Trente ans, cela se fête comme il se doit ! Du 3 au 15 septembre 2024 aura lieu la 30ème édition de l’Etrange Festival, grand-messe païenne débordant de cinéphilie, de cœur et d’âme que Culturopoing, partenaire de l’événement pour la cinquième année consécutive, couvrira de la façon la plus complète possible. Le menu des festivités sera cette année encore à même de combler tous les appétits décalés, composé de la compétition de douze longs métrages à l’issue de laquelle seront décernés les Prix Canal + Nouveau Genre et le Prix du Public, de la compétition de quarante-deux courts-métrages où les mêmes prix seront attribués, des dix-huit avant-premières ou films inédits, de la dizaine de « Pépites de l’Etrange » exhumées par le festival, des six cartes blanches et autres programmations et séances spéciales. Impossible de ne pas y trouver son compte !
Le Festival sera ouvert par Sanatorium Under the Sign of the Hourglass, le nouveau film des frères Quay, magiciens britanniques faisant de leur inventivité bricolée une sorte de résurrection d’un certain cinéma primitif envahi de leur poésie romantique et se clôturera treize jours plus tard avec The Coldest City du Chinois Weng Fang, fresque noire et lyrique inspirée par les grands récits de pègre italo-américains des années 70-80 de Leone ou Coppola. Le premier ouvrira également une compétition de douze œuvres dont nous attendons toujours beaucoup. Nous porterons particulièrement notre attention sur quelques films de cette programmation attrayante : Kill de Nikhil Nagesh Bhat, hard boiled indien qui sortira en salles pendant l’Etrange Festival, réactualisant les souvenirs rugueux des John Wick, Nobody et autres The Raid en les exportant dans le combat d’un vengeur se levant contre le banditisme ferroviaire des dacoïts portant préjudice à sa bien-aimée ; House of Saruyi de Koji Shiraishi, l’une de figures de proue de la J-Horror semblant ici d’abord appliquer les règles du genre pour les mieux transcender par leur dérèglement au sein d’un récit apparemment classique de maison hantée ; ou encore The Devil’s Bath de Severin Fiala et Veronika Franz, duo de cinéastes-phares du nouveau cinéma autrichien qui promet ici de frapper fort avec une œuvre semblant moins s’attarder sur l’horreur provoquée par une femme accusée de sorcellerie que sur la monstruosité de celles et ceux qui la vilipendent.
La section Mondovision, cette année encore très riche, nous permettra de découvrir les nouveaux films de Fabrice Du Welz (Maldoror, film-fleuve s’inspirant de façon plus ou moins lointaine de l’enquête menée lors de l’affaire Marc Dutroux dans les années 90), de Bruce LaBruce (The Visitor, revisite porno queer du Théorème de Pier Paolo Pasolini), de Bertrand Mandico (Dragon Dilatation, oeuvre-diptyque mêlant mise en scène cinématographique et scénographie théâtrale cousine des précédents courts-métrages du réalisateur), de Daniel Hoesl et Julia Niemann (Veni Vidi Vici, fable satirique féroce sur l’ultra-capitalisme mêlant Elio Petri et Jessica Hausner, produit par le sulfureux Ulrich Seidl) et, bien sûr, d’Adilkhan Yerzhanov, cinéaste kazakh sans lequel un Etrange Festival ne serait pas un Etrange Festival (Steppenwolf, qui a tout l’air d’approfondir encore un peu sa noirceur camusienne). Nous pourrons également voir lors de séances spéciales attendues le nouveau film d’animation du génial Bill Plympton, Duel à Monte Carlo Del Norte, qui devrait reconduire avec moins de pertes que de fracas sa fantaisie surréaliste en l’exportant dans l’univers westernien, ou encore le director’s cut de Tusk d’Alejandro Jodorowsky, film d’aventures exotiques pour enfants élagué d’une heure par le génie baroque mexicain, passant des deux heures de la version des producteurs aux 68 minutes toute sèches du cinéaste !
Canal + permettra la découverte de trois inédits récents du cinéma de genre : un found footage d’horreur en milieu télévisuel (Late Night with the Devil des frères Cairnes), un huis clos aux allures tarantinesques réalisé par un cinéaste tibétain (One & Four de Jigme Trinley) et une adaptation du roman-phare de Mikhaïl Boulgakov (Le Maître et Margurite de Michaël Lockshin). A ces decouvertes-ci s’ajoutent celles de la sélection « Nouveaux Talents », sept films parmi lesquels Kidnapping Inc. de Bruno Mourral, œuvre intrigante faisant déjà parler d’elle, dont les oscillations de la comédie noire vers l’angoisse pure (entre les Coen et Wes Craven, en somme) sont d’ores et déjà alléchantes. De son côté, la section documentaire se concentrera sur la musique du groupe Devo (dans un film au titre éponyme réalisé par Chris Smith), sur une enquête cinéphilique au sein de la censure iranienne de la Révolution Islamique (Celluloid Underground d’Ehsan Khoskbakht), sur le regard décalé d’un observateur punk au sein de l’Afghanistan post-11 Septembre (Riverboom de Claude Baechtold) ou sur un art radical faisant du corps une œuvre aussi personnelle que marginale (S/He Still Her/e – The Official Genesis P-orridge Documentary de David Charles Rodrigues).
A tout cela s’ajoutent encore les cartes blanches laissées au musicien et réalisateur Flying Lotus (Kuso en 2017) faisant la part belle à l’onirisme et à l’expérimentation, à James G. Thirlwell aka Foetus, figure du post-punk aux choix ici éclectiques et qui gratifiera l’Etrange d’un ciné-concert habillant de sa musique Heaven & Earth Magic de Harry Smith, ainsi qu’aux cinéastes Coralie Fargeat (Prix du Scénario pour The Substance lors du dernier Festival de Cannes, qui programmera entre autres le premier film de jeremy Saulnier, Blue Ruin), Stéphan Castang (Vincent doit mourir) et Alexis Langlois (Les Reines du drame) et à l’actrice Noémie Merlant, tous quatre piochant dans les sélections des vingt-neuf éditions précédentes de l’Etrange Festival afin de fêter dignement ce changement de décade.
N’en jetez plus, la coupe est pleine ! L’Etrange 2024 rendra également hommage à la figure tutélaire du cinéma de genre récemment disparu Roger Corman (trois de ses films sont programmés), à la revue « Métal hurlant » qui passe le cap des cinquante ans (une soirée spéciale est prévue), à l’INA qui fut pourvoyeur de récits de genre télévisuels s’instillant salutairement dans les foyers français (six œuvres sont programmées) et permettra à l’essentiel Christophe Bier de présenter deux films ayant en commun l’acteur Jean-Claude Rémoleux. Il programmera enfin une dizaine de « Pépites » parmi lesquelles la restauration du Bona de Lino Brocka (1980), La Corruption, l’ordre et la violence, film carcéral coup de poing de Tom Gries (1972), le revenge movie halluciné La Légende de la sirène de Toshiharu Ikeda (1984) et la merveille de cinéma religieux athée qu’est L’Evangile selon Saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini (1964)
Nous serions presque tenter de dire que nous gardons le meilleur pour la fin avec la soirée consacrée à Mariano Baino, réalisateur du cultissime et lovecraftien Dark Waters dont le projet de deuxième long métrage Astrid’s Saints en gestation depuis presque 15 ans est enfin accompli : le voici terminé, ce film fait sa sueur et son sang, co-écrit par Coralina Cataldi Cassoni, sa compagne et muse. Nous soutenons ce film depuis si longtemps comme en témoigne notre interview de 2012. Il y aura mis son cœur et son argent, mais le résultat est là, fiévreux, hanté par la folie et la mort et l’amour, une véritable expérience de cinéma. Mariano sera là avec Coralina pour présenter cette oeuvre en première mondiale et suivi par un Q&A mené par Olivier Rossignot. Le cinéaste y introduira également Dark Waters en première partie de cette soirée événement.
Pour voir la programmation complète et accéder à des informations complémentaires, n’hésitez pas à visiter le site officiel du festival.
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