Noir c’est noir comme dirait feu Johnny Hallyday. Le titre est clair. Beltza veut dire noir en basque. Ce qui ne signifie pas que ce film soit un manifeste nihiliste sur la société contemporaine. Bien au contraire.

Les auteurs, fous furieux à l’énergie parfois mal canalisée, le réalisateur Fermín Muguruza et le scénariste Harkaitz Cano, adaptent leur propre bande dessinée, entourés de quelques cadors du monde de l’animation. Tourné dans l’esprit des adaptations ciné de Corto Maltese, Black is Beltza sans révolutionner l’univers de l’animation s’avère un bonne surprise qui réjouira en premier les amateurs d’un cinéma basque dont on ne peut pas dire qu’il inonde les salles obscures.

Black is Beltza : Photo

Copyright Gabarra Films

Ce long métrage fortement teinté d’anarchisme, sorte de cadeau du ciel pour tous les révoltés nostalgiques d’une époque révolue, débute en 1965 à New York. On fait la connaissance de Manex, journaliste franco-basque, véritable électron libre, voyageur intempestif et journaliste-enquêteur à l’affût des scandales et mouvements sociaux. Un idéal anime son existence chaotique, sorte d’aventurier marginal parcourant le monde pour les bonnes causes. Il assiste à la traditionnelle Fête des géants de Pampelune sur la 5ème avenue. Dans le contexte encore houleux de la ségrégation raciale, la police interdit la participation de deux géants noirs. Évidemment, ulcéré par cette position, Manex, fidèle à son tempérament, boycotte cette manifestation, laissant en berne ses collègues. Il part à la découverte du New York interlope, à la rencontre des militants pour les droits civiques et les adeptes de la contre-culture. Il va alors s’immerger dans un univers complexe de faux-semblants, où se mêlent agents américains, silhouettes du contre-espionnage, révolutionnaires, féministes, artistes underground. Son périple l’amène à traverser les quatre coins de la planète, loin de son pays natal, entre Mexico et Cuba en passant par Alger et Montréal. Ce n’est pas du James Bond certes, si ce n’est l’aspect fun et décontracté. Ou alors un James Bond rock’n’roll et anar défiant les institutions et les politiques en place. Manex partage néanmoins avec 007 le goût pour les conquêtes féminines sans lendemain.

Black is Beltza : Photo

Copyright Gabarra Films

À la croisée de l’odyssée libertaire et du cinéma d’action politique, Black is Beltza se déguste d’abord comme un manifeste des années 60, une cartographie géopolitique d’un monde en pleine mutation, celui de la guerre froide, des Black Panthers, de la dictature sous Franco, de Che Guevara et des mouvements de libérations des peuples. Ultime doigt d’honneur, le Général de Gaulle, malgré son fameux discours sur le Québec libre, n’est pas épargné dans ce cocktail furieux, véritable ode à la contre-culture de l’époque où l’on croise les figures de Jimmy Hendrix, Janis Joplin, Otis Redding. Les multiples références qui inondent le film, y compris littéraires et cinématographiques, avec une prédilection pour les œuvres engagées autour d’un prisme un peu fétichiste, n’étouffent pas ce dessin animé pour adulte nourri de contestation et d’une modernité, tentant d’établir un pont entre les sixties et notre époque tout aussi chaotique. Car l’ambition des auteurs se trouve à cet endroit, évoquer le passé pour mieux parler du présent de manière détournée.

Porté par une vraie réflexion sur les changements de société doublée d’une critique radicale des politiques fascistes et conservatrices, Black is Beltza souffre néanmoins d’une animation sommaire et d’un dessin manquant parfois d’originalité, heureusement compensé par un montage dynamique et une colorimétrie séduisante. Des défauts, liés sans doute à un manque de moyen, qui n’entachent pas le plaisir que l’on prend à suivre ces aventures débridés d’un reporter à la cool qui dézingue le politiquement correct par son attitude très sexe, drogue et rock’n’roll.

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