The last of us, dernier film de Ala Eddine Slim renoue avec l’exigence formelle des films produits par le collectif Exit Production. Né avant la révolution tunisienne de 2011, ce groupe de jeunes cinéastes basé sur l’entraide et la solidarité s’est érigé contre un système de production sclérosé et s’est distingué par une production au renouvellement esthétique implacable qui se révélait d’une grande efficacité pour traduire l’étouffement d’une société sous le joug d’une dictature au bord de l’implosion.

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Copyright Potemkine 2018

Cette exigence se révèle ici dans le projet du cinéaste de mener jusqu’au bout son parti pris sans défaillir. Si cette intransigeance implique un risque de basculement vers une âpreté de la mise en scène, celle-ci est sans cesse compensée par une grande justesse dans l’incarnation des personnages et par une ouverture des champs de lecture possibles.

N, un jeune subsaharien, traverse le désert pour rejoindre le nord de l’Afrique et effectuer un passage clandestin en Europe. Après un braquage, il se trouve livré à lui-même en Tunisie. Finalement, il décide de traverser solitairement la mer vers un pays Européen au moyen d’une barque volée. Mais lorsque cette barque tombe en panne, N vivra une traversée unique.

Le traitement frontal de la question de l’immigration clandestine est ainsi rapidement détourné pour emprunter le chemin d’un voyage intérieur, une exploration et une interrogation de l’essence de ce qui nous fait « homme » et par là-même sur l’avenir de l’humanité. Loin d’éloigner le film de son projet initial, l’emprunt de ce chemin de traverse permet de rendre la complexité de cette thématique cruciale et en rend le constat encore plus imparable.

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Copyright Potemkine 2018

Le filmage se concentrant principalement sur le point de vue subjectif du personnage principal isole ce dernier du décor qui l’entoure : -du décor industriel de la banlieue de Tunis d’abord et de la nature ensuite- exacerbant l’impression qu’il s’agit du dernier survivant. Des séquences méditatives se focalisant sur les ombres des jambes des passants, sur la prégnance de la nature et les êtres vivants qui la peuple chats et plantes confondus servent ainsi le contournement des images convenues sur l’immigration autant qu’elles font basculer le film du côté de l’expérimentation. Cette expérimentation formelle est également appuyée par une bande son qui mêle sonorités de la nature et musique contemporaine.

La deuxième partie du film s’achève symboliquement sur un fondu au noir et s’ouvre sur une blancheur éclatante qui remplit toute la surface de l’écran, métaphore du voyage intérieur que vit le personnage principal. Même lorsque des acolytes de passage croisent la route de N laissant entrevoir une lueur possible de solidarité et de compagnonnage, ce n’est que pour mieux s’évanouir le renvoyant à son inénarrable et profonde solitude.
Le cheminement narratif poursuit ainsi sa veine d’expérimentation en métamorphosant l’objet initial, le drame de l’immigration clandestine, en voyage intérieur, spirituel et initiatique et ceci jusqu’à la sublime chute, sorte de mise en abyme, de synthèse de ce beau parti pris osé ; une invitation sans concession à méditer sur le devenir de notre humanité.

 

 

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