Nouvelles venues dans le paysage du livre, les éditions Musidora ont publié au mois d’octobre une traduction inédite d’un roman espagnol contemporain de Jules Verne, L’ANACHRONOPÈTE d’Enrique Gaspar, qui a la particularité d’être le tout premier à faire intervenir dans son intrigue une machine à voyager dans le temps. Si l’ombre des « Voyages Extraordinaires » plane au-dessus de cet ouvrage jouissif, d’aucuns convoquent également Jorge Luis Borges ou Philip K. Dick pour mieux cerner cet authentique trésor caché de l’imaginaire.
Pour leur deuxième projet, les éditions Musidora entament un virage à 360° en proposant, à travers une campagne de financement participatif, une entreprise de profanation littéraire : celle de la tombe de Max Roussel, auteur mystérieux, perdu, effacé, dont l’œuvre romanesque exige une impérieuse réédition après de trop nombreuses décennies d’une impardonnable amnésie. Les romans de Roussel, thrillers glacés et postapocalyptiques rejouant la Deuxième Guerre mondiale à travers le corps des rescapés devenus malades de vengeance, décillent le lecteur quant à la condition de l’homme dans une Europe qui pourrit sur les ruines du Reich, toute croulante de sa propre déréliction. Une affaire à suivre que ces deux titres introuvables, NE SONT PAS MORTS TOUS LES SADIQUES (1948) et LE FESTIN DES CHAROGNES (1949), romans de gare en prise directe sur l’enfer, « pulps » qu’on croirait surgi des ruines de Dresde, « récits fantastiques, certes, mais aux racines arrachées du Moyen Âge gothique pour être transplantées dans la terre empoisonnée des charniers des deux guerres mondiales », précise l’éditeur. Et Sébastien Gayraud, postfacier d’un des deux romans, d’ajouter : « Un peu comme si Céline avait fusionné avec Jean Ray et condensé leur commune noirceur dans un bouquin publié chez Fleuve Noir ». De ce point de vue, la démarche de Musidora s’inscrit dans une cohérence revendiquée : celle de « l’imaginaire en tous genres », la fiction sans œillères et sans frontières, qui s’affranchit des étiquettes pour mieux créer ce qui s’annonce être un fascinant cabinet de curiosité.
L’ANACHRONOPÈTE était illustré grâce aux gravures de l’édition originale, minutieusement restaurées. Les deux romans de Max Roussel sont quant à eux ornés des illustrations dark et sous hypnose de Gérard DuBois, créées pour l’occasion. Des images révélées en partie dans le cadre du crowdfunding, puisque certaines d’entre elles font l’objet d’un tirage d’art : illustrations sidérantes, sublimes de noirceur, qui évoquent le Goya des « Caprichos ». Là encore, les éditions Musidora affichent leur singularité en souhaitant remettre à l’honneur la pratique du livre illustré.
Cette singularité, qui se manifeste également dans le parti-pris éditorial (le livre s’annonce comme un objet somptueux) nécessité soutien des lecteurs à travers la campagne Ulule qui est organisée jusqu’au 10 décembre et que Culturopoing soutient.
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