Quand Mira se réveille après un rêve étrange, son mari a disparu. Les jours qui suivent vont transformer sa vie. Impassible en apparence, anxieuse à l’intérieur, Mira traverse les soubresauts d’un quotidien chamboulé avec un flegme mystérieux.

L’inertie du titre donne à la narration un mouvement de balancier, chaque événement semblant précédé de signes annonciateurs. La mère de Mira raconte l’histoire d’une femme ayant cuisiné son mari, le voisin dit ne servir à rien, un homme est rencontré dans un rêve… Le temps crée un glissement entre deux états proches de telle manière que Mira apparaît toujours un peu décalée mais à peine surprise, comme blasée, amusée parfois.

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Tourné à Haïfa, cité portuaire du nord d’Israël, le film la résume à quelques lieux, l’immeuble de Mira auquel on accède par une longue passerelle, la mer et le port qu’un funiculaire ou des œufs relient aux hauteurs de la ville, des routes, une épave de bateau devenu sanctuaire. De même que l’appartement de l’héroïne est scindé en plusieurs décors à peine reliés entre eux (la cuisine, la chambre, le salon), le tissu urbain est morcelé, des îlots sont créés, des itinéraires suggérés. La composition souvent géométrique des plans et le choix du cinémascope accompagnent cette sensation en structurant l’image de manière graphique. Le cadre précis, souvent traversé de fortes verticales, soutenu par une caméra fixe offrant parfois de lents panoramiques, coupe les personnages du hors-champ, sentiment accentué par un travail sonore atténuant les ambiances pour mieux isoler les dialogues. Ainsi, fractionnant l’espace et par conséquent le temps, le film construit un cheminement mental discontinu dont les repères sont brouillés.

Inertia regorge de situations dont l’absurdité tient à un détail, un sourire, une phrase, un grain de sable venant contrarier l’héroïne. C’est une tasse à l’inscription « Love » qui tranche avec le contexte, une tâche rouge au coin cassé de la table de salon, un robinet récalcitrant, des vêtements dont elle ne peut se débarrasser que de manière radicale. Le calme est apparent tandis que la mise en scène impose un climat instable qui semble traduire les troubles intérieurs. D’abord prise au dépourvue, puis semblant s’adapter, Mira change imperceptiblement, un sourire ou des yeux embués signifiant une émotion retrouvée.

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La narration lente installe un dérèglement progressif dont l’évolution précise peut être perçue comme du cynisme. Les brusques accès de drôlerie ou d’angoisse sont discrètement soulignés par les partis pris sonores, la belle partition minimaliste de Zoe Polanski et quelques fondus au noir. Ilanit Ben Yaakov traverse le film avec une grâce singulière et compose un personnage mystérieux dont il faut décrypter les regards, les gestes et les rares sourires pour deviner les sentiments qui l’habitent.

Pour son premier long métrage, Idan Haguel choisit de travailler sur une courte durée en créant avec peu de moyens une véritable atmosphère. Maîtrisant parfaitement la grammaire cinématographique, il fait preuve d’audace et de rigueur en proposant avec Inertia un film intriguant, riche et séduisant.

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