Mohamed Ben Attia – « Weldi, mon cher enfant »

Après Hédi, un vent de liberté (2016), Weldi –sélectionné à la dernière quinzaine des réalisateurs- vient confirmer l’indéniable talent, tout en justesse et en finesse, du réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia.

Le film révèle la manière dont l’accident vient se nicher dans l’ordinaire du quotidien afin de mieux en révéler les revers et les failles. Soit Riadh s’apprêtant à prendre sa retraite de cariste et formant avec Nazli un couple uni autour de leur fils unique Sami qui s’apprête à passer le bac.

© Bac Films

Si rien à l’exception des migraines dont souffre Sami ne vient présager de la disparition future du fils, on peut identifier, à rebours, des signes annonciateurs tels que son incompréhensible évanouissement lors d’une promenade au parc avec son père ou encore son départ prématuré lors d’une soirée organisée par un camarade de classe. Cette séquence d’une apparente banalité, prend tout son sens lorsque Sami vient à disparaître. Sa présence au sein de cette soirée en compagnie des jeunes de son âge comme sur cette photo où il apparaît souriant auprès de ses compères, agissent comme des révélateurs de sa solitude (voir de son « étrangeté »), la présence de l’agrégat et du groupe n’ayant d’autre effet que de le conforter dans son isolement.

 

© Bac Films

Toute l’originalité du film consiste dès lors à reléguer hors-champ les questions de l’endoctrinement et du djihadisme pour se focaliser sur le personnage du père. Ici point d’hypothèses explicatives sur les mobiles du fils, mais le dessin en creux de ce qui est mis en lumière par cette absence. Le père décide ainsi de partir sur les traces de Sami en passant par la Turquie. Sa rencontre avec le vieux turc qui le ramène à l’égoïsme de sa démarche et la séquence où rêve et réalité se confondent, le figurant tentant de rattraper son fils dans un champ de ruines, apparaissent comme la clé de voûte du film. La recherche du fils se transforme en quête de soi-même et en interrogation sur sa propre existence.

© Bac Films

Lorsque Sami lui envoie une vidéo le présentant en compagnie de sa femme et de son fils, autrement dit sa potentielle vision à lui du bonheur ; l’image est dépourvue de son, comme si cela se passait de commentaires, le ramenant à sa propre impuissance et sans doute à son inaptitude à offrir à son fils une alternative et des images pouvant le persuader de revenir.

© Bac Films

La force du film repose sur la justesse de l’interprétation des acteurs. Mohamed Dhrif  bouleversant d’humanité interprète un père en déshérence face à une épouse, Mouna Mejri tout en sobriété, sidérée mais davantage ancrée dans le réel. Face à eux, le fils – Zakaria Ben Ayyed-, absent même dans sa présence, incarne cette constance trompeuse qui autorise par sa finesse de jeu l’ouverture d’une brèche vers l’impromptu et la révélation tout en pudeur de la complexité de cette épineuse question de la radicalisation.

© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

A propos de Emna Mrabet

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.