The Civil dead, curieusement rebaptisé par un autre titre anglo-saxon, Ghost Therapy, sans doute plus accrocheur, réactivant peut-être au vu de l’affiche des films comme Ghost World de Terry Zwigoff, est un très curieux premier long métrage réalisé en plein confinement, greffe réussi entre le cinéma indépendant, la comédie burlesque, l’univers dépressif d’un Daniel Clows et le film de fantômes.  Auteur complet du film, à la fois réalisateur, scénariste et comédien principal, Clay Tatum ne craint pas l’hybridation des genres et des styles, les faisant cohabiter harmonieusement. D’ailleurs ce drôle d’objet n’est rien d’autre qu’une histoire de cohabitation un peu singulière entre un artiste solitaire et un fantôme. Clay est un photographe fauché et insouciant, un peu filou et paresseux, un personnage anachronique, très en vogue dans le cinéma underground des années 90, influencé par le grunge, des films de Richard Linklater à ceux de Kevin Smith. Il mène une existence de looser mondain en compagnie de sa femme Whitney. Cette dernière, soutien permanent, lui conseille de sortir, de se bouger plutôt que de rester dans le salon à siffler des bières en se posant des questions philosophies qui ne mènent nulle part. Ce qu’il fait très bien d’ailleurs. Mais un jour, alors qu’il se décide à s’extraire de son canapé pour prendre l’air, et accessoirement faire des photos, il rencontre Whit, un ami d’enfance, qui a cette particularité d’être mort. Mais Clay est le seul à le voir et à lui parler. A partir de ce moment, à condition d’accepter une situation arbitraire, Ghost Therapy décolle, sort de sa petite zone de confort de comédie douce-amère gentiment subversive, excellement dialoguée et interprétée mais n’apportant rien de très novateur.

Ghost Therapy: Clay Tatum

Copyright Damned Films

Whit (si on rajoute un e, ça fait blanc comme Casper le fantôme) est donc une présence de l’au-delà qui ne peut rien faire du tout, ne toucher personne, ni même comme il le déplore lui-même, dépité, faire ses lacets. Bref, il est une sorte de présence/absence ne pouvant qu’observer, impuissant, le monde et parler avec son ami, seule action possible à envisager. Petit avantage somme tout agréable, il va aider Clay à gagner un peu d’argent en trichant au poker usant de son invisibilité aux yeux des autres, une des solutions pour créer une complicité entre ses deux loosers qui appartiennent à des mondes différents de manière littérale.

Leur association prend alors l’allure d’un buddy movie original et souvent drôle, ponctué de répliques savoureuses et situations cocasses. Mais, Clay Tatum n’en reste pas aux contours de la comédie fantastique à l’absurdité assumée, il la saupoudre d’une couche d’angoisse existentielle, distillant même quelques moments effrayants. Lorsque Whit s’immisce dans la maison de Clay la nuit, restant immobile devant sa chambre ouverte, le réalisateur instaure un climat légèrement oppressant qui détonne avec le ton global, plus décontracté, voir nonchalant.

Ghost Therapy — Damned Films

Copyright Damned Films

S’inspirant selon les propos du cinéaste d’Albert Brooks, des frères Coen, de Mike Leigh et du Loup-garou de Londres, Ghost Therapy, mini production tournée pour 30 000 euros, affiche de réelles qualités de mise en scène. Certes, le format scope, cache misère pas toujours très bien utilisée pour camoufler le micro budget, ne parait guère pertinent mais le soin apporté au montage, aux éclairages intérieurs et aux cadrages permet au film de se distinguer joliment des nombreuses petites fictions marginales pour qui la mise en scène s’avère presque secondaire.

Il s’agit aussi sas doute, au-delà de la dimension surnaturelle, d’un film personnel, pas loin de l’autobiographie puisque le réalisateur interprète un personnage très proche de lui dans la vie, reprenant par ailleurs le même prénom. Sa femme dans le film est sa compagne la vie. Et Whitmer Thomas, qui incarne Whit, est aussi son meilleur ami et compagnon de route, étant co scénariste du film. Ghost therapy lui permet de se poser un certain nombre de question sur l’existence sans chercher de réponses. Il se clôt néanmoins par une note assez noire et mélancolique, autoflagellation d’un personnage sympa mais logiquement égoïste face à une situation sans solution apparente.

 

(USA-2021) de Clay Tatum avec Clay Tatum, Whitmer Thomas, Robert Longstreet

 

 

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A propos de Emmanuel Le Gagne

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