En couverture de Starfix en 1984, Gwendoline, par l’intermédiaire de la jeune Tawni Kitaen, suscitait alors pas mal d’espoir dans l’hexagone dont celui de redonner ses lettres de noblesse à un certain cinéma d’aventure pop agrémenté d’un érotisme bon enfant, cocktail bizarre entre Barbarella et Indiana Jones. Pour Just Jaekin, il s’agissait sans doute d’une occasion de sortir du cinéma érotique sans pour autant le renier, une transition idéale avant de s’atteler à des projets plus personnels et/ou sérieux. La déception fut à la hauteur de l’attente : un four au box office, une catastrophe artistique pour les critiques de l’époque fustigeant l’inanité du scénario, la pauvreté de la mise en scène et la nullité de l’interprétation. Un jugement excessif dont Just Jaekin ne s’en remettra pas, par ailleurs largement surévalué pour ses films érotiques touche-pipi.

Gwendoline, un film de 1984 - Vodkaster

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Malgré tous ses défauts évidents -au point d’en devenir parfois des qualités -, l’auteur de ses lignes a toujours gardé une affection pour cette adaptation d’une BD culte de John Willie, qui possède le charme de certains serials des années 30 contaminé par l’esthétique clinquante des années 80: tournage intégralement en studio permettant d’apprécier les innombrables maquettes, les décors en carton-pâte, les costumes colorés créés par François Schuiten et un peu moins la musique très datée de Pierre Bachelet. Le style visuel pas désagréable oscille entre une pub exotique pour un parfum et une certaine élégance graphique, déployée par des beaux mouvements de caméra, notamment une très belle ouverture avec son travelling avant qui plante le décor et l’ambiance de ce film situé dans une chine d’opérette.

L’histoire somme toute classique obéit aux codes des récits d’aventures exotiques :une jeune femme, Gwendoline, accompagnée par sa fidèle servante et d’un baroudeur cynique, part à la recherche de son père, en quête d’un papillon rare. Leur périple les conduit à rencontrer et affronter une cruelle reine à la tête d’une armée des amazones sexys comme vous pouvez vous en doutez sinon ce ne serait pas drôle. Les relents de racisme et de misogynie trouvent leur justification – un brin hypocrite et opportuniste – dans cette manière de rendre hommage à un cinéma du passé, désuet et innocent, jusque dans la dérive idéologique raccord avec l’époque. Le regard nostalgique de Just Jaekin reste néanmoins douteux, surtout si on a encore en tête sa vision d’un Orient de pacotille dans Emmanuelle. Le film se suit sans déplaisir, jamais avare en péripéties nombreuses et en répliques amusantes agrémentées d’un érotisme gentillet et plus surprenant de quelques scènes gores étonnantes et pas si inhabituelles à l’époque -rappelez-vous le cœur arraché dans Indiana Jones et le temple maudit de Steven Spielberg. Les rares décors naturels sont bien utilisés, apportant un peu de souffle à un ensemble qui en manque souvent.

Gwendoline

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Just Jaekin ne se prend pas trop au sérieux contrairement à ce que certains ont pu écrire, il reste toujours sur le fil entre second degré et bande dessinée primaire, ne choisissant jamais une position claire, même si au vu de la débilité de certaines scènes d’action, il est quand même objectif de penser assister à un pastiche, à la lisière de la parodie. Lorsque le film bifurque du côté du délire érotique avec l’armée d’Amazones affublée de costumes SM, on bascule délicieusement dans le n’importe quoi, le pur trip pop qui vise sans doute ses modèles de Barbarella de Roger Vadim à Danger diabolik de Mario Bava en se voulant plus osé et excessif. Cette impression mitigée – ni le grand délire espéré, ni le nanar kitsch de réputation – se retrouve dans un casting très hétéroclite qui alterne le meilleur et le pire. Passons rapidement sur le pire à savoir la présence insupportable de Brent Huff, comédien aussi expressif qu’un tabouret de bar, habitué des séries Z, jamais crédible en Harrison Ford du pauvre. Sans être une grande comédienne, et la suite de sa non carrière le confirmera, la très mignonne Tawni Kitaen s’en sort plutôt bien dans le rôle de Gwendoline. Mais la véritable révélation du film demeure Zabou Breitman, pétillante, espiègle et drôle, en fausse cruche qui finira par se révéler une véritable guerrière prompte à se débarrasser des amazones cruelles.

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Autour de ce trio gravite de bons seconds couteaux parmi lesquels sortent du lot Jean Rougerie, l’omniprésent Vernon Dobtcheff, l’acteur omniscient dont on ne se souvient jamais du nom et surtout de la géniale Bernadette Lafont qui s’amuse comme une folle-dingue en reine des amazones, consciente de l’absurdité quasi ludique de ce charmant divertissement croquignolet et finalement rigolo.

Comme à leur habitude, Le chat qui fume propose une copie Blu/ Ray et aussi Ultra-HD pour ceux qui ont le matériel permettant de lire ce format. Sinon, cette édition s’avère riche en bonus: elle comprend deux  entretiens avec Just Jaekin (Just par Jaekin et L’effet papillon), une rencontre avec le dessinateur Frnaçois Schuitten et Claude Renard (Les paradis du bondage) qui ont créé les costumes, puis avec le producteur Jean-Claude Fleury (Les périls de la production) et enfin avec Françoise Deleu, directrice artistique du film (Les voyages de Gwendoline). De quoi se replonger avec nostalgie au cœur d’une époque où ce type de films faisaient figure d’anomalie au sein du cinéma français.

(FRA-1984) de Jut Jaekin avec Tawni Kitaen, Zabou Breitman, Bren Huff, Bernadette Lafont, Jean Rougerie, Vernon Dobtcheff

 

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