Les Dissonances le 19 décembre à la Cité de la Musique (Paris).

 

 

Le violoniste David Grimal fait bien malgré lui office de porte-drapeau. Catalogué rebelle, cette attitude, pourtant, il ne l’affecte d’aucune sorte. Pas plus qu’il ne s’en fait le chantre. En tête, une seule astreinte. Précieuse car, l’air de rien, subversive: le droit à la liberté. Sa ligne: la quête de sens à travers sa passion, la musique. Chevillée à la vie. Depuis l’âge de 5 ans, ce globetrotter, fils d’égyptologue, lui consacre la majorité de son temps. Cette musique qu’il ressent en latence dans le silence. « [Cette] musique, [qui] est d’abord et avant tout l’homme (…) Une traduction possible » (1) Pour l’humanité qu‘elle recèle. Sans surprise, son parcours est en marge. Au Caire, où il grandit, son premier professeur de musique n’est rien moins qu’un ancien guitariste de Claude François. Décalé l’apprentissage, mais une entrée en matière comme une autre. Puis il change de direction, et entre au Conservatoire de Paris, où il rencontre Philippe Hirschhorn. Hirschhorn, l’écorché vif patenté. Brillant archet foudroyé en plein vol. Consumé. Cet Hirschhorn qui, naturellement, infléchit sa voie excentrique.

Dans ce milieu rigide, codifié et hiérarchisé à l‘excès, David a du mal. Sans parler des enregistrements en studio. Un pensum. Ouvert au monde, à ses diversités, culturelles, sociales, il ne s’y épanouit pas. Sensible à l’injustice, aux mises à l’écart, aux discriminations, il ne se résigne pas. A l’instar du pharaon Akhénaton, étouffé dans l’éclosion de sa révolution visionnaire, les voies royales ne lui conviennent pas. Comme il faut bien vivre, Grimal cachetonne. En soliste, la plupart du temps. Avec des collaborations parfois suivies. Harmonieuses, comme cette rencontre avec Georges Pludermacher. Certaines sont neutres. D’autres, malheureuses. Le répertoire est étendu. Savant plutôt que classique – il n‘aime pas le terme -, contemporain, touchant aux musiques du monde, appelé au large par le métissage. Les concerts se rajoutent dans l’agenda. Jusqu’à saturation, jusqu’au clash. Il part. « Je suis aller me balader dans le désert dix jours ».  Afin de mettre à distance. Réveiller la clairvoyance. Somme toute, faire un bilan, et repartir. « (…) Il y a [ 10 ans ], je ne comprenais plus trop pourquoi je faisais ce métier de musicien soliste. (…) C’était un malaise existentiel. Une incompréhension totale pour le métier que je faisais. (…) » Le déclic ne vint pas pendant la marche, mais en répercussion. » Ce qui ne me convient pas, c’est que je ne joue pas avec les autres  » (2)

C’est pourquoi, en 2004, il fonde Les Dissonances. Clin d’œil à l’ouverture du quatuor de Mozart. Dissonances, c’est un collectif de musiciens à géométrie variable. Particularité de ce grand orchestre de chambre: ne pas avoir de chef d’orchestre. Une deadline: quatre programmes par an. Seul compte le besoin de rassembler des musiciens partageant avec lui le désir de fonctionner sur un autre mode. Partager, le voici le manifeste.  » Partager la musique différemment (..) remettre la création et les artistes au centre du processus (..)  créer un nouveau centre en partant de la marge ». « J’avais envie de retrouver le chemin des autres, en déformatant les choses « , conclue-t-il. Le recrutement est large. De tout pays et de tout âge. Solistes, chambristes, compositeurs, musiciens d‘orchestre, profs de musique, expérimentés et novices. Une hiérarchie non imposée. Une «  parole libérée, décloisonnée » . Une cuisine à propos, et selon. Les Dissonances caresse un projet: jouer pour les sans-abris au profit de l’association Les Margéniaux. Le concept marche. Pérennisation de la démarche avec L’Autre Saison. Ronde de concerts à l’année, à destination des plus démunis. Les Dissonances reverse l’intégralité de ses cachets à qui de droit.

Au programme d’un concert qui se tiendra le 19 décembre prochain à la Cité de la Musique : La symphonie inachevée de Schubert et Vortex Temporum de Gérard Grisey. Ce programme fait partie d’un cycle consacré à la nature du son. Et s‘articule autour de la notion du temps transcrite dans l‘écriture musicale, d‘où la mise en relation et juxtaposition des deux œuvres. Grimal développe :  » il y a chez ces deux compositeurs une angoisse existentielle, qui fait que la réflexion sur le temps en fait est essentielle [.. ] Questionner ce destin et ce déroulement implacable de l‘ordre des choses  » (3)   » Grisey comparait sa façon d’écrire a un « microscope imaginaire : une note devient timbre, un accord devient complexe spectral et un rythme une houle de durées imprévisibles ». C’est l’ample et dramatique Huitième Symphonie de Schubert qui fait pendant a cette exploration vertigineuse de la vie microscopique des sons » (4)

Le concert sera diffusé dans son intégralité et en direct sur : www.citedelamusiquelive.tv.
Suite à ce concert, le collectif lancera le 20 décembre prochain son propre label, Dissonances, et fera à cette occasion l’objet d’une journée spéciale sur Radio Classique.

 

 

(1), in David Grimal et son violon, portrait, 2008.
(2), in Entretien avec Marc Zisman, Qobuz, 15 décembre 2010.
(3), in Entretien Cité de la Musique, 9 septembre 2013.
(4), in Présentation du programme, Cité de la Musique.

 

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