La petite Salomé vient passer comme tous les ans ses vacances dans une région reculée du Portugal, au milieu des moutons et des montagnes escarpées, dans un village encore empreint de superstitions, de femmes désignées comme sorcières et de rumeurs qui se répandent comme des épidémies. Sa grand-mère adorée meurt subitement, quasiment dans ses bras, laissant la gamine désemparée, tandis que la famille s’affronte, de vieilles rancoeurs en règlements de compte et course à l’héritage. Pour son premier long métrage la réalisatrice franco-portugaise Cristèle Alves Meira suit la longue tradition des portraits d’enfance où excella Victor Erice dans L’esprit de la Ruche et El Sur. Tout y est donc vu à travers le regard d’une petite fille qui a encore l’âge d’être atteinte par l’imaginaire, que les fantômes viennent seule visiter. Il y a dans le film de Cristèle Alves Meira un très beau contraste entre une forme de frontalité presque prosaïque de la mort et de la vieillesse et ce désir de s’enfuir vers l’onirique, dans les nuits désertes où la nature prend des teintes surnaturelles. Il est assez rare de voir une vie quotidienne perturbée par la mort de l’être cher traitée ainsi, dans un parti pris presque trivial. On apprécie en effet la manière dont la petite héroïne est intégrée à un quotidien prosaïque qui montre sans pudeur la vieille dame, se déshabillant, son corps vieilli, ses seins tombant, comme s’il s’agissait d’être catapulté dans une famille, de suivre en direct le cours naturel de la vie, sans pudeur, ou encore ce moment où elle étreint le corps sans vie de sa grand-mère.

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Indéniablement la cinéaste pose un regard sur la mort, dans un sens du détail parfois surprenant dans sa triste vérité, que ce soit la mouche sur le nez de la morte, ou le berger allemand se baladant dans la pièce autour du cercueil. Sans doute son expérience du documentaire n’est pas étrangère à cette façon très belle, très émouvante de capter l’instant de vie, comme l’instant de mort. Elle décrit également avec efficacité cette violence sans frein des adultes, face à l’innocence de l’enfant qui plus ou moins consciemment cherche à s’évader, mentalement ou physiquement, lorsqu’elle s’enfuit sous la lumière de la Lune. Mais curieusement quelque chose ne fonctionne pas dans Alma Viva, qui l’empêche de sortir d’une routine du cinéma du réel – le comble pour une œuvre qui suggère la manière dont les revenants peuvent interférer dans le monde des vivants – pour égaler ses modèles. comme si en contradiction avec l’éveil de son héroïne, le film ne sortait jamais des rails, ne fuyait jamais son état des lieux d’une région rurale un peu arriérée. Le cinéma de Cristèle Alves Meira est joli, mais comme Salomé, il semble quelque peu effrayé par les appels de l’au-delà. Il reste sage comme ses images.

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Sa mise en scène ne s’échappe jamais suffisamment pour sublimer des thématiques. Tout reste filmé sous l’angle d’une réalité trop réelle, qui ne suggère jamais de passage vers l’ailleurs et empêche le film de décoller. Alma Viva fait partie de ces œuvres dont l’écriture peine à restituer la spontanéité juvénile : lorsque la réalisatrice met dans la bouche de sa jeune actrice – pourtant excellente – des mots d’enfants réécrits par des adultes du type « grand-mère, je t’aime comme des milliers d’étoiles », on glisse dans le poétique factice. Le spectacle des affrontements entre adultes, ou celui des villageois superstitieux hurlant leurs accusations de sorcières aurait dû inquiéter, voire épouvanter, communiquer la peur ressentie par Salomé. Au lieu de la sensation d’authenticité c’est celle de l’archétype, de situations artificielles un peu théâtrales qui prime en empêchant le spectateur d’y croire. Alma Viva demeure un joli film mais qui échoue à insuffler du trouble et de la magie à un sujet qui avait tout pour ensorceler.

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