Villepinte, dans le 93. Le film s’ouvre sur une archive télévisuelle nous montrant, sans couleur et à travers un regard parisien, le développement de ses grands ensembles géométriques. Face à ces images d’immeubles interminables sortant de terre, le commentaire du journaliste, curieusement amusé, (im)pose la terrible expression de « ville-dortoirs ». Pourtant, aux initiatives de logements se greffent naturellement des projets de zones commerciales, ainsi que des investissements industriels que l’on traduit en nombre d’emplois potentiels pour ces mystérieux futurs résidents. À en croire le reportage de 1970, ces derniers n’auraient d’autres besoins fondamentaux que de travailler, consommer et dormir sous un toit.

Film Douce France

Aujourd’hui, les tours aux mille fenêtres et les grandes enseignes ont pris leurs aises. Chaque année en Île de France, c’est 1400 hectares de terres fertiles qui leur sont cédées, au détriment de l’agriculture et du respect de l’environnement. Avant son arrêt de mort (non définitif) en 2019, le projet EuropaCity, dans une fièvre capitaliste néolibérale, revendiquait l’urbanisation de 280 hectares dans le Triangle de Gonesse. La mairie et les gros investisseurs se frottaient les mains devant ce qu’ils voyaient déjà comme le « Dubaï français ». Une piste de ski artificielle pour le Grand Paris, des kilomètres de loisirs et de boutiques, des loyers qui grimpent et une ville plus « attractive ». Pour faire de l’argent il faut faire de la place. Mais plusieurs questions se posent. Quand est-ce qu’on arrête de construire ? Combien de centre-commerciaux faudra-t-il encore ? C’est la rhétorique légitime des opposants au chantier démesuré qui reste en suspens.

Geoffrey Couanon aborde ces problématiques grâce à des intermédiaires a priori aussi novices sur le sujet que le spectateur lambda. Amina, Sami et Jennyfer se lancent dans une enquête de terrain initiée par un cours de géographie. Ils se sont construits au cœur de ces paysages périphériques, ils sont la jeunesse des centre-commerciaux. Dans la bouche des pro-EuropaCity, le projet d’urbanisation ressemble à un chant de sirènes pour ces jeunes habitants. Et pourtant, au fur et à mesure de leur quête, leurs réflexions s’enrichissent de nouveaux horizons, dont ils semblent parfois les premiers étonnés. Leur territoire devient un espace à se réapproprier, à repenser. Le cheminement le plus touchant est sans doute celui de Sami, personnage silencieux et songeur, qui porte un regard à la fois rationnel et naïf sur ses découvertes du monde qui l’entoure.

Douce France est finalement un portrait. Portrait d’une jeunesse de quartiers, portrait d’une ville périphérique et de ses campagnes malmenées. Une immersion touchante parmi ses habitants, citoyens et militants, en quête de changement.

Film Douce France

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