Haley Bennett : »On n’en veut plus de cette douce violence. »

Haley Bennett s’est donnée corps et âme à l’étonnant film de Carlo Mirabella-Davis. Grâce à son interprétation bluffante, le cinéaste inspecte toutes les facettes de la femme trophée, surtout celles cachées, cassées. Haley Bennett ne joue pas Hunter, elle EST Hunter, femme kaléidoscope. Avec un talent rare et pas que pour la joie… Clin d’oeil au redoutable ouvrage de développement personnel que sa belle-mère offre à Hunter : A Talent for joy. N’ayant pas pu venir assurer la promo du film dans notre aimable capitale, j’ai pu m’entretenir avec Haley Bennett au téléphone. Voici les propos de celle que son réalisateur désigne comme  une « grande actrice, artiste et collaboratrice ». 

Quel a été votre réaction quand vous avez lu pour la première fois le scénario et découvert un personnage aussi particulier ?
J’ai vu tout de suite que c’était un projet inhabituel. Le scénario était très bien écrit et aussi, c’est peu courant pour les femmes d’avoir la possibilité de véhiculer un message à travers un personnage. J’ai été tout de suite emballée. Je voulais absolument rencontrer Carlo, découvrir l’homme qui avait écrit un tel scénario. Alors on a pris rendez-vous pour discuter du script et pour voir comment je pourrais m’impliquer car c’était le premier long-métrage de Carlo. Je voulais mieux le connaître, lui et surtout, sa vision, comment il comptait donner vie à cette incroyable écrit. J’ai contacté Mollye Asher, une productrice, dont j’admire beaucoup le travail. J’étais très excitée quand elle a accepté de se lancer dans l’aventure. Je me suis moi-même engagée comme productrice exécutive. J’étais très enthousiaste à l’idée de donner une voix à Hunter.

Parlant de voix quand j’ai interviewé Carlo il m’a dit que vous aviez choisi une voix. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ca a vraiment fait peur à tout le monde sur le plateau. Du genre « Oh non!  Pas ça !». Je pense qu’ils n’étaient pas sûrs que ça marcherait. J’aime l’idée, qu’au début du film, Hunter est inhibée, donc elle a une voix de souris. Une voix sans beaucoup de texture. Elle n’est pas sûre d’être autorisé à être entendue. On lui a appris toute sa vie à être regardée, mais pas entendue. Imaginez si toute votre vie, on vous a appris à être vue et pas entendue, vous ne développeriez pas beaucoup votre voix. Vous ne seriez pas apte à vous exprimer par vous-même. J’aimais bien jouer avec l’idée que Hunter était plutôt calme et effrayée d’être entendue, de peur que ce qu’elle dise n’ait aucune valeur. Et plus on avance dans l’histoire, dans le parcours de Hunter, plus elle commence à trouver sa voix. Je pense que ça devient assez évident pour le public. Dans le scénario, juste après la fête d’anniversaire quand Ritchie l’humilie en partageant des infos personnelles sur ce qui lui est arrivé (les objets et sa maladie), il était écrit qu’elle était censée dire Fuck ou Shit ou quelque chose du genre. Carlo et moi, on a eu un petit désaccord sur le fait que c’était le bon moment ou pas -dans le scénario- pour elle d’avoir une crise. Mais au fond, on était sur la même longueur d’ondes. Il avait raison, parce que c’est juste un aperçu de ce que Hunter va devenir. Cette force dans sa voix qu’elle va trouver à travers la trajectoire de l’histoire.

Après la scène de trahison à l’anniversaire de Ritchie, quand ils sont au lit, Hunter est littéralement au-dessus. Serait-ce une subtile critique de la société patriarcale?
Au début, Hunter est très timide et empêchée, puis elle commence à prendre le contrôle. Quand ce genre d’agression, d’injustice survient, ça se traduit dans ses manières et dans la façon qu’elle a de faire l’amour.

Quand on l’oblige à raconter cette embarrassante histoire à propos de l’idiot du village, Carlo m’a dit que l’histoire était dans le script et a été coupée, car c’était plus efficace, ça produisait une forme de « douce violence ». Etant une actrice à Hollywood et même une femme avez-vous été confrontée à ce genre de violence insidieuse ?
Ça m’arrivait chaque jour, surtout quand j’étais plus jeune. Je pense que les temps sont en train de changer et qu’il y a des nouvelles voix qui émergent à la surface. Des films comme Swallow sont une forme de conscience qu’on n’en veut plus de cette douce violence. Même quand j’étais plus jeune, l’idée de s’élever contre cette violence insidieuse me tenait à cœur. C’est quelque chose qui demande beaucoup de courage de parler et d’agir contre la norme. Surtout, sans le faire de façon agressive, mais de façon juste, quand on se sent insultée en tant que femme.
En fait, j’ai l’impression que plus ça va, plus la situation s’améliore. On commence à se délester de nos chaînes.

Avec Carlo nous avons parlé du prénom. J’ai émis cette théorie qu’elle s’appelle ainsi parce qu’Hunter se transforme : de proie, elle devient chasseuse. Est-ce que vous avez parlé avec lui de votre prénom ds le film ?
J’estime que le film est déjà très riche, plein de strates avec des nuances et des détails. En tant qu’actrice, j’avais déjà beaucoup à explorer. Trop pour développer ce genre d’hypothèse. Ceci dit je pense que vous avez tout à fait raison : elle est effectivement quelqu’un qui passe de la proie à la chasseuse. C’est une intéressante observation, merci.

 

A propos des différentes strates, Carlo a parlé des trois masques que votre personnage porte. Comment avez-vous envisagé ça ?
C’est vraiment un thème central. C’est quelque chose auquel je reviens constamment. C’est basé sur des rêves que j’ai eu pendant que nous tournions. Il s’agit d’être capable de passer du masque d’une femme, très polie et joyeuse, qui joue le rôle de la parfaite épouse au moment où elle enlève ce masque. Là, on entrevoit des fêlures dans ce masque de la perfection. Et vous voyez Hunter, complètement désespérée. On lui a enseigné qu’elle est une propriété et qu’elle est une prisonnière. J’aime beaucoup la juxtaposition des deux. Et puis, il y a le troisième masque qui est la personne qui veut protéger le prisonnier. J’ai ainsi alterné entre ces trois personnages tout le long du film. Je choisissais des endroits dans le scénario pour mettre ces masques. C’était le socle de mon jeu, évidemment, je ne mettais pas des masques littéralement ! (rires). Les spectateurs, le public voient ces changements qui surviennent très rapidement. C’était très enthousiasmant pour moi de jouer et de regarder ce film. J’ai adoré avoir l’opportunité de pouvoir faire ça.

Mission accomplie. De toute évidence, vous êtes plus  a « maker than a faker » (1)
Je pense que dans le film, rien n’est projeté sur soi. On a beaucoup d’empathie parce qu’on est elle.

À propos de la garde-robe d’Hunter, Carlo nous a parlé de l’évolution des couleurs. Au début vous avez l’air d’une lady post Fifties. Comment avez-vous travaillé ça ?
C’était très important pour moi. On a carrément commencé à essayer les costumes dans ma chambre. Il y avait cette idée de silhouette comprimée des années 50. Et puis, Carlo était obsédé par certains détails qui sont si bien traduits par la caméra. J’ai eu beaucoup de discussions avec la directrice de la photographie et Carlo sur le courage de Hunter. On aurait pu redouter que cette histoire d’une femme attente de Pica, qui ingère des objets, soit un projet lugubre. J’ai pensé que nous devrions amener de la couleur. Que ça serait quelque chose de plus psychologique et souterrain. Si vous prêtez attention aux couleurs, je voulais que ses vêtements soient colorés et l’environnement sombre. Si vous regardez attentivement évolution des couleurs de sa garde-robe, c’est comme si comme si la vie en elle avait été aspirée par ces couleurs et qu’elles contaminaient l’environnement. Comme si ensuite, l’environnement la vide de sa force vitale en prenant ses couleurs. A la fin, elle est vidée de ses couleurs. Je crois que ça traduit bien sa trajectoire de pseudo super femme jusqu’à devenir, juste, une femme. C’est ce que résume formidablement la dernière scène dans les toilettes où passent toutes ces autres femmes. C’est une nouvelle chance, un nouveau départ pour elle. J’adore ce film !

(1) Clin d’œil aux dialogues du film quand la belle-mère d’Hunter la « coache » : Fake it ‘till you make it. Are you maker or a faker? (fais semblant jusqu’à ce que tu réussisses. Tu fais semblant ou tu as réussi ?)

Merci à UFO

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