Étrange festival

28e Etrange Festival – Compétition courts métrages #1

Comme chaque année, l’un des rendez-vous de l’Étrange Festival, qui est un pilier des temps forts de cette messe noire cinématographique, dévoile sa compétition courts-métrages pour laquelle sont décernés deux prix, celui du Grand Prix Canal+ et celui du Prix du Public. Cette section est composée de 7 programmes thématisés avec chacun un fil rouge plus ou moins marqué et permet en deux projections de rendre accessible la créativité du format court aux spectateurs venant au Forum des images, en plein cœur de Paris.

Le partenaire historique Canal+ depuis la création du festival est un exemple de modèles de production et de diffusion de courts-métrages, autant de dimensions nationale qu’internationale, accompagnant par là l’émergence et la diversité de talents audiovisuels. De même, parmi le comité de sélection de cette section deux anciennes figures emblématiques de la maison partenaire qui infusent le festival de leur expertise fine de ce format, en l’occurrence Alain Burosse et Pascale Faure, c’est dire si cette passion au long cours lie la chaîne cryptée à ce festival de cinéma de genres.

Le court-métrage est un exercice artistique passionnant, soit en prémisses d’une filmographie en devenir qui donnera l’occasion ainsi d’être prolongée avec un long-métrage ultérieur, soit en choix esthétique assumé avec des cinéastes confirmés favorisant cette durée de moins d’une heure pour des expérimentations visuelles ou des écritures ramassées tout au long de leur carrière.

Cela me donne l’opportunité ainsi de m’immiscer dans des univers condensés, témoins de l’air du temps, et m’ouvrant par là à des territoires fantasques, des sensibilités exacerbées, des imaginaires foisonnants, s’autorisant pratiquement tout car les risques budgétaires plus limités peuvent offrir paradoxalement la richesse d’une carte de visite choc, voire choquante. C’est ainsi, avec toujours curiosité et appétit, que je me rends à cette compétition que je suis avec assiduité personnellement et professionnellement.

 

28è Étrange festival – compétition courts métrages #1

28è Étrange festival – compétition courts métrages #1

 

La compétition démarre avec deux coups de cœur, des créateurs méconnus ou des réalisateurs expérimentés que j’ai plaisir à retrouver au fil des festivals promouvant le court-métrage comme médium agile et malléable.

Le thème de ce programme engage à questionner notre humanité ou inhumanité, avec en reflet cette altérité animale : elle nous apparaît comme ces tiers proches mais avec lesquels nous distinguer de par nos évolutions génétique et physionomique divergentes (Calving ; Culling), ou bien justement ceux qui sont les plus bestiaux, voire monstrueux, ne sont pas eux, mais nous (Carnivorous Bean Sprout ; Shudder ; Bestia). Dans les courts-métrages les plus étranges, cette monstruosité génère des cauchemars dans lesquels nous projetons bien pire que ce que l’animalité paraît (Carnivorous Bean Sprout ; Krak ; Phlegm), ou au contraire des rêveries réconciliant notre distance inter-espèces, telle une réconciliation par nos sensibilités partagées (Réminiscence ; Bassin d’Attraction ; Zoon).

Dans les partis pris formels, ce programme présente une solide palette des créativités actuelles : expérimental (Réminiscence), animations en images de synthèse/2D/3D/stop motion (Bassin d’Attraction ; Zoon ; Krak ; Bestia), live (Calving ; Shudder ; Culling ; Phlegm), ou un pot-pourri de différentes techniques (Carnivorous Bean Sprout) afin de déborder du réel et d’étendre les frontières de nos imaginaires…

 

Carnivorous Bean Sprout 육식콩나물 de Seo Sae-rom 서새롬

Carnivorous Bean Sprout 육식콩나물 de Seo Sae-rom 서새롬

 

Ce premier volet est donc une excellente introduction à cette édition plongeant le public dans des aventures sensorielles et des incursions horrifiques ou oniriques ! L’humour n’est pas en reste, allant s’encanailler avec la satire, deux courts osant même le sarcasme se démarquent : Carnivorous Bean Sprout de la Sud-coréenne Seo qui avait imaginé toute une web-série animée prenant à chaque épisode une espèce rare et bizarre afin de nous tirer les vers de notre inhumanité. En s’inspirant de ses voyages à l’étranger et de ce qui lui paraissait étonnant et exotique, elle s’amusa dans ce segment à pointer notre soif de sensations fortes avec un parc à thèmes de l’île de Perak en Malaisie, peuplée de germes de soja carnivores qui finissent par s’en prendre aux touristes imprudents. C’est sous la forme d’un reportage nippon qui relate les différents incidents sanguinaires que le premier court ouvre la marche vers l’absurde et la cruauté de ce programme. Le court Shudder est manifestement le plus mal-aimable avec nous en braquant notre regard vers des reporters de guerre sur le terrain, agissant tels d’infâmes rapaces à la recherche du cliché sensationnel et spectaculaire qui nous ulcèrera, ne se privant pas ainsi de prendre en photo leurs collègues eux-mêmes victimes de bombardements et de balles meurtriers. Pour s’immerger un peu plus profondément dans la terreur, l’un de mes coups de cœur est Bestia : il est l’illustration de ce que je recherche à l’Étrange festival, soit de la subversion et de la transgression. Ici ce superbe court en stop motion utilise une poupée en porcelaine pour donner chair à sa protagoniste, inspirée d’Íngrid Olderöck, véritable tortionnaire de la police secrète sous la dictature d’Augusto Pinochet au Chili. Son quotidien nous est relaté par une routine semblant monotone de l’extérieur, mais terrifiante de l’intérieur entre ses activités professionnelles effroyables et sa relation très singulière avec son berger allemand à la texture de laine bouillie.

 

Bestia de Hugo Covarrubias

Bestia de Hugo Covarrubias

 

Mais le fabuleux et le merveilleux sont tout autant au rendez-vous, car le fantastique s’invite pour nous éblouir : Zoon est une aventure bucolique et forestière nous faisant monter au-delà de la canopée avec d’énigmatiques créatures affamées, mais surtout mon deuxième coup de cœur est Bassin d’Attraction, un court très surprenant puisqu’il convoque des recherches sur l’art étrusque en collaboration avec le Musée national étrusque de la villa Giulia, pour lesquelles le cinéaste fut accompagné par Place Cavour – art contemporain dans le cadre d’une résidence à Rome : des statuettes d’Hercule, de Minerve, des ex-votos représentant des vulves, scrotum, tétons, pénis, utérus ou des explorateurs-sculptures prennent lieu & place d’une faune aquatique dans une piscine ! Les images de synthèse et la mise en volume somptueuses nous plongent alors dans cette ondée fantasmagorique, où l’expédition de méchas en soft-robotique s’alterne avec de fluides ballets parmi la flore de ce fond marin artificiel.

Dans le même registre expérimental titillant les sens, le nouveau court de Patrick Bokanowski, un habitué des festivals que je suis depuis plusieurs années grâce à Lightcone qui le représente et promeut le cinéma expérimental de belle facture. Par le vol éthéré d’une hirondelle, nous sommes conviés à traverser les diverses strates de la perception, et à poursuivre notre découverte de récits atypiques dans les autres programmes de la compétition courts-métrages…

 

Bassin d’Attraction de Jonathan Pêpe

Bassin d’Attraction de Jonathan Pêpe

 

Programme n°1 « Animal, on est mal ! » :

 

Prochaine projection du pogramme n°1 le 09/09 à 15h45 & tout le calendrier des programmes courts de l’Étrange festival

 

 

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