A l’origine du film, il y a ce jour de mai 2013. Levan Akin, alors de passage à Tbilissi, est témoin d’un déchainement de violence dirigé contre les jeunes gens réunis à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie. Le rôle trouble de l’Église orthodoxe dans ces attaques décide le jeune réalisateur à s’attaquer à la question des droits des personnes LGBT dans son pays d’origine, la Géorgie. Et puis nous danserons met ainsi en scène un jeune garçon homosexuel, membre de l’Ensemble National géorgien, qui, tout en s’éveillant au désir, se voit forcé de cacher ses préférences dans une société conservatrice et intolérante.

Si les intentions de Levan Akin sont particulièrement louables, on peut tout de même regretter la longueur d’Et puis nous danserons et son aspect un peu convenu. Heureusement, cette romance adolescente sans surprises est l’occasion pour le réalisateur de faire le portrait d’une jeunesse mal connue. Celle-ci rêve de rejoindre l’Europe pour concrétiser ses aspirations, mais sent confusément qu’on lui a coupé les ailes et se retrouve dans l’impasse. Les adultes eux-mêmes, désabusés, apparaissent souvent comme les victimes d’une société ingrate. C’est ce dont témoigne le passé prestigieux des parents du héros, étoiles éphémères ayant un jour connu la gloire au Met’ ou au Royal Albert Hall, avant de sombrer dans l’oubli. A ces figures du déclassement s’ajoute le spectre de la déchéance incarné par le personnage de Zaza. Après avoir été surpris avec un homme, le danseur étoile a fini à la rue.

Copyright Anka Gujabidze

Dans le film de Levan Akin, la danse est finalement un prétexte à évoquer la question de l’homosexualité en Géorgie : elle est le prisme par lequel le réalisateur regarde une société qui étouffe sous le poids de la norme et des traditions. Reflet de l’esprit de la nation, la danse traditionnelle géorgienne est investie de valeurs strictes que les corps des danseurs doivent incarner. De même que les mouvements des danseurs doivent être empreints de dureté et véhiculer une masculinité sans équivoque, les jeunes danseuses sont censées garder les yeux baissés et exprimer une forme de candeur virginale. L’ironie réside ici dans l’écart entre cette représentation immuable des valeurs nationales et la vitalité transgressive de ces jeunes gens, fumant en cachette dans les vestiaires, passant leurs nuits à boire jusqu’au petit matin, ou découvrant trop tard une grossesse dont on camoufle le scandale par un mariage de convenance.

La dernière séquence du film constitue un beau pied de nez à une société présentée comme rétrograde et cadenassée. Le jeune héros s’offre en spectacle et transgresse tous les interdits à travers une scène de danse d’une audace libératrice, premier acte d’affirmation d’une identité enfin assumée.

 

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