Lettre et arts, où le son figural

Né en Suisse, Michael Jarrell est l’auteur d’une oeuvre largement saluée par la critique. Mais les images restent… sont une compilation sensée d’oeuvres tirées de la vie antérieure. L’inventeur de La Chambre aux échos (1992, écrite pour l’Ensemble intercontemporain) se passionne pour la relation qui se noue entre la musique et l’image. A propos d’Abschied, concerto pour piano créé en 2001 au festival de Salzbourg, il indiquait déjà que sa musique pouvait être associée « au souvenir et à l’histoire » de son père, « disparu au moment de la composition de l’oeuvre (…) Et ce qui reste, finalement, ce sont les images. Son visage. Ce sont moins des choses dites, des paroles, moins des situations, des moments, que des images. »

Mais les images restent… s’inscrit donc dans une longue réflexion. Marquée en creux par le souvenir des disparus, le son veut retenir l’image, jugée plus apte que les mots à restituer la mémoire vacillante, à l’image du vibrato (Aus Bebung) qui s’empare du violoncelle et de la clarinette. Plasticien de formation, Michael Jarrell créée dans un univers tridimensionnel, où le son veut figurer mots et images par le prisme d’un récit heuristique. Les vibrations de sa musique ne sont d’ailleurs pas sans rappeler certains effets cinétiques chers à l’art contemporain. Fruits de travaux passés, plusieurs morceaux font l’objet d’une recomposition. Echevelé, le clavier se livre à une incendiaire rhapsodie – mais les images restent.

S’y succèdent plusieurs épisodes : graves aux rythme lents et sages, puis sujets-stacatto sans répons. Comme dans le vibrato liminaire, le morceau de bravoure entre notes de passage et vues éternelles fait de l’instrument le moyen et la fin. L’exploration quasi anatomique de la clarinette, du violoncelle et surtout du piano se conçoit comme un cheminement à l’issue incertaine, mais résolument image. L’influence qu’exerce Claude Debussy sur Michael Jarrell est encore plus palpable dans es bleibt eine zitternde Bebung. On y retrouve force hardiesse dans la mélodie et dans l’interprétation, à la faveur de l’entente qui lie le compositeur aux musiciens. Saisies par un mouvement au souffle perpétuel, l’harmonisation se prête à des juxtapositions d’images, toujours sensées. L’audace qui marque en creux les jeux d’intervalles dans l’Assonance III créent des tensions, nées de questions sans réponse. Même à l’unisson, les instruments ne semblent pas résoudre l’aporie d’un art total, resté à l’état figural ; pas encore figuré.

Michael JARRELL – Mais les images restent..., par Ernesto MOLINARI, clarinette, Thomas DEMENGA, violoncelle, Marino FORMENTI, piano. WDR SINFONIEORCHESTER, Peter RUNDEL, direction
CD édité par Aeon

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