Partant de l’observation d’une personne de son entourage, dont le parcours est similaire à celui de l’héroïne relaté dans le film, Victoria Musiedlak aborde le milieu du travail en s’intéressant à la manière dont la fonction sociale impacte sur un individu qui ne semblait pas de prime à bord fait pour le métier en question. C’est bien le cas de Nora, jeune avocate fraîchement diplômée, propulsée sur le devant de la scène dès sa première affaire pénale plus que délicate. En effet, elle doit défendre un jeune homme accusé de viol et de meurtre. Surtout qu’elle est appelée à la rescousse au dernier moment, un soir, alors qu’elle pensait faire ses armes dans un univers plus tranquille. Sa première garde à vue la met à rude épreuve, dans une position très inconfortable. Elle se retrouve dans l’impossibilité de mettre ses affects de côté, se laissant emporter par un humanisme et une fragilité naturelle face à un meurtrier potentiel et à un flic endurci et froid. De nature timide et un peu gauche, elle se confronte à la cruauté d’un système qui réfute de se laisser emporter par l’émotion. Le professionnalisme garant de la réussite ne signifie pas forcément le choix le plus juste, mais le plus cartésien. Comme toute débutante, Nora multiplie les erreurs, doute de sa capacité à exercer son métier d’avocate qui demande quand même pas mal de sacrifices, mais elle ne capitule pas. Naïve et scolaire, elle tombe à pied joint dans les deux pièges qui lui sont tendus : d’abord en croyant sincèrement à l’innocence de son client et ensuite en tombant amoureuse du premier flic qu’elle rencontre, personnage ambigu et manipulateur.

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Le meilleur du film tient dans le portrait très intelligemment dessiné de cette jeune femme qui voit dans le métier d’avocate, une forme d’émancipation de son milieu social en tant que fille d’immigrés, une ouverture au monde, avant de se prendre en pleine face une réalité autrement plus violente. À travers elle, le film interroge la place de nos valeurs et de nos idéaux dans le cadre professionnel, thématique passionnante finalement peu abordée au cinéma. Noée Abita, révélation du très beau Ava, demeure l’attrait principal du film. Ses grands yeux expressifs, son corps frêle et sa voix fluette conviennent à merveille au personnage de Nora. Elle vampirise l’écran de la première à la dernière image, sans excès, avec un jeu très fin et sensible, évoluant subtilement sous nos yeux, par petites touches. Elle est aussi très bien entourée par la formidable prestation de François Morel en avocat cynique et d’Anders Danielsen Lie en policier séducteur et moins intègre qu’il ne le parait.

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La mise en scène, classique mais précise, avec une préférence pour les plans fixes et les couleurs froides, sert efficacement un scénario plutôt habile. On peut toujours regretter — comme dans beaucoup de premiers films français — cette peur maladive de se frotter avec le genre, judiciaire ici, délaissant volontairement une intrigue relayée en arrière-plan, pour se focaliser sur l’étude du comportement de son héroïne. Néanmoins, le petit coup de théâtre final, surprend par sa lucidité et son réalisme que d’aucun pourrait prendre pour de la cruauté. La petite Nora a grandi et a fini par comprendre comment le système fonctionne sans avoir totalement perdu sa candeur. Une conclusion assez juste pour un joli coup d’essai, maîtrisé et sans trop de superflu, justifiant la romance, inutile dans un premier temps, mais qui prend tout son sens à mi-parcours.

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