Le prologue de La malédiction de la Dame Blanche (traduction approximative  de The curse of La Llorona), très envoûtant, laisse espérer beaucoup d’un film qui s’inspire d’une vieille légende mexicaine. IL existe plusieurs versions de cette histoire mais on va s’en tenir à celle qui nous préoccupe. Au XVIIème siècle au Mexique, une femme follement amoureuse découvre que son mari la trompe. Pris d’un accès de rage et de jalousie extrême, elle tue la maîtresse de son homme et noie ses propres enfants, la chair de la chair de celui qu’elle a aimé. Dévastée par le chagrin, elle se jette dans le fleuve.

Depuis, elle erre dans les limbes de la souffrance. Ceux qui entendent ses plaintes n’ont qu’à bien se tenir: tapis dans l’ombre, vêtue d’une robe blanche et d’un voile, elle s’attaque aux enfants pour remplacer les siens et les noyer à leur tour.

La llorona , comme on la nomme au pays, n’a pas de frontière, elle devient le spectre terrifiant d’un film situé en 1973 à Los Angeles : Anna, assistante sociale dans la protection de l’enfance, vit seule avec ses deux enfants depuis le décès de son mari policier. Elle intervient un soir chez Patricia, soupçonnée de maltraitance. Pensant bien faire, libérer les enfants terrifiés d’une mère atteinte d’un mal incurable, elle va au contraire laisser libre champ à ce fantôme rongé par la haine qui va s’en prendre à sa famille. Impuissante face aux agissements de Llorona, Anna fait appel à un prêtre, renié par l’église, devenu une sorte de chasseur de spectres.

La Malédiction de la Dame blanche : Photo Jaynee-Lynne Kinchen, Linda Cardellini, Roman Christou

Copyright Warner Bros. France

Le premier long métrage de Michael Chaves s’avère, durant 45 minutes, d’une efficacité redoutable, nous plongeant dans une atmosphère anxiogène. Plutôt bien cernés, les personnages parviennent à exister à l’écran, ce qui est plutôt rare dans le cinéma d’horreur contemporain. Linda Cardellini, aperçue récemment dans Green Book, campe une mère de famille exemplaire, au regard teinté de mélancolie, devant se battre pour vivre. La qualité de son interprétation apporte une densité peu commune pour une production horrifique lambda. La qualité de la photographie, souvent trop sous exposée, le soin apporté au montage et aux mouvements de caméra au service d’un récit vraiment prenant nous captivent durant la première partie. Les rares apparitions de la Llorona sont même impressionnantes, notamment celle où elle surgit furtivement devant le fils d’Anna.

La mise en scène de Michael Chaves séduit par cet équilibre harmonieux entre l’élégance graphique visible et l’art de la suggestion,  Le sens de l’ellipse garantit les effets de surprises, même si les jumpe scare gâchent un peu le suspense.

Hélas, trois fois hélas, passé l’intensité éprouvante d’une narration ténue mais sans temps mort, le film s’écroule littéralement avec l’arrivée du prêtre, rejeté par ses paires, aux méthodes peu orthodoxes. On apprend d’ailleurs au détour d’une séquence, faisant référence, à Annabelle et à Conjuring, que le couple Warren, non nommé directement, ne sont pas libre avant trois semaines pour enquêter sur les phénomènes qui terrifient Anna et ses enfants.

La Malédiction de la Dame blanche : Photo

Copyright Warner Bros. France

A la place, on nous refourgue, une sorte d’exorciste mexicain au regard taciturne, entouré de gris-gris. Dès lors, le film sombre dans les pires travers du cinéma grand guignol post-Exorciste, cumulant les fautes de goûts, les effets visuels inutiles et surtout véhiculant un discours prêchi-prêcha qui enterre définitivement cette incursion dans une légende pourtant passionnante. Toutes les pistes intéressantes sont abandonnées, comme si, en cours de route, les producteurs, James Wan entre autres, avaient changé de scénariste et de réalisateur. Une grosse déception qui n’empêche pas James Wan de confier la réalisation du prochain Conjuring à Michael Chaves, en espérant qu’il parvienne à tenir le projet jusqu’au bout.

La malédiction de la dame blanche n’est pas un mauvais film mais demeure bien l’un des films d’épouvante les plus frustrants vus depuis un moment en raison du potentiel de départ et du talent sous exploité, faute incombant en partie à un scénario suicidaire qui se saborde lui-même. Jusqu’à un happy end dégoulinant.

Sur un sujet similaire, je conseille davantage le film mexicain, La Llorona de René Cardona réalisé en 1959, plus fidèle à la légende et surtout beaucoup plus réussie.

(USA-2018) de Davis Chaves avec Linda Cardellini, Roman Christou, Jaynee-Lynne Kinchen,  Raymond Cruz

 

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Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).

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