Après la mort de leur fils Jesús, Cacho et Irene López vont accueillir leur neveu Abel au sein de leur foyer. Étrangement, ce dernier va ressembler de plus en plus  à son défunt cousin. Drame psychologique, récit fantastique, parabole religieuse, le film   de Maximiliano Schonfeld échappe sciemment à la notion de genre pour éviter le confort d’une lecture à sens unique. D’un point de départ propice à de nombreux   rebondissements, le récit refuse d’actionner le diptyque  mystères- révélations pour se focaliser sur l’opacité de ses protagonistes. En premier lieu, le personnage d’Abel, dont la présence ne cesse de prendre de l’ampleur au fil du temps. De quelle nature sont ses intentions? Ce jeune homme impavide possède-t-il une âme, si oui, à qui appartient-elle ?   Pour entretenir ce sentiment de trouble Maximiliano Schonfeld s’appuie sur l’efficacité éprouvée des non-dits, ostensiblement étayée par l’apparence peu avenante du jeune homme, que la caméra aime trop souvent à rappeler. Des brulures sur une partie du visage qui peuvent inspirer aussi bien la compassion que l’effroi, un regard exsangue qui peut traduire une immense tristesse autant qu’un projet malveillant ;  le sentiment d’empathie est méticuleusement écarté. Cette capacité à jouer avec nos doutes démontre l’efficacité de la mise en scène, mais, beaucoup moins prosaïquement, elle tend à ne  jamais enserrer notre libre arbitre et nous invite à poursuivre l’introspection après la projection.

                                                                           Copyright Tamasa Distribution

Comment survivre après la disparation de son enfant ? En continuant de faire vivre son image. Abel possède peu de ressemblances physiques avec son cousin, mais le fondu enchaîné qui suit l’accident de moto  meurtrier du début du film laisse peu de doutes sur le transfert qui va s’opérer dans l’esprit des parents. Ce procédé d’analogie sera convoqué à plusieurs reprises par la suite pour bien souligner la confusion qui s’installe dans les esprits de chacun. Azul, l’ex-petite-amie de Jesús est troublée par l’incohérence de son désir : «  Avec Jesús on se bagarrait tout le temps, tu ne lui ressembles pas » déclare-t-elle avant de l’embrasser. Sans opposition, Abel va accepter de porter les vêtements du défunt,  allant jusqu’à endosser la combinaison de pilote automobile pour  participer  à une ultime compétition.  Cette partie du film où le « ressuscité » prend tout bonnement l’apparence physique du Christ  aurait pu être circonscrite. Jusque-là, les interrogations formulées, les stigmates  physiques et psychologiques mis en avant suffisaient pour nous guider vers le chemin de la spiritualité. Comme si le désir d’une possible résurrection devait prendre une forme humaine  pour faire sens.

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Le réalisateur  se révèle beaucoup plus à son aise quand il est confronté au désarroi de cette famille brisée. Souvent à distance, la caméra témoigne de la nécessité de continuer à chérir les petits moments du quotidien. Elle sait également se retirer lorsque la douleur devient trop forte,  à l’instar de la scène dans la chambre du fils où Irene recherche le réconfort  d’Abel. En se contentant de saisir  la naissance des émotions, Schonfeld évite tout pathos. La retenue des comédiens sied parfaitement au courage et à l’humilité que les circonstances imposent ; sous la lumière écrasante de la campagne argentine d’Entre Rios, quel que soit le poids de la culpabilité le misérabilisme ne doit pas prendre racine. Primé comme meilleur film au Festival de Biarritz Amérique Latine et à Mar Del Plata comme meilleur film d’Amérique Latine,  ,le troisième long métrage de fiction de Maximiliano Schonfeld  ne manquera pas de nous toucher.

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A propos de Jean-Michel PIGNOL

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