Bo Widerberg – « Tom Foot » (1974)

Malavida Films continue son beau travail, commencé en 2020, consistant à faire découvrir ou redécouvrir au public des œuvres du cinéaste suédois Bo Widerberg.

Sous la forme d’une jolie fable, aux accents comiques voire burlesques, Bo Widerberg raconte, dans Tom Foot (1974)l’histoire d’un petit garçon haut comme trois pommes qui se trouve propulsé sur le devant de la scène et des pelouses des stades, au milieu de grands galets, parce qu’il est un surdoué du ballon rond.
Bo Widerberg critique le star system – en l’occurrence sportif – qui instrumentalise l’enfant, en fait un produit, une peluche dans les bras d’un dirigeant de club ; qui le porte au pinacle quand le succès s’annonce et le voue aux gémonies quand il faillit ou sort des rails malgré lui. En ce sens, cette œuvre pourrait être placée mutatis mutandis aux côtés d’un film comme Bellissima de Luchino Visconti (1951).

© Malavida

Il est assez émouvant de voir ce bambin dont la personnalité n’est pas encore véritablement construite – cela se lit par défaut sur son visage, angélique, mais un peu neutre – et stabilisée, ou qui ne se construit et ne se stabilise que progressivement, prendre du plaisir à jouer au football et à voir son image affichée dans les rues ou sur le mur de sa chambrette, mais aussi avoir besoin de s’amuser sainement comme les autres enfants de son âge alors qu’il est projeté brutalement dans un monde d’adultes parfois cyniques, de découvrir la nature et sa nature, et qui a besoin de ne pas garder sa langue dans sa poche.
De voir un garçonnet prenant conscience, aussi, de ce que lui fait perdre ou manquer la situation qu’il vit : le sommeil (réparateur), l’apprentissage lui permettant de compter, de lire et d’écrire (Johan ne sait même pas écrire son nom, ce qui est bien sûr hautement significatif).

Concernant les parents de Johan, Bo Widerberg ne les charge pas, mais ne les défend pas non plus. C’est une institutrice qui prend conscience du drame qui se profile, qui engage le dialogue avec l’enfant. Son rôle en tant que guide et éducatrice est traité avec subtilité. Elle est un simple aiguillon, une étincelle discrète, quelqu’un qui sait parler avec des clins d’oeil complices. C’est le petit héros qui se décide lui-même à mettre un terme à son aventure relativement absurde. Qui demande à ce qu’on l’appelle par son vrai prénom et qu’on arrête de l’affubler d’un sobriquet – sympathique, certes, mais un peu péjoratif, nous semble-t-il. Les sous-titres font apparaître le mot « Gamin », mais, en Suédois, Johan est surnommé – et c’est le titre du film – « Fimpen ». Cela veut dire littéralement : « Mégot de cigarette ». Une expression qui renvoie à la petitesse, à la maigreur, à la consommation de produits, à la consomption délétère.

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L’idée de Tom Foot est venue à l’esprit de Bo Widerberg durant l’été 1971, en jouant au football avec l’équipe du film qu’il était en train de tourner : Joe Hill, et en étant confronté de façon imprévue à un mini dribbleur extrêmement talentueux.
L’enfant, nommé Johan Bergman, joue le rôle de « Fimpen » alias Johan Bergman. Ses parents réels jouent ses parents fictifs. Bo Widerberg met en scène l’entraîneur de l’équipe nationale de Suède dans son propre rôle, ainsi que des joueurs professionnels tels que Benno Magnusson ou Tom Turesson…

Le biographe de Bo Widerberg écrit, dans un texte inédit servant de dossier pour la presse et pour les spectateurs :

« Une bonne partie des scènes sur les terrains de foot a été tournée juste avant le début des vrais matchs. Avec les spectateurs dans les gradins et l’équipe nationale suédoise sur le terrain. Johan donnait le coup d’envoi. Ensuite, lui et ses coéquipiers menaient une action vers le but adverse. D’autres footballeurs suédois professionnels faisaient les joueurs de l’équipe opposée, dans les tenues de l’équipe nationale hongroise par exemple. Les plans obtenus étaient ensuite montés avec d’autres scènes tournées séparément sur un terrain inoccupé, les gradins vides hors-champ ».

Le cinéaste jongle avec les instruments de son art, dans un film réalisé en peu de temps et avec un budget réduit. Parfois, c’est bien joué. Le résultat fait belle et forte impression, et illusion. Parfois, on sent un peu trop le travail de montage visant à pallier les problèmes de prestation et de filmage dûs au sujet et aux situations, et les artifices au niveau du cadrage, au niveau du jeu sur le hors-champ, au niveau des raccords.
Mais peu importe, c’est un conte et il demande la « suspension consentie de l’incrédulité » (formule du poète anglais Samuel Coleridge, proposée en 1817). Pour notre part, nous l’avons suspendue, de bonne grâce.

 

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