Pia Marais – « Transamazonia »

Après l’existentiel et drôle À l’âge d’Ellen  (avec une épatante Jeanne Balibar) et le thriller âpre Layla Fourie, ce quatrième long-métrage de la talentueuse et éclectique réalisatrice sud africaine Pia Marais, Transamazonia séduit par sa beauté et son subtil mélange de genres.

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Alors qu’elle était enfant, la fille du missionnaire Lawrence Byrne, Rebecca, a survécu à un accident d’avion au fin fond de la forêt amazonienne. Elle été déclarée « miraculée ».  Des années plus tard, elle est devenue une guérisseuse célèbre dans la région. Bientôt, son père rentre en conflit avec des bûcherons qui envahissent les terres appartenant au peuple indigène qu’il évangélise.
Helena Zengel interprète corps et âme Rebecca. alors âgée de dix ans, elle avait été remarquée en 2020 dans l’impressionnant  Benni de Nora Fingscheidt où elle incarnait une petite fille atteinte de troubles du comportement. Puissante, viscérale et attendrissante, Helena Zengel reçut de nombreuses distinctions, dont le Deutsche Filmpreis, l’équivalent des César en Allemagne.

Elle a gardé son étrangeté et de sa ténacité dont elle imprègne son personnage ambigu. Rebecca croit-elle en son don ? Est-elle la marionnette d’un père qui vit une certaine gloire par procuration ? Et surtout, a-t-elle vraiment le pouvoir de guérir les gens ?

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Pia Marais entremêle avec virtuosité  différents niveaux de réalité et genres cinématographiques, faisant se télescoper film initiatique, film fantastique, politique, à partir d’une enquête qui lui confère aussi parfois une aura documentaire.
La cinéaste s’est inspirée de l’histoire vraie d’une jeune fille ayant survécu à un accident d’avion et a une chute vertigineuse dans la forêt amazonienne dans les années 70. Sa chance miraculeuse l’avait rendue célèbre mondialement et généré des tas de spéculations. En entreprenant un voyage à sa recherche sur la route Transamazônica au Brésil, Pia Marais a accompagné un journaliste qui couvrait depuis longtemps un conflit opposant un peuple autochtone et un village d’exploitants forestiers. Transamazonia est né de ces deux rencontres et à un aspect politique, donnant une voix à ce peuple autochtone, les Asurini, luttant contre les exploitants forestiers qui menacent l’intégralité de leur culture.
Transamazonia raconte l’histoire d’une guérisseuse prodige et de ses disciples, mais aussi celle d’un lieu. La FUNAI (l’organisme public charge de la protection des autochtones et les responsables du peuple autochtone ont encadré le film, le doublant d’un flamboyant plaidoyer pour la préservation des Asurini et de leurs traditions ancestrales, sans cesse mises a mal par les colons blancs. Les Asurini ont reçu l’équipe sur leurs terres, ont joué dans le film et ont été associés à sa production. Ainsi, tous les autochtones du film sont incarnés par des non-professionnels coachés par Claudio Barros, fervent militant pour les droits peuples autochtones brésiliens et directeur de casting pour les acteurs autochtones avec qui il travaille régulièrement pour des tournages.

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Les recherches de la réalisatrice les ont conduits à la municipalité de Tucuruí, à une dizaine d’heures de voiture de Belém, où ont été tournées certaines scènes de La forêt d’Emeraude de John Boorman. Ils y ont déniché un tronçon de la route BR 422 qui traverse le territoire indigène Trocará.
Ainsi, exactement quarante ans après le magnifique film de John Boorman, Pia Marais ravive l’esprit de ce réalisme magique. La Forêt d’Emeraude, également librement adapté d’une histoire vraie, racontait l’histoire d’un jeune Américain, kidnappé par une tribu indigène de la jungle amazonienne. Deux époques, deux films magnifiques qui embrassent faits divers et métaphysique. Deux jeunes interprètes inoubliables. Gageons que nous n’avons pas fini d’entendre parler de la jeune Helena Zengel.

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Hypnotique avec ses traversées de forêts mystérieuses, hanté par les esprits que l’on devine et des puissants hélas bien réels, sa musique fascinante, Transamazonia nous poursuit bien après sa vision, installant un leitmotiv entêtant et ensorcelant. En réussissant à  mixer récit fantastique et film engagé, Pia Marais  nous offre un film fascinant et nécessaire.

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