En colonisant la Nouvelle-Zélande, les Anglais apportent dans leurs bagages leur humour décalé et pince sans rire, leur flegme ainsi que leurs histoires de maisons hantées. Créateur d’une série télévisée néo-zélandaise à succès, The Jaquie Brown Diaries, Gerard Johnstone inclue tous ces ingrédients dans son premier long métrage, Housebound. S’aventurer dans les recoins les plus sombres du thème de la maison hantée n’empêche pas le jeune cinéaste de persévérer dans la comédie.

Après un hold up raté, Kylie Bucknell, délinquante colérique et sensible aux stupéfiants, se retrouve assignée à résidence chez sa mère. Partager des mois dans la maison dans laquelle elle a grandi, aux côtés d’une mère bavarde et d’un beau-père taciturne, est la pire des tortures pour la jeune femme. Durant ce séjour forcé, Kylie subit les visites d’un psychologue obséquieux, observe un voisin forcément inquiétant et est témoin de phénomènes étranges. D’autant plus que sa mère est persuadée que la maison est hantée. D’abord sceptique, Kylie, avec l’aide de son agent de sécurité versé dans le paranormal, va mener son enquête sur le passé de la demeure qui n’est pas aussi paisible que cela…

 

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Housebound réunit une belle brochette de marginaux hauts et en couleurs dans un scénario d’apparence classique. Seulement, une structure en tiroirs, à l’image de la mystérieuse demeure, réserve fausses pistes et retournements de situations menés à un rythme soutenu. Le film de Gerard Johnstone est aussi une comédie sociale dans la plus pure tradition anglaise aux dialogues savoureux à travers lesquels le réalisateur déclame son amour pour les paumés. En plus de son écriture au cordeau, le réalisateur néo-zélandais se paie le luxe d’une mise en scène maîtrisée qui lui permet de jouer avec les différents genres abordés : les passages les plus tendus laissent ainsi la place au rire sans que cela ne semble inapproprié. Ces changements de tonalité amènent un décalage qui ne s’inscrit nullement dans une relecture cynique et opportuniste du genre traité. Au contraire, ce parti pris est en adéquation avec les personnages qu’il s’agit de mettre en valeur par leur singularité et de montrer à quel point ils sont en rupture avec la société. Kylie pérennise à la fois l’héroïne type du film d’horreur tandis que son côté asociale lui confère une personnalité qui va à l’encontre de l’habituel cliché inhérent au genre. À travers ses personnages, Gerard Johnstone évoque les relations humaines rompues, les difficultés à communiquer, à s’accepter et à adopter l’autre.

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L’idée directrice de Gerard Johnstone est de réunir toutes ces personnalités, à première vue incapables de vivre ensemble, dans un huis-clos qu’il filme en cinémascope. Entre  John Carpenter et Sartre, Housebound est un film sur l’enfermement aussi bien social que psychologique. Avec un tel parti pris, Housebound surprend pourtant grâce à sa réalisation dynamique qui l’éloigne de ce qui aurait pu être du théâtre filmé. Gerard Johnstone connaît et utilise tous les ressorts du film de maisons hantées et d’horreur pour mieux les désamorcer avec sa mise en scène inventive, sans oublier de saupoudrer son récit juste ce qu’il faut d’hémoglobine. Le réalisateur enchaîne les idées visuelles, utilise au maximum les ressources d’un décor qui se dévoile au fur et à mesure que l’intrigue avance, tout en ayant recours à tous les moteurs de la narration pour donner à son histoire l’énergie dont elle regorge à l’écran. La caméra est très mobile et, alors que le découpage alterne gros plans et cadres larges, le montage est serré. Ainsi, Housebound ne pâtit jamais d’une quelconque baisse de rythme, ne souffre jamais d’une immobilité que pourrait pourtant lui donner son décor quasi unique, et les changements de tonalités s’effectuent tout naturellement. Dès l’ouverture, Gerard Johnstone adopte un ton décalé dans une forme alerte pour mettre en scène des situations sérieuses transformées en gags pince sans rire.

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Après avoir hanté le Paris International Fantastic Film Festival en 2014 où il crée la surprise, Housebound sort malheureusement directement en DVD au lieu d’avoir les honneurs d’une sortie en salles. Certes le film n’est pas dénué de défauts, mais la qualité et la maîtrise techniques prennent largement le pas sur ceux-ci. Sous ces atours se devine surtout une œuvre modeste, une sorte de conte de fée tendrement subversif au traitement original et jubilatoire.

Le DVD : Le film bénéficie d’un superbe transfert en 16/9 qui respecte son format 2.35 avec une belle restitution des couleurs. Les non anglophones peuvent regretter l’absence de piste française, mais pourront déguster les accents des personnages en 5.1. Côté bonus, seule une bande annonce est disponible.

Housebound
(Nouvelle-Zélande – 2014 – 107min)
Scénario, réalisation & montage : Gerard Johnstone
Directeur de la photographie : Simon Riera
Musique : Mahuia Bridgman-Cooper
Interprètes : Morgana O’Reilly, Rima Te Wiata, Ge-Paul Waru, Ross Harper, Cameron Rhodes…
Disponible en DVD chez Luminor Films depuis le 20 février 2015

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