Cannes 2025 (Séance de Minuit) – Vincent Maël Cardona – « Le Roi soleil »

 Le Roi Soleil de Vincent Maël Cardona : un regard ironique sur la brutalité des héritiers sans trône

Présenté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2025, Le Roi Soleil, deuxième long métrage de Vincent Maël Cardona, soutenu par un casting solide (Pio Marmaï, Maria de Medeiros, Panayotis Pascot) après Les Magnétiques, mêle thriller social, huis clos tendu et satire contemporaine pour explorer les dérives face à la tentation de l’argent facile.

Dans un bar-PMU de Versailles nommé « Le Roi Soleil », un habitué découvre qu’il a gagné 244 millions d’euros au loto. Mais une altercation dégénère : un coup de feu part, le vieil homme meurt, laissant derrière lui le ticket gagnant. Les témoins — deux policiers en fin de service, un ambulancier, un jeune homme influençable, le barman et sa serveuse — se retrouvent face à un dilemme moral. Doivent-ils alerter les autorités ou s’approprier le ticket en maquillant la vérité ? Le film devient alors un « braquage à rebours », où l’enjeu est de réécrire le passé pour justifier le présent.

© Emmanuelle Jacobson-Roques

Versailles fonctionne comme un puissant symbole à double tranchant, à la fois ancrage géographique, référence historique et métaphore morale. Sa présence – notamment par l’ouverture et la clôture du film dans la galerie des Glaces – donne au récit une épaisseur politique et philosophique qui dépasse le simple cadre du huis clos contemporain.

Le château incarne historiquement le théâtre du pouvoir centralisé, de l’autorité monarchique incarnée par Louis XIV, dont le surnom donne son titre au film. Le contraste est frappant entre la grandeur baroque du passé royal et la médiocrité morale des personnages contemporains réunis dans un bar-PMU de banlieue. Cette opposition suggère que la verticalité du pouvoir s’est effondrée dans la trivialité du quotidien, mais que ses effets persistent : fascination pour la richesse, culte du paraître, rivalités de cour transposées dans une France désenchantée.

En encadrant son récit par la galerie des Glaces, Cardona place ses personnages face à eux-mêmes, dans un jeu de reflets littéral et moral. Le miroir devient ici un révélateur de duplicité : chacun tente de réécrire les faits, de se regarder sans se voir, de travestir la vérité. Ce choix visuel appuie le thème central du film : la reconstruction du réel à des fins de survie, d’enrichissement ou d’autojustification.

© Emmanuelle Jacobson-Roques

Appeler le bar-PMU « Le Roi Soleil » est aussi un geste satirique. Là où Louis XIV imposait un ordre centré sur sa personne, les personnages de Cardona pataugent dans le chaos, motivés non par le devoir ou la grandeur, mais par l’instinct de survie, la cupidité et la peur de perdre. Le ticket gagnant devient une couronne moderne, que chacun veut s’approprier dans un monde sans roi, sans règle claire, sans lumière.

Versailles évoque enfin un théâtre, où l’on se met en scène, où l’on simule. Ce motif est central dans le film : les personnages doivent « jouer » une version acceptable du réel pour couvrir un acte illégal. Ce théâtre contemporain de la misère morale est, dans le regard de Cardona, le véritable héritier du faste monarchique : un espace où tout est performance.

En somme, Le Roi Soleil agit comme un miroir inversé : à travers les déboires de sa galerie de personnages, il rappelle que le pouvoir ne disparaît jamais mais change de visage.

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A propos de Frédérique LAMBERT

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