière de vivre. Dans un autre genre musical la KISS Army, illustre bien cette notion de Band.

 

C comme Chant

Alternant le gros son heavy et les mélodies aux accents progressifs, Alter Bridge a offert un des moments de grâce infernale de ce Hellfest 2023. Et la voix de Myles Kennedy a illuminé par son chant clair les refrains repris par la foule. C’est bien fait, c’est beau, tranquille et sauvage à la fois.

Myles Kennedy (Alter Bridge)

D comme Découverte

Svalbard. Oui. Svalbard. Cela sonne black metal mais c’est en fait le nom d’un archipel quelque part entre les mers du Groenland et de Barents. Chaque édition amène son lot de découvertes, le groupe que vous n’aviez jamais croisé et qui vous tape dans l’oreille. Et bien cette année ce sera Svalbard. Un groupe « Idéal (…) quand il s’agit de dénoncer toutes les brutalités nauséabondes faites aux femmes de ce monde (lois anti-avortement, féminicide ou VSS en tout genre) » nous dit le Hellfest. Cela tombe bien, pour ne rien gâcher, la musique de ces énervés de Bristol (Angleterre) est bonne.

Svallbard

 

E comme Encaisser

C’est sur les chapeaux de roue, la gomme enflammée et le bitume fumant, que Code Orange a ouvert ce festival. Des riffs mitraillés sur un rythme effréné et une voix suragressive : il fallait être préparer pour encaisser un feu aussi nourri dès le démarrage.

 

F comme Fusion

Sortie du sommeil des braves dans lequel le groupe était plongé depuis le milieu des années 2000, la fusion rock-hip-hop « conscient » garde sa belle efficacité, faisant sauter les masses dans la chaleur de l’après-midi, et personne ne semble bouder son plaisir en reprenant en chœur « on n’est pas comme ça ! ». Une saveur années 90 toujours aussi énergique et vitaminée !

 

G comme Guitare sèche

Kyle Gass et Jack Black ont joué les troubadours du metal devant un auditoire aux anges trop heureux d’écouter le duo Tenacious D narrer ses aventures pour défaire Belzeboss à grand renfort de riffs habillement grattés sur des guitares sèches. Comme ils le chantent eux-mêmes : Rien ne peut tuer le metal ! Pas même une coupure de courant !

 

H comme Hammer

Il est à peine 17h30 et tout le monde dans le public hurle déjà à la Lune ! Motionless in White pose son ambiance, entre metalcore et rock indus, dans une atmosphère angoissante à la Hammer mais réanimée avec du 20 000 volts. Les sonorités metalcore accrocheuses ne laissent pas beaucoup de répit dans cette plongée vers les abîmes.

 

I comme Image

Le Hellfest est un Festival visuel, sur scène comme dans le public. L’imagerie est à la fois importante et sans (beaucoup) de conséquences. Il y a clairement un côté carnaval, quelques jours où l’on laisse la tenue de ville au vestiaire pour s’habiller en jupe, topless, cosplay, corpse paint ou viking. Quelques jours où l’on se laisse aller aux fantasmes des bracelets à clous, des chaussures compensées, des chaînes ou de la nudité (plus rares lors de cette édition)… sans que cela ne soit plus important que cela.

 

Arch Enemy

 

Dark Angel

 

J comme Jazz

Le crépuscule a précocement trouvé refuge sous le chapiteau du Temple, comme appelé par Imperial Triumphant, ses scansions inquiétantes et le rythme jazzy de son batteur fou. L’esprit ne tarde pas à chavirer et la nuit n’est même pas encore tombée.

 

K comme Khan (cf. The HU)

Déferlant de la lointaine Mongolie en conquérants du metal folk, The HU s’est imposé comme le grand Khan de la scène Temple avec leur Hunnu Rock (c’est ainsi que le groupe nomme son style), à base d’instruments traditionnels et de compositions metal inspirées du folklore mongol. Même Gengis aurait dû s’incliner devant tant de maîtrise, de puissance et de majesté. Un moment phénoménal de transe collective vécu à fond par une foule qui a fait résonner à gorges déployées « HU, HU, HU » dans une zone Temple hélas pas dimensionnée pour accueillir ces seigneurs des steppes.

 

The HU

 

L comme Long

Sorti de sa longue hibernation, Porcupine Tree est venu clamer sur la Mainstage 1 son attachement au rock progressif et a joint le geste à la parole en interprétant quelques petits bijoux de compositions, planants et longs à souhait. Si le jeu de scène est statique, l’esprit, lui, se laisse transporter vers les sommets.

 

M comme Marionnettes 

Puissance inévitable et antédiluvienne du heavy metal, Alice Cooper, aidé des autres goules du groupe Hollwyood Vampires, impose sa volonté et use de sa voix hypnotique pour faire bouger les corps sur des titrs metal d’une efficacité redoutable. Il est incontestablement le marionnettiste en chef. Quelle ironie d’entendre Johnny Depp nous inviter joliment à être des héros juste pour un jour alors qu’Alice a déjà fait du public un peuple de marionnettes !

 

N comme Nuit

Étrangement la nuit n’a plus sa place au Hellfest, tous les recoins sombres ont été petit à petit éclairés au fil des années. Les lumières sont d’un jolie vert, d’un beau mauve et d’un bleu agréable. C’est une nuit pastel qui a remplacé l’ombre de la forêt dont on pourra regretter les sombres recoins.

 

O comme OVNI

Les mélopées synthétiques aux rythmes obsédants de Puscifer subliment une scénographie aux ambiances à la X-files, peuplée d’agents habillés de costumes noirs et d’aliens roswelliens. Les compositions entre électro et rock expérimental, dans lesquelles on retrouve parfois des saveur bowienne, produisent un effet hypnotique, presque de transe, amplifié par le spectacle science-fictionnel qui se déploie sur scène. Un superbe OVNI conceptuel que nous offre Maynard James Keenan.

 

P comme Pétard

Avec ses tubes heavy metal et glam-rock, généreux à l’excès en effets pyrotechniques et en explosions de pétards, KISS a offert au Hellfest un des derniers grands spectacles dont le groupe s’est fait la spécialité depuis 50 ans. Le public est ravi de tant de générosité et sur scène les maquillages dégoulinent, entre sueur, bave et émotion.

KISS

 

Q comme Quadragénaire

Quadragénaire et plus. Si l’on compte le premier Furyfest en 2002 à Clisson, cela fait plus de 20 ans que le Festival a lieu… et en 20 ans il s’en passe des choses. On se retrouve vite à chanter avec ces enfants. Les concerts sont de plus en plus nombreux où l’on voit des familles réunies dans une forte émotion partagée entre les générations. Au palmarès, cette famille sur trois générations la larme à l’œil pour KISS ! Et que dire de Iron Maiden dont tout le monde – et pas que dans les premiers rangs – chantent les paroles quel que soit l’âge ? Le public du Hellfest est à l’image des groupes programmés. Les 60 années au compteurs ne sont pas rares sur scène et les quadragénaires sont talonnés par les cinquantenaires. Si le haut de l’affiche est tenue par les mastodontes (oserais-je dire les dinosaures ?), plus tôt dans la journée, la relève grimpe petit à petit vers le haut.

 

Steve Harris (Iron Maiden)

 

R comme Révolte

Porté par une énergie folle et des morceaux redoutables, Fever 333 a déployé avec rage un son et une rafale des messages qui ont sonnés comme une mise en alerte face au mauvais air politique ambiant des deux côtés de l’Atlantique. La formation californienne de trap-metal a soufflé un vent de révolté revigorant sur cette session 2023 du Hellfest.

 

R comme Religion

Si le metal était une religion, il ne manquerait pas d’apôtres et de missionnaires de talent. Mais ce soir du 17 juin 2023, à Clisson, France, il était indubitable qu’Iron Maiden en serait son unique prophète ! La setlist concoctée pour cette session 2023 du Hellfest, faisant la part belle aux albums Somewhere in Time et Senjutsu – sans oublier quelques autres joyaux, a transporté 2 heures durant un public aussi hétéroclite que déchaîné dans une épopée heavy metal au faux-airs de communion metalleuse. Toutes les mains cornues pointant les étoiles, acclamons toutes et tous Maiden !

 

S comme Synthétiseur

Légèrement effacé sur scène, Riverside a proposé un ensemble de superbes compositions de rock progressif aux accents metal, parfois proche de la grâce d’un Opeth, mais avec plus de synthés. Le public du Hellfest a été invité dans une agréable ascension musicale au grès de magnifiques et entêtants cercles de volutes sonores aux milieu desquels ont résonné quelques moments plus violents et tout aussi géniaux.

 

T comme Transe

Une écume de nappes synthétiques sur des rafales metalcore irrésistibles se sont abattues soudainement sur un public à peine rafraîchi par la nuit débutante. D’une belle efficacité dans l’exécution de morceau sacrément inspirés, et sur des rythmes de gigues diaboliques, Architects a peu à peu imposé son empire. La transe peut commencer.

 

U comme Uriner (cf. files d’attentes côté femmes…)

En Enfer, il fait chaud et par conséquent il faut BEAUCOUP s’hydrater, avec le liquide de son choix (c’est bon la bière… mais l’eau c’est pas mal non plus…) dans le récipient le plus adapté possible, du gobelet recyclable au pichet… également recyclable. Tout ceci nous conduit à une seconde conséquence, et pas des moindres : dans l’Enfer de Clisson, il faut uriner, beaucoup, plusieurs fois dans la journée. Et s’il y a une chose qui saute aux yeux de metalleuses et des mettaleux les plus sobres, c’est que les filles poireautent BEAUCOUP plus longtemps que les hommes. Vraiment BEAUCOUP plus longtemps, et ce n’est pas très juste, reconnaissons-le. Alors, prions toutes et tous Satan pour que la session 2024 du Hellfest propose deux fois plus de capacité urinoire pour les Dames !

 

 

V comme Voix

Avec le supergroupe Elegant Weapons, composé de tout ce que le heavy metal compte comme talents saisis directement à la source, difficile de ne pas avoir l’impression de redécouvrir les sensations laissées par les premières écoutes de heavy ! La voix de Romero, implacablement, fait son office. Les doigts en l’air, le corps secoué par les riffs, le public semble conquis et en redemande.

 

W comme Warzone

Encore une fois cette année la « War Zone » n’a pas attiré nos yeux ou nos oreilles. La programmation y était pourtant alléchante, mais l’univers des musiques du metal est tout de même assez cloisonné et il faut croire que le punk et ces dérivés que nous écoutions lors de nos 20 ans ne nous parle plus autant.

 

X comme Carte au trésor

C’est d’une croix, un X, qu’est marqué l’emplacement du trésor sur les cartes des pirates. Le trésor du Hellfest c’est « le pass » ; le pass qui coûte de plus en plus cher. Et le trésor est encore plus gros sur vous obtenez le pass VIP/presse, celui qui donne accès à un autre bar, d’autres toilettes et une autre ambiance. Une ambiance qui avait changé cette année. Avec sûrement plus de journalistes de « grands médias », de personnes venus voir ce qu’était le Hellfest… Du coup, les amateurs venant des fanzines et Blogs sont moins nombreux, il y a moins de copains. Personne pour se baigner à poil dans la piscine… personne pour se baigner tout court d’ailleurs.

 

Y comme Yoyo (pour la prestation de Slipknot)

La nuit s’est couchée sur ce dernier jour de Hellfest 2023, entre torpeur moite, regain d’énergie, retour de fatigue, gigues du diable et pieds englués dans le sol rendu boueux par les fortes pluies du matin. Et puis a retenti le son nu metal de Slipknot, tout en force et explosivité, et un sursaut de vie et d’appétit s’est fait ressentir sur un public pourtant fatigué et repu par plusieurs jours de metal. Entre puissance et textures élaborées, les morceaux pris un à un font toujours mouche, et la nostalgie bat son plein, même si les temps de respiration entre les morceaux sont bien longs… Un peu trop même.

 

Z comme Zèle ( pour regretter l’absence de Zeal & Ardor…)

Fait chier ! Zeal & Ardor n’était pas programmé cette année ! Pourtant c’est tellement super génial Zeal & Ardor… En plus les membres viennent de Suisse, c’est juste à côté de la France, ça leur n’aurait pas fait trop loin… Espérons pouvoir les retrouver la session du Hellfest 2024 !

 


 

 

 

 

 

 

 

 


Crédits

  • Les lettres : A, C, E, F, G, H, J, K, L, M, O, P, R, S, T, U,V, Y, Z sont signées Olivier Merly.
  • Les lettres : B, D, I, N, Q, W, X sont signées Emeric Cloche.
  • Photos : Emeric Cloche

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2 comments

  1. Ça va être mon 4e Hellfest cet été, j’ai trop hâte de voir tous ces dinosaures du métal. Merci encore une fois pour cet article et on se retrouve là-bas !!!

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