Entretien avec Lorenzo Leschi pour « Être juif dans le cinéma classique hollywoodien »

Doctorant à l’université Paris Cité, Lorenzo Leschi est déjà l’auteur d’un premier ouvrage, sorti en juin dernier, consacré à la représentation des Juifs dans le cinéma classique hollywoodien. Dans ce livre passionnant, il revient sur cinquante ans de cinéma américain en l’éclairant d’une perspective nouvelle : le rapport contraint et ambigu des fondateurs d’Hollywood à leur judéité. À la fois ample et synthétique, cet essai édité chez Vrin nous a donné envie de nous entretenir avec ce jeune chercheur, dont les recherches portent actuellement sur les relations entre les Juifs et les Afro-Américains dans le cinéma américain. 

Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

C’est un livre qui est en partie adapté de mon mémoire de M1 qui, de base, devait être sur la « haine de soi » juive dans le cinéma américain. La « haine de soi » juive est un concept inventé, plus ou moins, par Theodor Lessing, un philosophe juif allemand de la fin du dix-neuvième siècle, qui reprend un concept qui existe depuis très longtemps au sein du peuple juif avec ce refus d’être juif et cette volonté d’assimilation telle, que l’on renie complètement ses origines. C’est un phénomène récurrent au cours de l’histoire. C’est ce concept qui m’intéressait à partir de plusieurs films du cinéma américain contemporain : Danny Balint (Henry Bean, 2001), Little Odessa (James Gray, 2001), Jewish Connection (Kevin Asch, 2010), etc. Pour faire ce mémoire sur le cinéma juif contemporain, j’ai décidé de commencer par une partie historique pour montrer comment cette « haine de soi » juive que l’on peut avoir dans le cinéma contemporain avait des racines qui remontaient en fait à la création d’Hollywood et aux premiers âges du cinéma américain. Mon intuition, c’était que, de tout temps, à Hollywood, il y avait eu ce rejet des origines juives, ce reniement, parce que je me suis souvenu d’une phrase d’un de mes professeurs, Pierre Berthomieu, qui avait dit en cours : « Le cinéma hollywoodien, c’est un cinéma fait par des Juifs, avec un code moral catholique, pour un public majoritairement protestant. » Et j’avais posé la question : étant donné que quasiment tous les producteurs sont juifs, pourquoi il y a aussi peu de Juifs dans les films de la période classique hollywoodienne ? C’est ce paradoxe-là, qui était l’introduction de mon mémoire de M1, qui a beaucoup intéressé mon directeur de mémoire, Eric Dufour, qui m’a demandé de creuser  cette question avant de me proposer de la publier sous forme de livre dans sa collection, chez Vrin.

Avez-vous trouvé beaucoup de sources historiques, d’études pour mener à bien votre recherche ?

En France, il n’y a vraiment pas grand-chose sur l’identité juive dans le cinéma américain. Aux Etats-Unis, il y a déjà plus de travaux mais ça reste assez marginal. Ce qui m’a beaucoup aidé, et qui sert de point de départ à tout mon travail, c’est le livre de Neal Gabler, Le Royaume de leurs rêves : comment les Juifs ont créé Hollywood, qui est une biographie des différents producteurs juifs qui ont créé le cinéma Hollywoodien, Louis B. Mayer, les frères Warner, Harry Cohn, Adolph Zukor, Carl Laemmle, etc. Ça, c’est vraiment le point de départ parce qu’il analyse justement le rejet des origines de ces producteurs et comment ils ont créé un empire cinématographique, un nouvel imaginaire dans lequel ils construisaient une Amérique telle qu’ils la voulaient, dans laquelle ils étaient complètement intégrés, où les différences ethniques étaient masquées, dans laquelle ils pouvaient construire une nouvelle vie, loin du judaïsme. Le deuxième livre qui m’a beaucoup aidé, c’est un livre de Steven Alan Car, Hollywood and Anti-Semitism¸ qui analyse plutôt les différentes attaques antisémites contre l’industrie du divertissement américain, donc d’abord le théâtre, puis le cinéma hollywoodien. Ces deux livres sont mes principales sources pour l’ensemble de mon livre. Après, pour les différents chapitres et les différentes analyses de film, j’ai repris des travaux existants, qui ne m’ont pas convaincu dans leur entièreté, mais dont certaines analyses étaient particulièrement pertinentes. Pour les Marx Brothers, il y a un livre de Lawrence J. Esptein, American Jewish Films : The Search for Identity. Pour Le Chanteur de Jazz (Alan Crosland, 1927)¸ il y a un excellent livre de Michael Rogin qui s’appelle Blackface, White Noise : Jewish Immigrants in the Hollywood Melting Pot, qui m’a beaucoup servi pour l’analyse de ce film, qui occupe une place centrale. Après, j’ai également utilisé des travaux français sur des films qui sont quand même très étudiés, très connus, comme par exemple Le Dictateur (1940, Charlie Chaplin) pour lequel j’utilise un livre de Jean Narboni, Pourquoi les coiffeurs. Mais ce que je voulais pour ce livre, c’était une approche synthétique qui recoupe à la fois la biographie des producteurs, les attaques antisémites, l’analyse des films et articuler tout cela en lien avec l’histoire politique et sociale des Etats-Unis. Donc j’utilise aussi des livres sur les Juifs américains comme le livre de Dominique Schnapper, La Citoyenneté à l’épreuve. La démocratie et les Juifs ainsi que Sartre pour ses Réflexions sur la question juive.

Comment expliquez-vous l’absence d’études françaises sur la représentation des Juifs ?

Je pense que la recherche française sur le cinéma hollywoodien est quand même très orientée sur les questions esthétiques et auteuristes, ce qui n’aide pas à appréhender la question juive à Hollywood parce qu’il peut s’agir de films qui n’ont pas un grand intérêt d’un point de vue de l’histoire esthétique, technique du cinéma hollywoodien. C’est aussi difficile de l’appréhender d’un point de vue des auteurs parce que souvent, dans la période classique, il va s’agir d’un film d’un réalisateur qui va en parler une fois et qui n’en parlera plus après. Et les analyses ethniques du cinéma américain n’ont pour le moment pas bonne publicité en France. C’est un peu moins vrai pour les questions de genre, ou sur la question des Noirs américains. Mais pour les Juifs, qui sont victimes d’antisémitisme, mais aussi blancs, patrons d’Hollywood mais en même temps trop effacés, c’est à la fois peu mainstream et en contradiction avec les approches traditionnelles de la question en France.

La thèse de votre ouvrage est la suivante : c’est en raison de leur identité juive que les dirigeants des grands studios hollywoodiens de l’époque ont volontairement écarté toute représentation des Juifs à l’écran. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Ce qui est très connu, au sujet du cinéma classique, c’est que les producteurs sont juifs, c’est aussi connu qu’il n’y a pas beaucoup de Juifs dans les films, mais, souvent, il n’y a pas de lien qui est fait entre les deux questions, entre la question de qui dirige les studios et la question des représentations. D’une part, parce que ce n’est pas immédiatement logique que, justement, il y ait un lien de cause à effet entre le fait que les dirigeants soient juifs et le fait qu’il n’y ait pas de Juifs, ça ne fait pas sens immédiatement. D’autre part, c’est un tel lieu commun antisémite de dire que les Juifs contrôlent Hollywood que dire, « Ce n’est pas complètement faux. », il faut oser. Et même ceux qui osent vont dire, pour lutter contre l’antisémitisme dont Hollywood est la cible, « Ok, c’est vrai, ils dirigent mais ils n’ont jamais utilisé leur pouvoir, leur influence et il n’y a pas d’effet sur les films. On ne peut pas nier que c’est des Juifs qui dirigent mais le fait qu’ils soient juifs n’a aucune influence. » Mon hypothèse, c’était de dire, au contraire, que cela a une influence directe. Si ce n’étaient pas des Juifs, ça serait différent. Mais ça ne veut pas dire qu’ils vont utiliser l’influence qu’ils ont sur leurs films pour promouvoir des intérêts juifs, bien au contraire. Ce qu’ils font, c’est qu’ils utilisent le pouvoir qu’ils ont dans l’industrie cinématographique pour renier l’identité juive et être dans une quête d’assimilation. C’est ça l’histoire du cinéma hollywoodien des premiers temps. C’est une histoire d’assimilation, c’est le Melting Pot, c’est comment on intègre, comment on crée un monde où les différences sociales, ethniques, sont en partie gommées. À l’exception faite de la Warner, qui est un peu à part, c’est globalement ça que l’on retrouve dans le cinéma hollywoodien. Et, pour moi, c’est justement parce qu’ils sont juifs, parce qu’ils ont envie d’être assimilés de manière extrêmement forte, parce qu’ils subissent des attaques antisémites en continu dénonçant l’emprise juive sur Hollywood, qu’ils vont être d’autant plus violents dans le rejet de leurs origines et soucieux de ne jamais montrer cette influence qu’ils ont dans les films. La raison de l’effacement des Juifs dans les films, c’est vraiment l’identité juive, l’antisémitisme qu’ils subissent et leur volonté d’assimilation. Sinon, il pourrait y en avoir plus car, en fait, lorsqu’on regarde dans le détail, il y a des Noirs américains. Dès le début du cinéma hollywoodien, et de manière récurrente, il y a des Noirs américains, avec des représentations souvent très stéréotypées, très racistes. Pas toujours, mais globalement, c’est le cas. En tout cas, ils ne sont pas effacés, ils sont présents. Pareil pour les Indiens qui sont représentés de manière stéréotypée. Il y a aussi des Asiatiques, pas énormément, mais il y en a. Et les Juifs ont subi quand même un traitement à part, qui est lié directement pour moi à ce rapport complexe à l’identité des patrons hollywoodiens.

Vous dénoncez la collaboration d’Hollywood avec le Troisième Reich, durant les années trente. Pourquoi les studios décident-ils de collaborer avec le régime nazi ?

C’est un sujet à très haute controverse car ça a été traité très récemment par une série d’historiens du cinéma américain. À ma connaissance, il y a quatre livres sur le sujet. Un seul est traduit en France, pas forcément celui est le plus reconnu aux Etats-Unis, et c’est le seul qui parle de collaboration. J’admets que, de manière racoleuse, j’ai repris le terme mais je trouve aussi qu’il n’est pas complètement faux parce qu’à mon sens, la collaboration prend un sens très large. Faire des affaires avec le régime allemand en 1936, pour moi, c’est collaborer. Ces quatre livres analysent les rapports entre l’industrie hollywoodienne et le Troisième Reich et ce qui est clair pour les quatre, c’est que, pour des raisons différentes, les producteurs hollywoodiens ont cherché à maintenir des liens économiques forts avec le régime nazi, pour avoir un débouché pour leurs films en Allemagne, et en Europe en général. Si on regarde de manière plus poussée, on voit que, au-delà du seul fait de garder des débouchés économiques, ils augmentent leurs rendements économiques pendant cette période. C’est-à-dire qu’ils exportent beaucoup plus de films en Allemagne pendant la période nazie qu’avant, donc ils font de plus grands bénéfices grâce au régime nazi et grâce au fait que, à la fois Goebbels et Hitler sont complètement fascinés par le cinéma et par le cinéma hollywoodien en particulier, qu’ils voient comme la plus grosse machine de propagande qui existe dans le monde. Il y a donc une raison économique qui est certaine et il y a encore une fois une raison plus politique qui est liée au fait que, dans les années trente aux Etats-Unis, le pays est majoritairement isolationniste. Très majoritairement même, parce qu’il y a un sondage en 1938 ou 1939 qui montre que 80-90% de la population est contre une entrée en guerre des Etats-Unis. Donc, les studios sont encore dans l’idéologie dominante de leur public avec l’idée que, d’une part, ça ne concerne pas les Etats-Unis et, d’autre part, que l’Allemagne nazie n’est pas forcément autant condamnable qu’on voudrait le faire croire. On est dans un contexte où l’antisémitisme aux Etats-Unis atteint des sommets rarement atteints, avec la Grande Depression, avec l’entrée d’énormément de Juifs dans le gouvernement Roosevelt, avec le New Deal qui est appelé le Jew Deal par une partie des conservateurs américains, et avec justement la dénonciation des Juifs qui voudraient entraîner les Etats-Unis dans une guerre « juive » en Europe, qui ne les concernerait pas. Donc il va y avoir de la part des producteurs hollywoodiens le souci de ne pas montrer quoi que ce soit dans les films qui pourrait laisser entendre que ce n’est pas complètement faux, qu’ils poussent effectivement pour une entrée en guerre des Etats-Unis. Encore une fois, dans un souci de se préserver de l’antisémitisme, dans une volonté de montrer que ce sont des bons américains, bien intégrés. Il y a même des pressions de la part de représentants de l’Etat qui demandent explicitement à ce que les Juifs d’Hollywood n’entraînent pas les Etats-Unis dans une guerre juive en Europe. C’est le cas notamment du père de John Fitzgerald Kennedy qui, à l’époque, est ambassadeur en Angleterre et qui est radicalement contre l’entrée en guerre des Etats-Unis. Donc il y a ce contexte politique américain qui entraîne aussi, qui facilite les liens entre les producteurs juifs et l’Allemagne. Enfin, il y a les manœuvres de Goebbels qui envoie à Los Angeles un consul allemand acquis au nazisme, Georg Gyssling, qui, avec l’aide du directeur du code d’autocensure, Joseph Breen, va utiliser ce code pour censurer le cinéma hollywoodien, pour empêcher toute critique soit de l’Allemagne, soit de l’antisémitisme. Et, dans un grand nombre de cas, ils vont interdire des scénarios, couper au montage des séquences, etc. Ça, c’est vraiment l’entente entre le représentant de la droite catholique américaine, Joseph Breen, et l’émissaire nazi, qui collabore pour censurer le cinéma hollywoodien.

Comment le cinéma hollywoodien réagit à l’antisémitisme au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale ?

À mon avis, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, et c’est aussi ce qu’explique Neal Gabler dans son ouvrage, il y a quand même une certaine honte de la part de la communauté juive américaine qui, globalement, a complètement échoué à sauver les Juifs d’Europe, et de la part des Juifs d’Hollywood, qui ont collaboré pendant à peu près six ans avec l’Allemagne nazie. Donc il va quand même y avoir quelques tentatives, à la sortie de la guerre, de dénoncer l’antisémitisme américain. Ça commence même avant la fin de la guerre, dès 1943-1944, où il y a des parallèles qui sont faits entre l’antisémitisme européen et l’antisémitisme américain, dans des films comme Margin for error (Otto Preminger, 1943) et None Shall Escape (André de Toth, 1944). Par ailleurs, dans les années trente, il y a quand même toute une partie de l’industrie hollywoodienne, en particulier les scénaristes, qui est contre l’orientation politique des studios et qui va adhérer à la Hollywood Anti-Nazi League, dans le but de faire pression pour qu’il y ait enfin des films antinazis qui soient produits. Et aussi pour lutter contre l’influence grandissante de groupuscules d’extrême droite fascisants à Los Angeles, et dans l’industrie du cinéma. Beaucoup des scénaristes et des réalisateurs qui vont faire des films sur l’antisémitisme américain à la fin des années 1940 sont soit d’anciens sympathisants communistes soit d’anciens membres de la Hollywood Anti-Nazi League. Donc c’est vraiment une période où ce petit milieu hollywoodien va réussir à sortir plusieurs films, assez rapidement, sur cette question de l’antisémitisme. Enfin, il y a un best-seller en 1947, Gentleman’s Agreement (Laura Z. Hobson) qui va être adapté en film, avec Le Mur invisible d’Elia Kazan, qui va devenir un succès à la fois critique et commercial – il gagne plusieurs Oscars et il fait un tabac chez le public. Ça donne lieu à l’idée que montrer des Juifs, ça peut être rentable. Ce n’est plus une question qui empêche de faire du profit et donc c’est pensable de faire quelques films sur la question. Mais cette période ne va pas durer car, avec le Maccarthysme, la chasse aux sorcières et les listes noires à Hollywood, quasiment tous ceux qui ont participé à ces films vont être placés sur liste noire, pour des raisons anti-communistes certes, certains d’entre eux sont d’anciens sympathisants communistes, mais aussi pour des raisons antisémites. Car ces listes noires sont quand même marquées par des relents antisémites, racistes, homophobes extrêmement forts avec l’idée, d’une part, qu’un Juif est un bolchévique, que c’est forcément un agent de Moscou qui veut pervertir les Etats-Unis et, d’autre part, que les bolchéviques sont juifs, que l’URSS est elle-même contrôlée par les Juifs et qu’au-delà du communisme, ce qu’ils veulent, c’est un plan mondial de domination juive sur le monde. Et donc les Juifs vont être beaucoup placés sur liste noire, en particulier à Hollywood où l’on considère que c’est la rencontre entre Juifs et communistes qui donne lieu à plein de films pervertissant la jeunesse américaine. Et ça va casser l’élan de cette tentative, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, de faire des films qui dénoncent l’antisémitisme et qui montrent une identité juive. Edward Dmytryk va être mis sur liste noire, John Garfield va être mis sur liste noire, Lester Cole également, c’est-à-dire tous ceux qui ont participé au Mur invisible, à Crossfire (en français, Feux croisés, Edward Dmytryk, 1947), à ces types de films. Et, encore une fois, les producteurs juifs vont accepter la vague d’antisémitisme qui déferle sur Hollywood, tout en ayant parfaitement conscience que c’est antisémite. Et celui qui va être le plus virulent, c’est Jack Warner, parce qu’il a appartenu à la Hollywood Anti-Nazi League et a été l’un de ceux qui ont le moins collaboré avec l’Allemagne nazie, l’un de ceux qui ont le plus lutté contre eux. Donc, c’est absurde, mais il a beaucoup à se faire pardonner en quelque sorte. Il doit prouver de nouveau que c’est un bon citoyen américain, qu’il n’a jamais été communiste. Et, d’autre part, les producteurs font un calcul très simple. Ils se disent : « Ok, on voit bien que c’est antisémite mais on ne peut pas lutter donc il en faut qu’on en tire profit. » C’est une période où il y la syndicalisation progressive d’Hollywood, en particulier chez les scénaristes qui font plusieurs grèves, et les producteurs profitent justement des listes noires pour casser ce mouvement syndical et mettre sur liste noire les dirigeants syndicaux de gauche. Donc ils en profitent aussi à cause de cela.

 

Vous dites ensuite que l’affirmation d’une identité juive au cinéma ne devient possible qu’à la fin des années cinquante. Qu’est-ce qui permet cette évolution ?

Il y a trois choses. La première, c’est le fait que, progressivement, les producteurs juifs qui ont fondé Hollywood prennent leur retraite et disparaissent plus ou moins de l’industrie. Donc le verrou imposé par le haut, lié au rapport ultra complexe à la judéité et au rejet de leurs origines de ces producteurs, s’atténue dans les années cinquante. Il y a une nouvelle génération de producteurs, de réalisateurs, de scénaristes juifs qui, elle, est née aux Etats-Unis, qui a, dès le départ, connu une intégration, qui est de classe moyenne et qui, du coup, a moins cette peur de ne jamais réussir à s’intégrer, de ne pas être assimilée, qui est moins soucieuse que l’on sache qu’elle est juive et qui, par conséquent, va plus oser le montrer dans les films. Je pense par exemple à Stanley Kramer, à une génération de réalisateurs qui va plutôt émerger dans les années soixante, soixante-dix – Mel Brooks, Paul Mazursky, Woody Allen, Jerry Lewis, etc. Donc le changement de génération va être déterminant. D’autre part, il y a un affaissement du pouvoir du code d’auto-censure dans les années cinquante parce qu’il me semble que Joseph Breen prend sa retraite en 1954 et que, par conséquent, le pouvoir du code diminue à partir de la moitié des années cinquante, ce qui laisse la place à plus de libertés dans la représentation des minorités, de la violence, et du sexe. Enfin, il y a un changement au sein de la société américaine avec, dans les années cinquante, une élévation sociale énorme de la communauté juive qui est beaucoup moins sujette aux discriminations à l’emploi, au logement. Les quotas dans les universités, qui interdisaient aux Juifs d’accéder à l’enseignement supérieur, disparaissent au début des années soixante. Donc cette élévation sociale contribue au fait que ça devient plus acceptable, au sein de la société américaine, de montrer des Juifs et au fait que la société américaine a plus confiance en cette communauté juive. Et cela passe aussi par la télévision, qui devient extrêmement puissante dans les années cinquante, parce qu’elle va être beaucoup investie par les Juifs qui, comme ils ont investi le cinéma dans les années dix-vingt, vont trouver un endroit moins contrôlé, où ils peuvent plus s’exprimer. C’est en particulier le cas des comiques juifs. Dans les années cinquante, les comiques juifs sont partout à la télé et donc la société américaine dans son ensemble se familiarise avec ce qu’est un Juif. Et ça devient donc plus simple de les représenter dans les films.

Au sujet du film The Man I Married (Irving Pichel, 1940), vous écrivez que le personnage principal, Eric, « est juif au sens qu’en donne Sartre dans Réflexions sur la question juive : « Le Juif est un homme que les autres hommes tiennent pour Juif » ». Peut-on dire que c’est cette conception sartrienne, cette assignation par la société, qui domine la représentation de l’identité juive dans le cinéma classique hollywoodien ?

Oui et non, parce que cela dépend des périodes. Ça va être vrai dans les films des années quarante-cinquante parce que c’est aussi une manière de montrer que le Juif est assimilé, que c’est un Américain comme les autres. Et c’est la thèse du Mur invisible où c’est l’histoire d’un journaliste qui se fait passer pour Juif et qui montre ainsi la discrimination antisémite qu’il va subir. Il n’est pas juif mais le seul fait d’énoncer qu’il est juif fait qu’il va subir une discrimination. Mais il ne change pas ses pratiques, ni ses habitudes, il n’a rien changé de ses apparences. Il est exactement pareil qu’avant sauf que, il fait savoir qu’il est juif et il subit, par conséquent, l’antisémitisme. Ce sont des films qui sont directement sur l’antisémitisme mais qui, en réalité, ne montrent pas réellement la communauté juive. Mais ce n’était pas vrai dans des films comme Le Chanteur de jazz qui est extrêmement lié à la culture juive, à la communauté juive, et où on voit le Cantor, la fête de Kippour, la communauté juive dans sa spécificité culturelle, religieuse. Donc là on a des Juifs qui s’affirment comme Juifs sans que la société ait besoin de les voir comme juifs, donc on n’est plus sur la conception sartrienne. On est sur l’affirmation d’une communauté juive aux Etats-Unis, et dans le cadre du Chanteur de jazz, qui va devenir une communauté juive américaine parce que le personnage principal arrive justement à devenir pleinement américain tout en restant pleinement juif. Il chante à Broadway et en même temps il chante à la synagogue. Après, cette conception apparaît très rarement dans cette période et elle va disparaître dans les années trente, quarante, cinquante, avec quelques exceptions comme Le Dictateur où on a aussi des Juifs qui s’affirment comme juifs, indépendamment de ce que la société leur renvoie. Le changement va s’opérer à la fin des années cinquante avec un retour à l’identité juive, un retour à la spécificité juive, à une forme de fierté juive. Dans Marjorie Morningstar (en français, La fureur d’aimer, Irving Rapper, 1958) tout le monde s’en fiche que les personnages soient juifs et on les voit comme juifs simplement parce qu’ils vont à une fête religieuse. Et l’enjeu du film, ce n’est plus le fait que la société les renvoie au fait qu’ils soient juifs. L’enjeu se situe autour du fait qu’il s’agit d’un mariage entre un juif et non-juif et non pas autour de la question consistant à savoir si l’on est juif parce qu’il y a de l’antisémitisme ou par affirmation de l’identité juive. Ici, c’est affirmé, c’est montré. Mais c’est le premier film qui montre ça, en 1958. Cela avait disparu. C’est le retour de la religion juive à l’écran, des phrases en hébreu. Et, dans Exodus (Otto Preminger, 1960), on a vraiment l’affirmation de l’identité juive avec ce renversement complet par rapport au Mur invisible. En gros, la thèse du Mur invisible, c’est de dire : c’est idiot d’être antisémite parce que le Juif est un Américain comme les autres. Dans Exodus, lorsque la très WASP Eva Marie Saint déclare au personnage de Ari Ben Canaan, joué par Paul Newman, acteur juif, « Pour moi, vous êtes pareils. », celui-ci répond : « Non. Nous ne sommes pas pareils. Nous sommes différents. Les gens ont le droit d’être différents. » Là, c’est l’affirmation d’une spécificité juive qui doit être reconnue comme telle et acceptée par le reste de la population. Donc on est sur une conception qui n’est plus du tout celle de Sartre.

Vous dites qu’avec Le Dictateur, Chaplin redonne une « existence filmique » au peuple juif après une décennie où il avait quasiment disparu des écrans américains » et qu’il met en scène la « résilience », le « désir de survivre » de ce peuple. Quel regard portez-vous sur Monsieur Verdoux (1947), le film qu’il réalise au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au ton autrement plus pessimiste et funeste ? Antoine de Baecque y voit la mort de Charlot, en tant qu’incarnation du juif errant, et écrit : « mettre à mort Charlot, c’est éliminer le juif en Chaplin autant que le comique. Charlot ne peut tout simplement pas survivre dans un monde qui vient de connaître l’extermination des juifs. » (1)

Je pense que c’est une erreur de voir dans Charlot le juif errant. Je pense que c’est un personnage complètement universel dans lequel on peut reconnaître aussi bien le juif errant que le gitan, etc…

Oui, mais s’il dit qu’on peut y reconnaître le juif errant, il ajoute qu’il ne s’agit pas que de ça.

Oui, mais le problème, c’est qu’il a été réduit au juif errant par certains, notamment par Hannah Arendt qui est persuadée que Chaplin était juif et qu’il utilise Charlot comme la figure du paria, comme l’archétype du juif errant. C’est aussi une vision reprise par certains intellectuels juifs et par la presse nazie et antisémite. Les nazis sont persuadés que Chaplin est juif et qu’il s’appelle Forstein. Chaplin lui-même entretient le doute parce que ça l’amuse et ce n’est qu’avec Le Dictateur qu’il va dire clairement qu’il n’est pas juif. Il dit : « Je ne l’ai jamais corrigé parce que je ne voyais pas la honte qu’il y avait à être juif mais je ne suis pas juif. » Et, pour moi, c’est dans Le Dictateur qu’il y a la mort de Charlot. Enfin, ce n’est pas la mort de Charlot mais le fait que Chaplin ne sera plus jamais Charlot après ça. Pour moi, Charlot n’est déjà plus là dans Le Dictateur. Charlot était justement un personnage qui avait une identité mouvante, qui pouvait incarner tout le monde, et ce n’est plus le cas dans Le Dictateur. Dans ce film, c’est clairement un barbier juif donc il lui donne une identité fixe. Il lui donne une identité raciale et, à partir de là, on n’est plus dans Charlot. Charlot, c’est un personnage qui n’avait pas d’identité raciale, qui était une figure universelle. Même si tout le monde peut dire qu’il se reconnaît dans cette figure du barbier juif, il n’incarne plus cette figure de l’universel. Il incarne la figure du juif et donc ce n’est plus Charlot. Pour moi, le glissement se fait à ce moment-là. Il a déjà disparu quand arrive Monsieur Verdoux. Je crois que Chaplin a d’ailleurs dit qu’il n’aurait jamais fait Le Dictateur s’il avait su ce qui allait se passer, que c’était une erreur de l’avoir fait et je pense que c’est aussi cela qu’on voit dans Monsieur Verdoux. C’est une forme de désillusion et l’idée qu’il y a un événement qui échappe à la représentation, au rire. Après, je pense personnellement que c’est une erreur de la part de Chaplin de penser ça. Mais Verdoux, plus que la mort de Charlot, c’est la mort d’une certaine insouciance dans le cinéma, qui était peut-être incarnée par Charlot mais qui, en fait, avait déjà disparu dans Le Dictateur. C’est quand même un film bien plus dur que les précédents films de Chaplin. D’ailleurs, à la fin du film, Chaplin redevient Chaplin. Il n’y a plus ni barbier juif ni Hynkel. Quand il fait son discours, c’est Chaplin qui parle. Tout le monde a conscience que c’est Chaplin. Il casse le quatrième mur. C’est aussi le premier film de Chaplin où il y a un mort à l’écran. C’est donc déjà un film qui marque un passage vers quelque chose de plus sombre. De la même manière, il n’y a plus la fin typique, comme dans Les Temps modernes où ils marchent ensemble le long de la route, vers l’horizon. Même s’il y a un message d’espoir à la fin du Dictateur, on sent que Chaplin n’y croit plus trop. C’est déjà la fin d’une certaine forme d’espoir et d’insouciance. C’est déjà une vraie rupture.

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De Exodus, en 1960, film ouvertement sioniste, à Munich, en 2005, qui pointe le dévoiement de la politique menée par Israël, n’y a-t-il pas un écho à la défaite du projet d’Israël ? Dans ce dernier film, les personnages juifs apparaissent toujours comme des apatrides, malgré l’existence d’Israël, et sont, de plus, hantés par l’idée d’une défaite morale, d’une défaite de leurs valeurs ?

Je pense que l’évolution entre Exodus et Munich suit l’évolution d’un pays. Il y a effectivement, en 2005, des questionnements extrêmement forts sur deux choses : sur la dimension éthique et sur la question sociale de l’Etat juif qui, de base, était supposé être un Etat socialiste. L’idéal sioniste est quand même recoupé en grande partie dans les années dix, vingt, trente, par l’idéal socialiste. C’est pour ça que la gauche israélienne va être au pouvoir jusqu’au milieu des années soixante-dix. Donc, il y a le dévoiement de cette éthique juive et le fait qu’Israël est devenu un Etat nation comme les autres et, d’une part, qu’il n’est plus garant de cette éthique juive et, d’autre part, qu’il n’est plus un état protecteur pour les Juifs. C’est ça que montre Munich. Ce n’est plus un état protecteur pour deux raisons. La première, c’est qu’ils sont incapables de sauver les athlètes, avec le fait que l’antisémitisme sur le sol allemand continue de tuer et d’attaquer au cœur de l’existence juive, donc c’est une limite de l’Etat juif, qui a quand même été constitué au départ comme protection du peuple juif. La deuxième, c’est son incapacité à être un lieu de refuge et d’accueil des Juifs du monde entier. Il n’est plus capable de faire ça parce qu’il a développé une logique nationale plutôt qu’une logique du peuple juif, c’est-à-dire qu’il y a une rupture entre l’Israélien et le Juif de la diaspora, qui est extrêmement visible, extrêmement forte, et qui n’a fait que se confirmer depuis avec les alliances d’Israël avec les régimes les plus antisémites du moment : la Hongrie de Orban, l’Amérique de Trump, le Brésil de Bolsonaro. Donc il y a un abandon des Juifs de la diaspora pour des raisons de realpolitik et d’influence nationale de l’Etat d’Israël. On a aussi, dans la période contemporaine, un refus de plus en plus affirmé d’une partie de la population d’être juif, c’est-à-dire qu’ils font rupture en disant, « On est israéliens mais on n’est pas juifs. », ce qui est une aberration. Israël n’a pas de raison d’être si ce n’est pas un Etat juif. Si c’est un Etat comme les autres, on a effectivement un problème d’ordre moral. Il n’y a pas de fondement juridique, moral et politique à l’existence d’Israël si ce n’est pas un Etat juif. Ça, c’est Munich. Mais, en 1960 quand il y a Exodus, il n’y a pas encore eu de faillite morale d’Israël. Ça reste un Etat qui accueille de manière très large les Juifs qui sont victimes d’antisémitisme à travers le monde, en particulier dans les années soixante, avec l’arrivée massive des Juifs du monde arabo-musulman : les Juifs du Maghreb, les Juifs d’Irak, de Syrie, du Yemen. Tous les Juifs de cette zone-là arrivent à cette période-là, au moment où sort Exodus. Donc on a encore un Etat qui est capable d’accueillir les Juifs. Par ailleurs, en 1960, l’Etat d’Israël n’a fait que se défendre. Factuellement, il n’a fait que des guerres défensives sur son territoire. Le basculement, pour une partie de la communauté juive et des Israéliens, qui vont ensuite immigrer, c’est la guerre du Liban en 1982, qui est la première guerre offensive et qui se déroule hors des frontières territoriales d’Israël, de manière très concrète. Et c’est là où le basculement s’opère. En 1960, ce n’est pas encore le cas. Exodus témoigne d’une tradition sioniste de gauche avec l’idée de la nécessité absolue de la création de l’Etat d’Israël pour lutter contre l’antisémitisme, pour accueillir les rescapés de la Shoah, qui sont globalement abandonnés par le reste du monde, pour empêcher qu’un tel événement se reproduise. On est encore sur l’idée très forte d’un Etat qui sera collectiviste, socialiste avec la question de la terre qui est très présente dans le film, avec le kibboutz. L’idéal israélien, dans la construction du pays, dans Exodus, c’est le kibboutz. Et le film ne fait pas l’impasse sur les tensions extrêmement fortes entre Juifs et Palestiniens mais il montre aussi les tentatives de rapprochement et la possibilité d’une entente, avec cette amitié entre Ari Ben Canaan et Taha. La fin du film montre quand même la Juive et l’Arabe enterrés ensemble sur leur terre avec l’idée que, peut-être, un jour, ils vivront en paix. En 1960, cette vision d’Israël est globalement partagée. La gauche est globalement pro-Israël. Chris Marker fait le film, Description d’un combat, qui fait partie de son cycle de pays en transition vers le socialisme, qui croit à l’idéal socialiste en Israël, tout en mettant en garde contre les problèmes dont dispose cet Etat naissant. Mais c’est un film qui est porté sur l’espoir de ce que peut devenir Israël. Donc c’est à la fois un film sioniste et un film qui partage globalement un sentiment assez général sur l’Etat d’Israël. Le mouvement des droits civiques et Martin Luther King sont également pro-sionistes, tout en ne négligeant pas la question palestinienne, en posant notamment la question des inégalités de richesse entre Palestine et Israël. Les années soixante, c’est tout ce contexte-là.

Mais le film présente tout de même les Arabes comme les responsables du conflit et de la violence.

Le film date de 1960 alors que les travaux d’historiens sur cette question sont plus récents que cela. Donc c’est une époque où on n’a pas encore le recul historique sur cette question. Les nouveaux historiens israéliens commencent à publier à la fin des années soixante-dix et surtout dans les années quatre-vingts. Pour moi, ce qui est intéressant avec Exodus, c’est que ça montre une lutte décoloniale. Quelle est lutte principale du film ? C’est une lutte décoloniale contre les anglais. Ce qu’on voit, c’est une lutte entre les Israéliens et les Anglais. La particularité de la création d’Israël, c’est que les seuls qui ont vraiment lutté contre les Anglais, c’est les Juifs. La création d’Israël fait partie des décolonisations. C’est une colonie. Du point de vue des Juifs et des Arabes qui vivent là, c’est une colonie. Après, on peut dire qu’ils auraient pu s’arranger différemment sur la décolonisation. Mais on est sur une colonie, c’est-à-dire qu’il y a des gens qui sont là depuis toujours et qui sont colonisés par l’Angleterre. Donc c’est une lutte décoloniale donc il y a des attentats. L’Irgoun tue des Anglais comme en Algérie le FLN pouvait tuer des Français, commettre des attentats contre les hôtels. C’est ça que montre Exodus, c’est la lutte contre les Anglais. Et, à la fin, contrairement à d’autres films qui évitent cette question, c’est vrai que lui aborde la guerre israélo-arabe de 1948. Ce qu’il montre, et ce qui est admis, c’est que d’emblée, et avant même que la partition soit déclarée, les dirigeants palestiniens refusent la partition. L’idée même qu’il y ait un Etat juif en Palestine les rend hystériques. On a aussi suffisamment d’éléments pour savoir que les dirigeants palestiniens étaient globalement beaucoup plus antisémites que le reste de la population, que le reste des Palestiniens, et que, donc, le refus est quand même nourri par le haut, par les dirigeants politiques et économiques de la Palestine. C’est ce que le film montre très bien. C’est le Grand mufti de Jerusalem contre les petits chefs de village. D’autre part, on sait aussi, dans ce qui est montré dans le film, que le Grand mufti était un sympathisant nazi et a eu l’aide d’anciens nazis en 1947-1948. C’est documenté, c’est factuel. Ce que le film ne montre pas, et qui par ailleurs n’était pas encore documenté par les historiens, c’est les massacres qui ont été commis des deux côtés. On ne montre que les massacres d’un côté et pas ceux de l’autre. Les déplacements de population sont montrés mais on ne montre pas que, même si une majorité se déplace volontairement, il y a aussi eu des déplacements forcés, pour homogénéiser la population juive en Israël. Voilà, donc le film fait l’impasse sur ça. Après, je ne vois pas comment, même historiquement, on pourrait contester le fait que cette guerre est déclenchée par les populations arabes. Aucun historien ne le nie. Ce que les historiens vont dire, les nouveaux historiens israéliens, c’est que tout ça fait partie d’un plan plus…  Alors, il y a deux écoles dans les nouveaux historiens israéliens : il y a l’école des gens sérieux et l’école des gens pas sérieux. L’école des gens sérieux explique que Ben Gourion en profite pour faire avancer ses objectifs géopolitiques. Il profite qu’il y ait une guerre, qu’il n’a pas souhaité, même s’il n’a pas cherché à l’éviter non plus, pour faire des déplacements de population, pour faire en sorte qu’il y ait un Etat viable. Donc c’est vrai qu’il y a des massacres qui sont commis et que ça fait partie d’un plan de realpolitik lié au déclenchement de la guerre. Mais ils ne disent en aucun cas que ce plan était un plan concocté de manière intentionnelle et prévu avant la guerre. Et, même pendant la guerre, ils disent qu’il n’y pas de plan général, qu’il y a des occasions qui se présentent. Il y a aussi l’armée qui est complètement naissante, qui est désorganisée, qui n’est pas unifiée, pas centralisée, avec dedans des milices d’extrême droite. Une partie des massacres sont commis par les milices d’extrême droite qui ont été intégrées à l’armée israélienne pour la guerre, pour les besoins de la guerre. C’est vrai que le film fait l’impasse dessus mais le film dure trois heures et demie… Je pense que d’autres films auraient pu aborder cette question.

(1) DE BAECQUE Antoine, L’histoire-caméra, Ed. Gallimard, p. 83, 2008.

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