« D’où vient ce désir, partagé par tant d’hommes, qui les pousse à aller voir ce qu’il y a au fond d’un trou ? » m.e.s. Thibaud Croisy

Qu’y-a-t-il au fond du trou ?

En 2016 l’auteur et metteur en scène Thibaud Croisy commettait tout à la fois « Pierre Bellemare, une histoire extraordinaire », un spectacle interprété par l’iconique présentateur autour d’un fait-divers authentique et « Témoignage d’un homme qui n’avait pas envie d’en castrer un autre », une pièce radiophonique donnant à écouter la rencontre entre l’artiste et un master adepte des pratiques sado-masochistes (kikou la séquence très détaillée de la sonde urétrale et du contrôle urinaire !!!!). C’est donc très logiquement et sans surprise que ce nouveau spectacle « D’où vient ce désir, partagé par tant d’hommes, qui les pousse à aller voir ce qu’il y a au fond d’un trou ? » reprend dans un même écrin les deux thématiques précédemment citées (meurtre/sexe), tricotant de manière parfois artificielle et maladroite une réflexion plus ou moins pertinente autour de la rebattue dualité éros/thanatos.

Premier constat : Thibaud Croisy est et reste un auteur. Son écriture est décidément précise, fluide et son propos pertinent. C’est ainsi que le spectacle débute par une réflexion hilarante sous la forme atypique d’un cour de criminologie ayant pour thématique le meurtre, depuis sa justification jusqu’à la surprenante banalité de son geste. Le texte est parfait, acéré et bien souvent drôle. On aurait envie de le reprendre et de le lire à tête reposée, ce qui est l’apanage des bons débuts et la promesse des spectacles réussis.

« Les trucs pas mal que j’ai écrits, ou du moins les trucs dont j’ai été satisfait, je les ai sortis d’un seul coup, en ne réfléchissant pas. En ne les travaillant presque pas non plus. C’est bête à dire, mais je crois de plus en plus en cette valeur-là. » – Thibaud Croisy (dossier de presse).

Ce faisant, l’auteur et comédien incarne sur scène un enquêteur ambigu hanté par une force mortifère prenant corps en la personne d’une médecin légiste adepte du fist-fucking avec laquelle il nouera une relation fusionnelle et destructrice. S’enchaîne des réflexions plus ou moins pertinentes sur les pratiques sexuelles dites « extrêmes » durant lesquelles la mort, la torture, la merde et les chairs décomposées côtoient l’amour tout autant que le désir et l’envie de meurtre.

(c) Thibaud Croisy

Si sur le papier tout est réuni pour constitué un spectacle détonnant, cru et original, l’ensemble s’apparente plutôt à un brouillon scolaire, paresseux et par bien des aspects, convenu. Les thématiques, usées jusqu’à la corde, ne trouvent aucun second souffle ici. Pire, les évocations scatologiques du texte finissent par lasser, piètres tentatives qu’elles sont comme autant de provocations gratuites. On est loin de l’aspect frontal et sans fard de « Témoignage d’un homme qui n’avait pas envie d’en castrer un autre » qui interrogeait la forme théâtrale au travers de la théâtralisation des désirs.

Dans la forme, les séquences s’enchainent sans liant, les Sonates de Beethoven ne parvenant pas à dissimuler les trous de mise en scène et l’absence de cohésion de l’ensemble.

Avec ce nouveau spectacle, Thibaud Croisy ne parvient malheureusement pas à donner corps à son texte et la mise en scène qu’il propose, ne convainc pas plus. « D’où vient ce désir, partagé par tant d’hommes, qui les pousse à aller voir ce qu’il y a au fond d’un trou ? » est un spectacle qui manque de théâtre, les mots ne suffisant pas, seul, à porter un propos resucé qui flirte à plusieurs reprises avec une certaine forme de prétention du discours.

On continuera pourtant de suivre le travail de Thibaud Croisy pour son originalité et la truculence de ses projets, en espérant qu’il trouve une forme qui convienne à ce fond qui lui vaut signature et qui reste, même si décevant ici, très intriguant.

Dommage, qu’une fois « digéré », il ne reste pas grand chose de ce spectacle qu’on aurait profondément aimé aimer. 

En tournée.

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A propos de Alban Orsini

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