Antoine Besse – « Ollie »

Ollie n’est pas le nom éponyme d’un des personnages du film, mais une figure de base du skateboard, un saut effectué avec la planche. Ce mouvement reste la technique fondamentale d’un sport impressionnant visuellement, mais qui s’harmonise difficilement avec la dramaturgie classique du cinéma. La captation de l’énergie de la discipline convient mieux à une forme plus musicale, mais aussi plus brute, comme le clip ou le documentaire. Une généralité, qui n’a rien d’une vérité en soi : Paranoid Park s’érige comme un contre-exemple magnifique. Mais Gus Van Sant, en peintre sensible de la jeunesse contemporaine, ne s’intéressait qu’en périphérie au skate. Pour son premier long métrage, Antoine Besse n’esquive pas la thématique centrale, mais l’inscrit dans une topographie singulière, le milieu rural, cadre atypique pour une activité associée à une urbanité très ancrée. Il prend aussi le risque de délaisser la dimension virtuose et spectaculaire du sport pour se focaliser sur la gestuelle, la précision des chorégraphies élémentaires et une certaine appréhension philosophique de la pratique.

Ollie

Copyright Wild Bunch Distribution

À travers ce prisme, choix éthique s’il en est, l’intention du cinéaste est pourtant – semble-t-il – de viser large, d’embrasser une histoire universelle qui s’adresse au plus grand nombre et non à une communauté spécifique. Dans le dossier de presse, Antoine Besse exprime ouvertement cette position quand il dénonce : « Je voulais faire un film généreux.  Un film qui se situe dans l’entre-deux, avec un côté auteur, pour garder la poésie qui habite mes films, et un côté plus populaire, pour s’adresser à tous les spectateurs. Je voulais surtout faire un film d’émotions qui peut toucher tous les âges, ma grand-mère, les potes de mes parents et surtout les plus jeunes qui ne vont plus en salle. » Ce  qui n’est pas sans risque : quand on veut s’adresser à tout le monde, l’écueil récurent est finalement de ne convaincre personne, de rester à la lisière de son sujet. Antoine Besse s’en tire plutôt bien : son récit touche par sa simplicité et sa candeur.

Ollie: Kristen Billon, Cédric Kahn

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Pierre, 13 ans, revient vivre à la ferme de son père après le décès brutal de sa mère. Harcelé à l’école, il se réfugie dans sa passion : le skateboard. Comme tout débutant, il n’est pas très performant, suscitant la moquerie des autres. Mais une rencontre inattendue va modifier la donne, celle avec Bertrand, un marginal, ancien skateur, qui le prend sous son aile. Tous deux, dans une relation de filiation en miroir, vont apprendre à se connaitre et se reconstruire. Rien de neuf sous le soleil un peu morne du cinéma français contemporain, attaché aux territoires ruraux, aux campagnes désertées, de Chien de la casse à Vingt dieux, pour ne prendre que deux exemples récents. Ollie décrit très bien cette jeunesse délaissée et oisive, espérant une vie plus palpitante que celle de leurs parents empêtrés dans les galères financières, à l’image du père de Pierre, agriculteur borné proche de la faillite. Une vraie tendresse envers les laissés-pour-compte et les déclassés émane de ce joli film, hélas trop programmatique pour passionner sur la durée.

Ollie: Théo Christine

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En effet, Ollie coche toutes les cases du film sur la résilience : le dialogue compliqué entre le père et le fils, la difficulté de surmonter un deuil, les amours d’adolescence, la figure du grand frère de substitution, les traumas, les entrainements avant la battle finale, etc. Ceci dit, les clichés du drame d’initiation s’accumulent sans pour autant altérer la fraicheur et l’authenticité d’un premier long métrage soigné visuellement. Sans esbroufe, la mise en scène privilégie les plans fixes composés, nimbés d’une lumière naturelle très travaillée, quitte à flirter avec une certaine nonchalance dans le montage.    Le cabotinage de Théo Christine, révélation de Suprêmes et surtout de Vermines, dans un rôle taillé sur mesure, passe plutôt bien. En rasta punk à chien, alcoolique et ex-junkie, il compose un personnage excessif et cabot, mais qui colle à la réalité du terrain. Face à lui, le jeune Kristen Billon, qui est dans la vie un as du skate, surprend par la densité rentrée de son jeu, tout en nuance, très contrastée par rapport à celui de son partenaire. Le duo fonctionne à merveille. Les seconds rôles ne sont pas tous convaincants, mais le cinéaste Cédric Kahn, comédien occasionnel, se révèle formidable dans le rôle du père.

Ollie

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La générosité du propos se heurte parfois à la sensiblerie d’une œuvre qui aurait mérité davantage d’âpreté. Constamment sur le fil du rasoir, Ollie demeure en l’état un petit film fragile et attachant, sans réelle prise de risque, sauvé par la sincérité de la démarche et du regard, plein d’humanité, porté sur les personnages.

 

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A propos de Emmanuel Le Gagne

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