Entretien avec Timm Kröger – « Universal Theory »

À l’occasion de la sortie de Universal Theory, primé en 2023 du Bisato d’or du meilleur film remis par la critique indépendante à la Mostra de Venise, et du « Prix du public » et « Grand prix nouveau genre Canal+ » à L’Étrange Festival, nous avons pu échanger avec le réalisateur allemand Timm Kröger autour, entre autres, de la notion de multivers, de pastiche cinématographique, de musique de film, de confrontation du rationnel avec le fantastique, de la montagne et sa symbolique, et du rêve comme vecteur de découvertes scientifiques.

 

Universal Theory est une œuvre particulièrement complexe et ambitieuse : construite autour de notions de physique quantique, multiples niveaux de lectures, mélange des genres et croisement des mondes, confrontation entre science et fantastique, narration non linéaire…Comment avez-vous eu l’idée d’un tel film ? Tout était-il clair pour vous dès le début ?

Non, ce n’était pas clair dès le début, je pense que cette complexité réside davantage dans la genèse que dans la nature même du film. Sans doute parce que j’avais cette idée d’un film très étrange, dont je ne connaissais pas moi-même la résolution. Je voulais faire un film soulevant davantage de questions que de réponses. Au départ, mon idée était essentiellement la suivante : il y a une toile physique. Un scientifique iranien invité au congrès, qui ne se présente jamais. Il y a ces personnages mystérieux, et puis Johannes, qui a quelque chose à voir avec la « théorie du tout ». Je n’en savais pas beaucoup plus. Tout le travail de mon scénariste s’est attaché à transformer mon idée en un scénario cohérent, et c’est à partir de là que l’idée du multivers est entrée en jeu. Mais finalement, aussi étrange, déroutant et cauchemardesque que je voulais que soit mon film, c’est en fait une histoire de science-fiction assez simple. Je ne voulais pas que le film n’ait aucun sens : si on le regarde plusieurs fois, en remarquant les indices, on peut tout à fait comprendre ce qui se passe !

Comment avez-vous envisagé le multivers en tant que film ? Car si c’est l’un des thèmes majeurs de Universal Theory, il ne surgit pas seulement dans le contenu du récit initial (thèse de Johannes, congrès scientifique), mais aussi dans la superposition des genres (thriller, fantastique, SF) ; la narration (circularité, arborescence, temporalités juxtaposées, ellipses, échos et parallèles, voix-off) ; les images (composition, couleurs, ombres, lumières, géométrie) ; la musique (extra et intradiégétique).

Je suis toujours étonné par le sentiment de complexité que les spectateurs éprouvent lorsqu’ils découvrent le film. Je pense qu’il n’y a pas à proprement parler une multiplicité de mondes dans Universal Theory. On suit le même personnage, Johannes, qui se retrouve dans un monde différent ; et il rencontre Karin, ce personnage qui vient d’une autre sphère, d’un autre univers, et peut-être aussi d’une autre époque, mais c’est à peu près tout. Johannes est donc confronté à tous ces mondes. Je voulais en faire un protagoniste simple, paradoxalement. L’intrigue de Universal Theory est finalement assez linéaire, et ça aurait pu être bien pire en termes de multivers !

C’est vrai que l’on peut facilement suivre la linéarité narrative dont vous parlez à travers le personnage de Johannes, à qui on peut s’identifier, et qui perd peu à peu pied avec la réalité.

C’est vrai. Mais que se passe-t-il pour les autres personnages ? Nous ne savons pas, et nous ne pouvons pas le savoir dès le premier visionnage. Mais il s’avère que c’est assez simple pour eux aussi. Finalement, le motif narratif réside dans cette idée que Karin et ces autres personnages mystérieux veulent rentrer chez eux. Et Johannes apparaît juste comme l’élément perturbateur. Mais bien sûr, ce n’est pas vraiment ce que le film nous dit, de prime abord. Certains amateurs de science-fiction comprennent dès le premier visionnage, et d’autres pensent que tout n’est que rêve, que les morts ressuscitent, devenus des zombies…C’est assez intéressant. En tout cas, le mélange des genres était là avant même que nous ayons eu l’idée du multivers. C’était censé être un pastiche, dès le début, de ce cinéma allemand d’après-guerre vraiment très naïf, essentiellement composé de comédies romantiques dans des films de montagne. J’ai d’ailleurs bien sûr voulu rendre hommage à La Montagne magique en termes de référence littéraire. Nous avons toujours présenté le film de cette manière : comme si Hitchcock avait fait un bébé avec David Lynch, en quelque sorte. Le film devient un peu plus français à la fin.

Oui, il y a avait un côté Nouvelle Vague, notamment à la fin de Universal Theory, avec la voix off narrative et la mise en abyme de la fiction.

Certainement. Mais j’ai ressenti qu’en traversant cette naïveté du cinéma d’après-guerre et le thriller hitchcockien, je voulais arriver à un point émotionnel différent, qui soit un peu plus mature et complexe. Je dirais même émotionnel, car le film a cette étrange tendance à vous submerger d’émotions, tout en demeurant paradoxalement très froid. 

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En parlant d’Hitchcock, la musique renvoie beaucoup à Bernard Herrmann. Elle joue un rôle essentiel dans votre film. Comment l’avez-vous travaillée avec le compositeur Diego Ramos Rodriguez ? Quelle était votre ambition en termes d’ambiance ? 

J’ai d’abord réalisé ce film pour la musique. J’aime énormément la musique, et je pense que c’est comme ça que j’ai commencé à faire du cinéma : en mettant des images sur la musique. C’est une source de joie sublime et de beauté immense pour moi. Mon ami Diego —le compositeur de la bande originale de Universal Theory— n’avait jamais fait de musique de film auparavant. C’est un compositeur contemporain, donc il est particulièrement bercé par l’histoire de la musique. J’ai senti qu’il serait parfait justement parce qu’il n’avait pas l’expérience de compositeur de musique de film. Nous en avons beaucoup parlé, pendant environ six ans, mais, à force, on n’était même plus tout à fait sûrs de se comprendre, et il ne s’est pas passé grand-chose jusqu’au tournage du film. Nous sommes parvenus à un montage brut auquel j’ai ajouté mes meilleures musiques de film : celles de Bernard Herrmann, Georges Delerue, Paul Misraki, qui a écrit la partition de Alphaville (Godard, 1965), et d’autres musiques très étranges pour des films français des années 50. Je ne saurais comment les décrire. J’ai découvert sa musique il y a longtemps, et je l’ai beaucoup écoutée car je la trouve particulièrement drôle et complexe. Je pense que la musique de film, à son meilleur, était capable de transmettre deux sentiments contradictoires en même temps. Elle pouvait être chargée en pathos et en émotions, tout en conservant une ironie dramatique, tant elle était intelligemment écrite et transmise. En tout cas, je l’ai toujours ressentie ainsi. Je voulais faire un film qui mimait être des années 50 ou 60. Quand on le regarde, on ne peut pas être dupe, mais la musique est si puissante que quelque chose d’étrange naît. Parfois aussi, la musique ne correspond pas aux images, et c’était un choix de ma part. J’étais intéressé par l’étrange, les vibrations qui peuvent se produire si on y ajoute de la musique. La musique peut susciter des émotions que l’on n’a pas encore éprouvées. J’ai presque voulu que le film se disloque et ne soit pas seulement un produit commercial, car c’est comme un projet artistique clandestin, au sens hitchcockien. Hitchcock parvenait à dissimuler tant de subtilité dans ses œuvres désignées comme des thrillers commerciaux. Je pense que nous lui avons un peu emprunté là-dessus, et la musique y joue un rôle clé.

Pourquoi avez-vous choisi ce décor des Alpes suisses ? Qu’est-ce que représente la montagne pour vous ? Et plus précisément dans le cadre de Universal Theory, où les avalanches ressemblent à des cascades et les nuages à des vagues ? Avez-vous été inspiré par le romantisme allemand ?

Oui, je pense, inconsciemment. Mon premier film, The Council of Birds, se passait en 1929 dans la forêt allemande. C’est un peu une préquelle à Universal Theory, même s’ils n’ont pas grand chose en commun. The Council of Birds portait aussi sur le mysticisme de la nature, la musique romantique tardive, et cette idée du passé proto-fasciste que l’on peut déjà voir à travers ces représentations. Si on pense à la musique de Wagner, par exemple, et au romantisme tardif en général, c’est assez facile d’imaginer une mythologie nationaliste, fondée sur ce genre de mysticisme de la nature. C’était omniprésent à l’époque en Allemagne, et un peu partout ailleurs. Je pense qu’il y a un fond de cela dans Universal Theory, où, quand on voit ses montagnes en noir et blanc, on peut penser à Leni Riefenstahl et ses films de montagne d’avant-guerre. Les montagnes sont sans doute des symboles universels, et renvoient à quelque chose d’immense et de transcendant, entre ciel et terre. Je vois personnellement les montagnes comme des entités assez effrayantes, massives, labyrinthiques. J’ai toujours imaginé ce qu’il y avait à l’intérieur. Concernant les images des avalanches qui ressemblent à des cascades, la seule que nous voyons vraiment n’a pas été filmée par nous-mêmes : nous avons dû acheter ces images et les intégrer dans le film. Donc cela pourrait être une coïncidence, mais j’aime beaucoup votre analogie. Bien sûr, je pense qu’il y a beaucoup de sous-entendus et d’inspirations issus du romantisme qui se sont inconsciemment imprégnés par mon esprit. J’ai toujours voulu que les nuages apparaissent comme s’ils étaient, d’une certaine manière, magiquement attirés par la montagne. C’était un peu difficile à réaliser, et je n’en suis pas extrêmement satisfait, mais je pense que ça raconte l’histoire dans une certaine mesure.

Etait-ce aussi cela que vous vouliez en réalisant votre film ? Creuser sous les montagnes ?

Oui, un peu. C’est un peu comme comme en psychanalyse, où, sur un niveau d’analyse freudienne, on dirait : à l’étage, c’est le surmoi, et au sous-sol, c’est le ça. Dans Universal Theory, il y a l’hôtel, les nuages, et ce qui réside mystérieusement sous la montagne. Cette portée psychanalytique m’intéressait beaucoup comme cadre de l’intrigue.

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Le personnage de Johannes Leinert, le protagoniste, a quelque chose de bouleversant : il est un génie incompris, dont la théorie même finit par le dépasser, mais aussi un homme englouti par la solitude et son passé, à l’identité fragmentée, et à la mémoire traumatique insaisissable. En ce sens, Universal Theory pourrait s’interpréter comme une tragédie de la quête de sens et de vérité : à trop sonder la réalité, celle-ci s’éloigne, se brise, devenant plus impénétrable que jamais, et engloutit le rationnel jusqu’à la folie. Est-ce un aspect que vous avez envisagé en écrivant votre film ?

Évidemment. Je n’avais pas un modèle à proprement parler de ce que je voulais transmettre, ou de message. L’écriture du film s’est passée assez naturellement par rapport à ce qui m’intéressait, mais aussi à ce qui intéressait mon scénariste. Universal Theory repose évidemment sur l’archétype du savant fou. Et en général, du moins dans le cinéma américain, il se résout toujours dans le modèle du « Voyage du héros ». Certes, il y a des obstacles, et de la folie. Mais en fin de compte, Luke Skywalker confronte le mal et en devient un homme meilleur. Le mythe du savant fou est donc un archétype narratif que nous avons entendu mille fois. J’ai donc décidé de changer la perspective en rendant la chose plus arbitraire. Johannes n’est pas vraiment le héros, il est juste un obstacle pour Karin qui veut rentrer chez elle, mais on le découvre seulement plus tard. Universal Theory essaie de raconter le voyage du héros : On pense que ce personnage pourrait devenir un génie, et que son chemin est tracé devant lui. Mais j’étais intéressé par cette perspective absurde : le film ne se décide pas vraiment s’il est un génie ou un idiot. Il pourrait être les deux, et, suivant les mondes, il est certainement l’un ou l’autre, ou quelque chose entre les deux.

Je voyais un certain potentiel tragicomique pour ce personnage, dans le fait de se retrouver dans un monde où il poursuit sans cesse cette femme qui devient une figure symbolique de tant de choses, comme la quête de sens. Je pense que c’est aussi un archétype psychologique classique : le jeune homme qui finit par vénérer le fantôme d’une femme —où il y a d’ailleurs quelque chose de profondément étrange et problématique. Johannes se retrouve aussi dans un monde où personne ne le croit vraiment, malgré la réalité de ce qui lui arrive —car je pense que tout ce que lui arrive est réel. Et ce qu’il raconte est sans cesse déformé, comme par exemple dans cette adaptation cinématographique italienne du livre de Johannes, que l’on voit à la fin. Je trouvais cela intéressant, drôle et tragique, d’une certaine manière, car il n’est pas nécessaire d’être un génie physicien pour pouvoir comprendre ce sentiment de ne pas être cru, et cette sorte de psychose intérieure qui est vraiment difficile à comprendre pour le monde extérieur. Mais en même temps, le film est assez indécis quant à Johannes, entre susciter la pitié, ou le mépriser. Il représente quand  même une figure de l’échec. Ce qui lui arrive à la fin n’est certainement pas un modèle de terminer sa vie. Beaucoup de gens finissent comme ça au cinéma, il y a généralement une fin plus constructive, qui nous mène à ce sentiment que l’on a aussi dans nos propres vies, comme si l’on se racontait cette histoire rétroactive pour lui donner sens. Comme cette idée que peu importe ce que l’on ait vécu, cela a du sens maintenant car on est devenu une meilleure personne. Mais en réalité, on rencontre beaucoup de gens qui sont à la croisée des chemins. Ils ont pris un mauvais tournant à un moment donné, et leurs biographies sont essentiellement fichues parce qu’ils ont pris ces mauvais virages ; et c’est quelque chose que le cinéma ne raconte pas vraiment. Donc je suppose aussi qu’en pensant à l’univers parallèle, rien qu’un court instant, cela nous amène à considérer qu’il y a une infinité de fins à l’histoire, et il nous incombe de raconter celle que nous trouvons la plus intéressante.

Vous voyez davantage de comédie que de tragédie dans le personnage de Johannes  ?

Je vois les deux, et j’espère que c’est ce qui fait que le film se distingue : on peut se faire son propre avis. Universal Theory est assez indécis, mais c’est délibérément ainsi et je crois que c’est aussi la force du film, tout comme ce dialogue entre rationalisme scientifique et ésotérisme. Je pense que c’est le travail de chacun de se faire sa propre opinion, non seulement sur le film, mais aussi sur la nature de notre réalité. C’est certainement plus rare de nos jours d’être capable d’appréhender deux points de vue contradictoires en même temps. Et, c’était un peu, je dirais, comme le projet initial du film : de ne pas être dogmatique. L’incertitude est parfois perçue comme un défaut, mais c’est au contraire être capable d’observer, d’être curieux, et plonger dans les émotions, mais aussi reculer pour les voir avec plus de hauteur. 

Comment avez-vous créé et imaginé le personnage de Karin ? Lui attribuez-vous un rôle métaphorique précis (mémoire enfouie de Johannes par exemple), ou l’imaginez-vous comme le personnage liant les univers évoqués dans le film ? Comment interprétez-vous la relation entre Johannes et Karin ?

J’ai d’abord imaginé le personnage de Karin en tant que pianiste : je voulais qu’elle soit une pianiste de jazz avec une touche baroque. J’ai pensé à cette chanson de Nina Simone, «  Love Me or Leave Me », où elle improvise à un solo de piano baroque, comme si Bach jouait un morceau de jazz. J’ai vraiment adoré cela, et c’était un peu l’idée du personnage pour Karin. Au début, nous avons travaillé sur la musique. Nous avons trouvé ce compositeur français, François Couperin, qui a écrit « Les Barricades mystérieuses », dont personne ne sait vraiment ce que le titre signifie. Nous savons ce qu’il signifie littéralement, mais pas à quoi il faisait référence. C’est un morceau de musique assez mystérieux, presque mathématique. Nous avons transformé cela en la pièce de jazz que Karin joue dans le film. C’était un peu la mise en place pour son personnage mystérieux, parce que, si on y réfléchit vraiment, son histoire et sa relation avec Johannes, ainsi que son désir de vouloir rentrer chez elle pourraient être beaucoup plus intéressantes. Mais en même temps, nous voulions rester dans une trajectoire du film noir, avec ses personnages équivoques et l’archétype de la femme fatale. C’est aussi pour cela que Karin disparaît. Elle ne doit pas apparaître pendant plus de 20min dans le film, mais elle demeure à certains égards beaucoup plus réelle que les autres personnages du film. Dans mon esprit, Karin est une personne réelle, et connaît une autre version de Johannes. Au milieu du film, on la voit se rendre compte qu’il n’est pas seulement légèrement différent et plus jeune que l’homme qu’elle connaît, mais qu’il est complètement différent. Et c’est pourquoi elle s’enfuit. Le Johannes qu’elle rencontre là-bas, dans cet hôtel, est seulement une distraction pour Karin qui veut rentrer chez elle, dans son monde, où elle connaît une autre version de lui. Sa rencontre avec Johannes prend alors une ampleur presque ludique. Comme si elle le visitait en le considérant simplement comme le clone d’une vraie personne.  Mais on ne comprend pas cela dès le premier visionnage, parce que c’est le contraire qui apparaît de prime abord : elle est la projection mystérieuse. Karin a, en quelque sorte, l’ascendant sur Johannes : elle est plus âgée, et sait beaucoup plus de choses sur lui. Et c’est aussi la raison pour laquelle elle lui tire dessus à la fin : il n’est pas une personne réelle pour elle. Il est juste un insecte, un zombie ou un clone. L’acte fatal de Karin peut alors être avoir quelque chose de tendre, de tragique et d’émotionnel. 

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La disparition et le mystère hantent Universal Theory : Johannes qui n’apparaît pas sur le registre de l’hôtel au début, le personnage de Karin ; Dr Blumberg ; la mère de Johannes ; Johnny et Susi. Voyez-vous votre film comme un récit de confrontation entre la science (Johannes) et le surnaturel (fantômes, disparitions et réapparitions) ? Quel est votre rapport au fantastique ?

C’est la meilleure chose que nous ayons à côté de la science, ou plutôt, de l’épistémologie. Je pense à  Johannes Kepler ou Newton, qui eux aussi pensaient de manière magique. Ce n’est finalement que récemment que nous avons tellement séparé la science de cette facette ésotérique des choses. Mais pendant la majeure partie du temps, les penseurs intégraient la magie dans leur réflexion, notamment les philosophes grecs. L’histoire de la science est pleine de ces instances où des personnes assez rationnelles avaient aussi des rêves qui leur transmettaient leurs grandes idées. Il y a eu le chimiste Friedrich August Kekulé, qui a rêvé de la molécule de benzène : son rêve représentait un serpent se mordant la queue, et cela lui a donné l’idée pour la découverte de la molécule. Le physicien prix Nobel Wolfgang Pauli aussi, a eu une amitié de longue date et une correspondance avec Jung, où ils parlaient de ses rêves et de ce qu’ils pouvaient signifier pour la physique quantique. J’ai toujours été passionné par ces phénomènes. Jung est un personnage assez controversé, à juste titre. Mais, de son vivant, il pouvait écrire sa thèse en tant que docteur en médecine sur les symptômes paranormaux et les fantômes. Je voulais que mon film soit imprégné de cette frontière floutée entre le rêve et la physique. Aussi parce que dans le cinéma, de nos jours, nous sommes un peu divisés en deux. On a cette vision du monde matérialiste, très rationnelle, et de l’autre côté, ces idées ésotériques dangereuses qui fleurissent. Tant de gens croient en la théorie conspirationniste des chemtrails, par exemple, où les avions nous empoisonneraient ; ou à la théorie des reptiliens. C’est très dangereux pour les sociétés démocratiques, parce que la plupart des gens ont perdu confiance dans le savoir expert et la science, tant elle est devenue trèsspécifique et difficile à communiquer. C’est certainement le cas aussi avec la physique. Je pense aussi que par rapport à la rationalité et son importance dans la discussion scientifique, le cinéma peut être assez irrationnel, et peut et devrait être onirique et fantastique autant que possible, pour ne jamais perdre la capacité de prendre du recul.

Avez-vous d’autres projets cinématographiques ?

Oui, je veux faire une suite à Universal Theory avec la fille de Johannes. Elle aura 16 ou 17 ans dans ce prochain film. Ça va être coloré, un drame mystérieux pour adolescents, un peu comme si Tarkovski rencontrait Spielberg. Je ne peux pas vraiment vous en dire davantage, mais le film s’appellera The Last Radio et se déroulera en 1997. Mon idée m’est venue en même temps que celle de Universal Theory. Je voulais faire deux autres films se déroulant au XXe siècle, et 30 ans plus tard. Mon premier film se passait dans une forêt, Universal Theory dans les montagnes, et The Last Radio se déroulera au bord de la mer.

 

Merci infiniment à Timm Kröger pour sa patience et sa sincérité. Merci également à Sophie Bataille pour avoir rendu possible cet échange.

Crédit photo de couverture ©Heike Blenk

 

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A propos de Eléonore VIGIER

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