Idles et Shame, le retour du post punk

On dit que la nostalgie arrive passé 20 ans, il est donc logique de voir débarquer au début des années 2000 diverses formations rock se revendiquant du post punk. Le post punk donc, genre musical né en Angleterre des cendres du punk au début de la décennie 80, la bande-son de la grisaille des années Thatcher. Deux décades plus tard, c’est le passage de relais, une nouvelle génération de groupes émerge à travers toute l’Europe, des jeunes gens ayant probablement piochés dans la discothèque de leur grand frère, de leur grande sœur voire de leurs parents. Depuis ce « revival post punk » est même devenu un genre en soi et de nombreuses formations se réclament désormais du son âpre de leurs ainés de Gang of Four ou de Wire, pour ne citer qu’eux.

C’est le cas de Idles et de Shame, deux groupes anglais aux sonorités similaires mais dont l’approche du genre diverge sur le fond.

IDLES

Idles voit le jour à Bristol en 2009. Leur premier album ne sort pourtant qu’en 2017 mais le succès est au rendez-vous. Depuis ils ne déméritent pas, quasiment un album par an. Leur travail musical se différencie des grands anciens par un son plus agressif qui est mis en valeur par un jeu de guitare proche du punk hardcore. Un titre de leur second effort peut résumer leur philosophie : « Joy as an act of resistance ». Car s’il est vrai que les années Thatcher sont loin derrière nous, les idées qui les accompagnaient irriguent plus que jamais la société et ne cessent, elles aussi, de renaitre de leurs cendres. Chacun résiste à sa façon. L’humour et la dérision très british sont donc les points forts de Idles, à commencer par leurs pochettes. Sur Joy As An Act Of Resistance (2018) on y voit une bagarre éclatée lors d’un mariage, le mot Joy vient ironiquement illustrer la scène. Sur Ultra Mono (2020), un quidam se prend un énorme ballon rose dans la poire et sur leur dernier album Crawler (2021), un astronaute se retrouve coincé au sol dans l’angle d’une maison High-Tech.

Sorti début novembre Crawler annonce pourtant un changement de tonalité. L’album s’ouvre sur des synthétiseurs aux sonorités glaciales et inquiétantes, les lyrics sont à l’avenant, « It was February I was cold, and I was high » entonne le chanteur Joe Talbot de sa voix grave avant de clôturer le morceau « MTT 420 RR » par « Are you ready for the storm »… D’orage et de tempête il sera donc question, fini de rire, la tension et la rage sont constantes tout au long de ces 13 morceaux très courts, trois minutes maxi pour l’essentiel. « The New Sensation » prône l’hédonisme jusqu’à l’abrutissement, un message martelé par une rythmique sèche comme un coup de trique. L’ironie reviens avec « The Beachland Ballroom » une parodie de slow qui camoufle à peine l’amertume des paroles… « Crawl », le morceau titre, reste le climax de l’album, la colère ne retombe jamais jusqu’au final sobrement intitulé « The End » que Talbot et sa bande terminent tout de même sur une note d’espoir : « In spite of it all, life is beautiful,  God damn ! » (Malgré tout, la vie est belle, nom de dieu !). Comme quoi tout n’est peut-être pas pourri au royaume de Boris Jonhson !

SHAME

Shame, quant à lui, peut être vu comme le petit frère un brin turbulent de Idles, turbulent mais non moins tourmenté si l’on en juge par la tonalité sombre que véhiculent leurs pochettes et leur musique. Formé en 2014 ils ont déjà deux albums à leur actif dont « Drunk tank pink » sorti cette année.

Même si l’on reste dans la même famille musicale, le son du groupe est ici plus sec et moins rugueux que chez Idles, moins hardcore aussi. L’ironie est moins présente, si ce n’est dans le clip de leur tube « Alphabet » dont le bricolage rappelle ceux de Mondino ou de Gondry. Le côté pop plus prononcé évoque quant à lui les Buzzcocks ou Magazine, les deux groupes d’Howard Devoto. Les textes distillent sur un mode dansant les doutes existentiels d’une jeunesse qui « ne sait plus ce qui se passe » selon les dires du chanteur Charlie Steen. Dans les morceaux marquants, on retiendra surtout en dehors de « Alphabet », le puissant « Water In The Well » dont le refrain « Crux Upon Crux, Lux Upon Lux » est fait pour être repris en cœur en concert, puis le groovy « Human For A Minute » et le très punk « Great Dog » tout en hurlement. « 6/1 » et « Harsh Degree » achève de nous convaincre sur les capacités de Shame à pondre des hymnes rageurs.

Tout en puisant son inspiration dans ce grand laboratoire sonore qu’était les 80’s, cette nouvelle génération de groupes arrive à saisir l’air du temps de cette Angleterre post Brexit. Leurs succès (n°1 des charts UK pour Idles avec l’album Ultra Mono) montrent qu’ils sont sans doute dans le vrai.

  • Idles Crawler Label : Partisan dispo en 33t, CD et numérique
  • Shame Drunk Tank Pink Label : Dead Oceans dispo en 33t (rose), CD et numérique

Les clips :

 

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