Amélie et la métaphysique des tubes de Mailys Vallade et Liane-Cho Han : Une perception divine de l’enfance
Présenté en Séance Spéciale au Festival de Cannes 2025, Amélie et la Métaphysique des tubes, premier long-métrage d’animation de Maïlys Vallade et Liane-Cho Han, adapte avec délicatesse le célèbre roman autobiographique d’Amélie Nothomb. Le film retrace les trois premières années de la vie de l’autrice belge, marquées par son enfance au Japon, et offre une exploration poétique de la conscience émergente d’un enfant.
© Copyright Haut et Court
Le film propose une représentation singulière de la petite enfance, en adoptant le point de vue d’Amélie, qui se décrit initialement comme un « tube digestif », absorbant le monde sans filtre. Cette métaphore, issue du roman original, est traduite à l’écran par une animation fluide et sensorielle, capturant la manière dont un jeune enfant perçoit son environnement : un flux constant de sensations, d’émotions et de découvertes. La réalisation réussit à illustrer cette perspective avec une grande sensibilité, offrant au spectateur une immersion dans l’univers intérieur d’Amélie et un traitement comique de la manière dont l’enfant se perçoit comme « Dieu ».
La direction artistique, supervisée par Eddine Noël, crée un univers visuel empreint de douceur et de poésie. Les décors, inspirés du Japon des années 1960-1970, sont rendus avec une attention particulière aux détails, tandis que la palette de couleurs évolue au fil des saisons, reflétant les changements dans la perception d’Amélie. La musique originale de Mari Fukuhara accompagne subtilement le récit, renforçant l’atmosphère contemplative du film.
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Amélie et la Métaphysique des tubes se distingue par une technique d’animation mixte, mêlant dessin à la main traditionnel et animation numérique légère. Les décors, peints à l’aquarelle et enrichis de textures naturelles (papier fibreux, lavis japonisant), offrent une profondeur tactile, qui évoque l’instabilité de la mémoire enfantine. Les personnages sont animés image par image avec une fluidité volontairement imparfaite, qui rappelle les techniques du stop motion ou du papier découpé à la Miyazaki ou Takahata — sans les imiter.
Ce choix d’éloignement du photoréalisme permet aux réalisateurs Maïlys Vallade et Liane-Cho Han de traduire visuellement le point de vue métaphysique de la petite Amélie : les formes se déforment, les contours vibrent légèrement, comme si l’image elle-même hésitait entre présence et abstraction. Les arrière-plans, souvent flous ou inachevés, traduisent la focalisation sensorielle d’un enfant qui ne perçoit pas encore le monde dans sa totalité, mais par fragments de sensations et d’émotions. Cette esthétique fragile et mouvante donne au film une poésie visuelle rare, tout en s’inscrivant dans une tradition de cinéma d’animation contemplatif et introspectif.
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Amélie Nothomb, bien que n’ayant pas participé directement à l’écriture du scénario, a exprimé sa satisfaction quant à cette adaptation, la qualifiant de « meilleure adaptation » de son œuvre. Les réalisateurs ont su préserver l’esprit du roman, en mettant en avant la richesse introspective du récit et en évitant les écueils d’une narration trop explicative. Le film parvient ainsi à capturer l’essence de l’œuvre originale, tout en exploitant pleinement les possibilités offertes par le médium de l’animation.
Amélie et la Métaphysique des tubes s’adresse à un large public, en proposant une réflexion sur la construction de l’identité et la manière dont nous appréhendons le monde dans nos premières années. Le film invite à une introspection sur notre propre enfance et sur la manière dont nos premières expériences façonnent notre perception de la réalité. En cela, il s’inscrit dans une tradition de récits initiatiques, tout en apportant une touche d’originalité par son approche sensorielle et philosophique
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En somme, Amélie et la Métaphysique des tubes est une réussite artistique et narrative, offrant une adaptation fidèle et poétique du roman d’Amélie Nothomb. Adapté à tous les âges, le film se distingue par son esthétique soignée, sa sensibilité et sa capacité à évoquer des thèmes universels à travers le prisme de l’enfance. Il constitue une belle entrée dans le monde du cinéma pour les réalisateurs Maïlys Vallade et Liane-Cho Han, et une contribution notable au paysage du film d’animation contemporain.
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