Dans un quasi huis-clos où les enjeux dépassent la Justice, le futur des enfants de Alice est en jeu. Un père demande la garde partagée de ses enfants Lila et Etienne dans un nouveau recours face au Tribunal des enfants. Mais l’affaire est toute sauf banale, au vu de la peur viscérale de Etienne de ne serait-ce que croiser le regard de son père ; l’on comprend rapidement l’exceptionnalité d’un jugement hors du commun. Le père, dénué de prénom, est accusé de viol sur son fils Etienne, une procédure pénale est en cours. Et face à de telles accusations, il souhaite reprendre contact avec ses enfants, qui eux, ne veulent bien logiquement plus le voir. Dans un tel contexte invraisemblable, la parole et la quête de vérité seront au cœur de ce film procédé, où l’absurdité d’une Justice dépassée se mêlera à l’indécence émétique de l’avocate du père au comportement d’une toute aussi harassante obscénité. Face à eux, une Juge qui prendra ses responsabilités, une mère digne qui fera face à la terreur et aux épreuves d’une éducation désormais impossible.

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Son ouverture inquiète, théâtrale, Myriem Akheddiou qui interprète la mère (Alice), se confond dans le sur-jeu, imprègne le film de sensationnalisme déroutant, hors-propos, à la fois par ses hurlements sur son fils dans la rue (lui qui refuse de monter dans un tramway) puis à l’intérieur du Tribunal, lorsque ses enfants sont placés en isolement. Il y a là une décharge inconséquente d’une énergie dramatique démesurée, et que l’on retrouvera malheureusement à la fin du film, lors d’une absurde scène de confrontation avec son ex-mari qui détonne avec la dignité de son comportement exemplaire lors de l’audition et qui, malencontreusement, tempère sa puissance d’incarnation. Car lorsque les cris se tuent, que la caméra lui fait face, que de courtes larmes naissent sur la décence d’un regard droit, et qui jamais ne baissera les yeux, le film prend enfin la mesure de la gravité de son sujet. Et Akheddiou la pleine puissance de son personnage. Jamais le duo belge Devillers et Dufeys ne nommera le père, lors de son témoignage victimisant insupportable, il est hors-champ, l’indignité de son visage mis au ban de l’obscurité, la tonalité sa voix, elle, parfois surnage, mais son image reste éteinte. Car cet homme est poursuivi pour viol sur son fils qu’il souhaite pourtant revoir. Et cette invraisemblable demande en appel s’associe à l’absurdité d’une Justice qui doit la mettre en application, faire subir à ces enfants un énième procès eux qui aimeraient se reconstruire loin de leur père qu’ils décrivent « comme mort ». Mais là où l’absurdité de cette demande du père aurait servi amplement en contre-poids à la vérité de la mère, Devillers et Dufeys pousse la dramaturgie situationnelle maladroitement vers la caricature, probablement pour insuffler une forme ironique en apaisement de la lourdeur, mais là encore, le personnage grotesque de ce Juge à postiche ridiculise le travail judiciaire qui se prend ici une jolie balle perdue en toute gratuité. Car bien sûr que sa prise de parole est risible, lui qui demande à la Juge de reconsidérer le partage de garde dans le seul argumentaire que des enfants doivent être élevés avec une figure paternelle, ce pauvre pantin ridicule qui ne s’est entretenu avec les enfants que cinq minutes avant sa piteuse plaidoirie, et qui ose émettre un tel avis indigent. Il y a donc là le cœur du problème du film, la puissance d’un message (la sacralisation de la parole de victime) face à une surcharge dramatique et d’absurdité.

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Il y a donc dans On vous croit le pilier central du témoignage de Alice, la force de la vérité, de la palabre qui surnage à la douleur, du combat par le sens du vrai et non du jeu, ce témoignage qui emporte tout, la Juge qui semble terrassée par la vérité, l’avocate du père qui n’ose plus intervenir, et ce père désormais muet et invisibilisé. Et le tragique d’une vie brisée, celle d’un enfant, Etienne, violé, et qui aujourd’hui, s’est fait voler toute son enfance, et probablement sa future vie d’adulte. Le film aurait mérité d’être allégé de tout sensationnalisme et absurdité pour se focaliser sur ce témoignage de Alice. Et peut-être se positionner également du côté de Etienne, la victime, qui ici l’on croit mais qu’on ne voit pas. Il y a néanmoins dans On vous croit le plus solennel des messages, ce titre c’est bien la phrase que dira la Juge à Lila et Etienne, « on vous croit ». Ne jamais mettre en doute la parole d’une victime, écouter et croire, soutenir et croire, croire, encore et toujours à la véracité implacable des témoignages des victimes, il n’y a jamais à remettre en doute le témoignage d’un enfant qui réussit enfin à libérer sa parole, à dépasser le silence et la honte, les pressions du monde adulte, la peur, sidérante, de se livrer, de faire tomber le masque effroyable du mutisme : cette parole est sacrée et doit être systématiquement sacralisée.

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Malgré un péché de sensationnalisme et d’absurdité maladroite, On vous croit reste néanmoins un puissant témoignage en faveur de la sacralisation de la parole victimaire, celle qui doit coûte que coûte être préservée et défendue.

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