Rodolfo Pastor – « Capelito fait son cinéma »

Après trois séries d’aventures de Capelito, personnage créé par Rodolfo Pastor, cinéaste espagnol de stop-motion, le petit champignon de pâte à modeler au chapeau magique fait son grand retour : et cette fois-ci, sa curiosité le mène à des aspirations artistiques. Entre danse, opéra, peinture, sculpture, littérature, cinéma ou encore arts du spectacles, Capelito rêve de l’inspiration et de l’invention des plus grands, et s’évertue à les imiter grâce à son éternelle énergie créatrice, ses idées farfelues et son génie farceur. Car il a tout de même un atout de taille : il lui suffit de faire  tourner son nez pour que son capuchon se transforme en n’importe quel chapeau —chapeau qui lui confère les aptitudes de celui qui le porte. Capelito fait son cinéma évolue à travers huit épisodes thématiques, chacun rendant hommage à un type d’art.

Copyright Les Films du Whippet

Dans l’univers coloré et prolifique de Capelito, se côtoient une girolle-facteur, un pélican pêcheur, un papillon éploré, une princesse amatrice de rock, ou encore une tortue jouant aux échecs avec un escargot. Et dans toute cette animation, le petit champignon graine d’artiste se creuse la tête : comment faire de l’opéra si je ne peux chanter que sous ma douche ? Comment danser le tango si je n’ai qu’un pied ? Quel chapeau fera de moi le meilleur écrivain ? Les ambitions artistiques de Capelito se dessinent au gré de ces épisodes teintés de poésie et d’humour, où l’art va de pair avec le burlesque, et le lyrisme avec la fantaisie.

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Jouant de l’anthropomorphisme, du comique de situation et d’un langage fondé sur l’interjection et le charabia, Capelito fait son cinéma est non seulement accessible grâce à sa sémiologie universelle, mais aussi source de réjouissance à tout âge : car si l’animation est d’abord destinée aux enfants, la superposition de niveaux de lecture en fait également un récit pour adultes, par la diversité des thématiques philosophiques et culturelles abordées en filigrane. Au gré des péripéties  inventives du petit champignon au chapeau magique, s’élèvent des considérations autour du moi social, de l’être et du paraître, et de la nature de l’art et son artiste. Entre théâtre du mimétisme, recherche d’inspiration dans la nature et le vivant et émois amoureux, Capelito fait son cinéma interroge le processus créatif par l’entremise de cet univers bariolé dont la tendresse teintée de malice émane de l’animation en pâte à modeler et des effets de surprises liées aux curieuses inventions du petit champignon. Rodolfo Pastor joue sur l’anthropomorphisme —champignons et animaux— cohabitant avec des personnages humains (la cantatrice, la princesse) pour illustrer avec humour les clichés : Capelito devient l’être associé à son chapeau —troubadour avec son chapeau à plumes dans « Capelito, Troubadour » ; ingénieur avec son casque de chantier dans « Capelito a la tête dans les nuages » ; cuisinier avec sa toque dans « Capelito, Chef écrivain »— ; découvre qu’il est capable de chanter seulement sous la douche dans « Capelito, Un ténor bien trempé » ; et fait les cent pas avec son béret violet de Picasso, reproduisant des mimiques d’artiste, yeux plissés et tirant la langue dans « Capelito, Un peintre qui vole de ses propres ailes ». Le personnage de Capelito (« petit chapeau » en catalan) porte alors une symbolique autour du chapeau et de tout ce qu’il sous entend, comme pour créer un dialogue comique entre le couvre-chef et la fonction lui étant systématiquement associée. Ce jeu avec les clichés participe non seulement à la réjouissance comique de Capelito fait son cinéma, mais engage aussi toute une réflexion sur la dichotomie entre l’être et le paraître.

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Malgré sa verve comique et épique au sous-texte teinté de dérision, Rodolfo Pastor rend un véritable hommage à l’art, et particulièrement à la beauté de la (ré)invention. Aux allures de conte merveilleux et à la matrice fabuliste, où se côtoient attributs magiques —le nez de Capelito—, princesses, troubadours, chevaliers, et lièvres et tortues, Capelito fait son cinéma met en scène l’invention dans toutes ses intrications et ses horizons. Il y quelque chose de Nick Park (Wallace et Gromit) dans le cinéma de Rodolfo Pastor, où l’animation en pâte à modeler offre de multiples possibilités imaginatives de transformation, et où se fait l’éloge des stratagèmes et astuces fantaisistes. La magie opère avec brio, notamment dans l’épisode de « Capelito, Chef écrivain », lorsque, accablé par son manque d’inspiration, et ce malgré toutes ses tentatives de métamorphose —écrivain du Moyen-Âge avec sa plume, du XIXe siècle avec sa machine à écrire, puis des années 90 avec son ordinateur—, Capelito décide de se réinventer en chef cuisinier en élaborant une recette à base de pâtes alphabet (!). Les limites de la création semblent inatteignables dans Capelito fait son cinéma, où chaque obstacle donne lieu à une nouvelle idée. Dans l’épisode de « Capelito entre dans la danse », le petit champignon constate qu’il est bien embêtant de danser avec un seul pied : mais grâce à diverses transformations, il parvient à fabriquer une paire de bottes téléguidées, avec lesquelles il s’exerce sur le plancher de sa maison où il a pris soin d’esquisser des empreintes de pas à la craie. Par la mise en scène minutieuse de huit types d’art au gré des huit épisodes, un véritable poème autour de la magie inventive se déploie.

Capelito fait son cinéma se révèle être une véritable source de joie et de réflexion, autant pour les petits que pour les grands, en plus de proposer un ingénieux éloge de l’art, et de la constante réinvention dans le cadre du processus créatif.

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A propos de Eléonore VIGIER

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