Deuxième long-métrage de la scénariste, réalisatrice et actrice, Désirée Akhavan
Come as you are a reçu le Grand Prix au fameux Festival de Sundance, Le festival du cinéma indépendant américain ; prix amplement mérité car ce film est le parfait précipité de ce qui se fait de mieux en matière d’« indie cinema ».

Copyright Sundance Institute

La réalisatrice dose astucieusement comédie et drame, a un sens du rythme inné qui passe d’ailleurs par une BO ad hoc et sait casser les codes et conventions. Ainsi, la scène d’ouverture démarre par des images d’Epinal de l’incontournable bal de promo des lycéens où, soudain, deux prom queens, alourdies par leurs robes-meringues et coiffures laquées, se réfugient dans leur voiture, fumer un bong et se rouler des pelles. Drame : le petit ami de l’une d’elle, Cameron survient et lui fait une scène. Cut : la tante ultra WASP* de Cameron l’envoie dans une sorte de camp de redressement catho, appelé God’s Promise** (sic). Là, l’orpheline non conventionnelle va découvrir la rigidité de ceux qui veulent vous « faire entrer dans le droit chemin » et, heureusement, également se faire des alliés.
Après Appropriate Behavior (inédit dans les salles françaises), qui traitait déjà de l’identité sexuelle d’une jeune femme (bisexuelle, interprétée par Akhavan), le deuxième film de Désirée Akhavan a avant tout une portée universelle par son évocation de l’âge ingrat et de la difficulté d’exister quand on est non conforme au moule.
D’ailleurs, c’est ce que dit une des complices de l’héroïne, une jolie métisse (incarnée par Sasha Layne, la bouleversante American honey d’Andrea Arnold) qui s’appelle Jane Fonda (sic !) : « Je crois qu’adolescent, tu te dégoûtes toujours ».  Saluons au passage la performance de la jeune Chloé Grace Moretz (Cameron) dont le jeu à la fois  frémissant et précis  est au diapason de cette comédie dramatique. Pour traiter ce thème, la réalisatrice fait preuve d’un humour frontal, réjouissant.
Ainsi, quand Cameron suggère à la terrible directrice du camp de l’appeler par son diminutif Cameron, celle-ci rétorque : « Cameron est déjà un prénom masculin ; l’abréger accroîtrait ta confusion d’identité ».
Quand Cameron bute pour remplir son iceberg », un schéma où les jeunes invertis doivent annoter la surface cachée pour justifier leur « déraillement « identitaire, Jane Fonda lui souffle :
Pour l’iceberg, c’est facile : si tu as eu trop d’affection : tu es gay ;
Si tu n’as eu assez d’affection : tu es gay, aussi !

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Ou encore, la colocataire de Cameron qui lui suggère de dire que le sport à haute dose a développé son trouble identitaire ! Ladite room-mate s’avérera à la fois bénie oui-oui et exagérément gloutonne. Le film fustige avec intelligence la rigidité de la religion, comme cette scène édifiante de vol à l’étalage où Cameron est tourmentée par sa copine bigote, elle-même perturbée par la culpabilité chrétienne.
Or, les deux adultes responsables de ces adolescents « déviants » sont encore plus brinquebalants : le faible Rick qui a été « dépédalisé » (comme Jane l’apprend à Cameron) par sa terrible sœur, Lydia, dominatrice à souhait. Le centre lui-même tient ses promesses, sinon divines, du moins, celles d’un micro monde clos sur la religion : karaoké chrétien, chaîne d‘aérobic catho… On n’est pas loin de la secte ! D’ailleurs, la réalisatrice reconnaît, entre autre source d’inspiration, Safe de Todd Haynes dont l’héroïne rejoignait un centre plus proche du culte que de la thalasso, pour échapper à son rejet de la pollution.
L’origine de Come as you are est The Miseducation of Cameron Post, un roman pour adolescents signé Emily M. Danforth. qui a parlé à la réalisatrice, puisque qu’adolescente, elle a suivi un traitement pour trouble alimentaire au sein d’un centre de rééducation :

J’aime beaucoup les histoires se déroulant dans des centres de rééducation et j’ai toujours voulu réaliser un projet qui parlerait de ce qu’on peut ressentir dans cet environnement. Tout est fait pour « aller mieux », mais qu’est-ce que cela veut dire au fond ?. Ça m’a frappé quand je lisais le livre : que signifie « aller mieux » quand de simples prières ne peuvent pas avoir d’effet sur l’homosexualité de quelqu’un. Voilà le noyau autour duquel nous avons commencé à écrire le scénario avec Cécilia Friugiule.

L’alternance de la comédie au drame permet à la réalisatrice de traiter de façon percutante un sujet délicat. Ce mélange de genres lui donne une liberté supplémentaire pour aborder la question du genre sans que ça ne soit jamais didactique.

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Come as you are a beau se situer dans les années 90 avec le retour à l’obscurantisme (recul des droits des femmes, avancée des extrémismes), il est hélas ! toujours d’actualité, voire, pile dedans avec cette question du « gender confusion » qui obnubile les adultes en charge d’adolescents à la recherche d’eux-mêmes (comme n’importe quels jeunes adultes). Et, du reste, ces adultes ne semblent pas vraiment s’être trouvés ?
Come as you are est un vivifiant plaidoyer pour la différence, nous montrant littéralement le chemin de croix parcouru quand on préfère gambader hors des sentiers battus.

* WASP : White Anglo Saxon Protestant ; acronyme pour qualifier l’américain blanc puritain dominant

** « God’s Promise » signifie « La promesse de Dieu »

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