Billy Wilder 2/2 – « Irma la Douce » (1963) en DVD chez Rimini Éditions

Rimini Éditions présente deux éditions spéciales des DVD de La Garçonnière (1960, N&B) et d’Irma La Douce (1963, couleur) de Billy Wilder. Ces deux films scellent la collaboration des acteurs Jack Lemmon et Shirley MacLain dans les rôles principaux, ainsi que celle de Billy Wilder et de son co-scénariste I.A.L. Diamond. Rimini enrichit son édition de suppléments qui éclairent l’œuvre de Billy Wilder de contributions variées, dans une présentation soignée, au graphisme ludique et à la couleur élégante. On trouvera notamment des entretiens entre les journalistes Mathieu Macheret et Frédéric Mercier, des analyses du décorateur Dider Naert, ainsi que les témoignage de Chris Lemmon, acteur et fils de Jack, et de Hope Holiday, actrice fantasque qui a joué dans les deux films du réalisateur. Chaque coffret comporte en outre un livret papier richement fourni, retraçant le travail méticuleux du réalisateur et évoquant les conditions de tournage. Deux belles éditions s’offrent ainsi au public désireux d’approfondir sa connaissance de l’œuvre de Billy Wilder.

Partie 2/2 : Irma la Douce (1963)

La prostituée Irma (Shirley MacLaine) accompagnée de son fidèle caniche, fait commerce de ses charmes dans les bas-fonds parisiens. Quand le zélé agent Nestor Paton (Jack Lemmon) veut mettre un terme à la débauche, c’est sans compter les protections officieuses dont les prostituées bénéficient. Et l’agent renvoyé de se retrouver à la rue et de tomber amoureux de la belle prostituée, farouchement gardée.

 Avant d’être Irma la Douce, la pièce est un vaudeville musical créé au théâtre Gramont sous le titre Les Harengs terribles[1]. Traversant La Manche, puis l’Atlantique[2], la comédie séduit les producteurs de cinéma, dont The Mirisch Corporation qui propose le projet à Billy Wilder. Après un travail compliqué avec le directeur de la photographie Joseph LaShelle sur le tournage de La Garçonnière, Billy Wilder signe de nouveau avec lui pour Irma la Douce. À la manière du New York de La Garçonnière, Paris est présenté par une voix-off et filmé de manière surplombante, avant que la caméra n’entre dans le vif d’un quartier animé et populaire, Les Halles ou « le ventre de Paris ». Progressivement, de plans sur les étals de boucherie à ceux de fruits et légumes, on atterrit dans la rue Casanova, où se côtoient « the macs, the poules et the flics[3] ». Alors qu’il avait opté pour le noir et blanc pour ses trois précédents films[4], Billy Wilder assume avec amertume le choix de la couleur, qui confère à la scénographie d’Irma un petit côté carte postale que les réalisateurs de comédie musicale affectionnent[5]. Il contrebalance le pittoresque en expurgeant la comédie de ses scènes chantées, refusant de céder à la forme du musical.

Billy Wilder ajoute néanmoins un superbe numéro de danse interprété par une Shirley MacLaine au sommet de son art. La comédienne affublée d’une tenue vert pomme et assortie de compagnes insolites, les filles des Halles, est la reine de la rue Casanova : à ses côtés, Mimi la MauMau, l’Asiatique Suzette Wong, Lolita (sosie de Sue Lyon dans le film éponyme de Stanley Kubrick) et Annie l’Amazone forment le personnel haut en couleurs du café de Moustache. Au milieu de ce cliché, les souteneurs s’organisent en syndicat et les rivalités éclatent en bagarres pour donner le spectacle. Si Irma la Douce égratigne la bonne société par son côté léger foncièrement assumé, sa réussite tient tant au fond – la satire sociale – qu’à la forme – la direction d’acteurs et la scénographie.

En jouant sur tous les types de comique, depuis les revers de fortune et quiproquos jusqu’aux travestissements, Irma la Douce brocarde gentiment la morale. La prostituée au charmant minois et à la filiation douteuse rappelle Holy Golightly dans Breakfast at Tiffany’s[6]et constitue immédiatement une figure attachante, renvoyant à leur hypocrisie les souteneurs et les flics, les dépravés et les gardiens de l’ordre aux caractères interchangeables. Plus grivois que le film de Blake Edwards, le conte de Billy Wilder n’a pas peur des excès scénaristiques et scéniques. On est typiquement dans une comédie de situation qui enchaîne les gags parfois au détriment de la vraisemblance, mais dont tous les ressorts reposent sur le réglage strict d’une mécanique de jeu, au propre comme au figuré. Au propre, le recours à une pompe à aspersion ou à un élévateur viennent parfaire un burlesque qui doit à la scénographie des Marx Borthers autant qu’à celle de Charles Chaplin. Au figuré, c’est au jeu expressif des comédiens et au premier chef à Jack Lemmon, que l’on doit l’efficacité comique. Les déguisements de Nestor en vieux Lord anglais évoquent les outrances et le travestissement de l’acteur dans Certains l’aiment chaud (1957). Bien qu’ Irma la Douce ne figure pas parmi les films préférés de Billy Wilder, il condense beaucoup d’aspects de sa filmographie dont l’histoire d’amour entre une fille paumée et un ex-flic n’est pas des moindres.

Succès immédiat, Irma la Douce réussit à passer entre les mailles du filet du Code Hays, au prix de quelques compromis au montage. Billy Wilder n’aura jamais compris le retentissement de ce film qu’il considère pourtant comme mineur et dont il n’apprécie pas les aspects techniques[7], par trop artificiels. En tout état de cause, eu égard à son contenu subversif, c’est une aubaine que ce film ait pu bénéficier d’une si large audience à sa sortie. Et la postérité ne dément pas ce succès.

Durée du film : 2h27.

Durée des suppléments : 50 minutes.

[1]On goûtera le jeu de mots en forme de clin d’œil à Cocteau. La pièce d’Alexandre Breffort et de Marguerite Monnot, se situe à mi-chemin entre le vaudeville et l’opérette. Lors de sa création en 1956, elle est portée par l’interprétation de Colette Renard (Irma) et Michel Roux (Nestor).

[2]La pièce est adaptée et mise en scène par Peter Brook en 1958 à Londres, puis jouée en 1960 au Plymouth Theater de Broadway.

[3]En franglais dans le film.

[4]Certains l’aiment chaud (1959), La Garçonnière (1960), Un, deux, trois (1961).

[5]Cf. Un Américain à Paris (1952) et Drôle de Frimousse (1959) de Stanley Donen.

[6]C’est en 1961 que Blake Edwards adapte à l’écran la nouvelle de Truman Capote, parue en 1958.

[7]Le cinéaste a beaucoup insisté pour atténuer la colorométrie Technicolor.

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