Au début des années 90, tandis qu’Arnold Schwarzenegger domine le secteur du cinéma d’action américain (Sylvester Stallone alternant alors succès et revers), une nouvelle génération de têtes d’affiches émerge à Hollywood. Bruce Willis propulsé aux sommets par la trilogie Die Hard, mais également Steven Seagal et Jean-Claude Van Damme, qui connaît la période la plus bankable de sa carrière. Après avoir fait ses armes chez les cousins Golan/Globus, l’acteur belge commence à s’exercer à plus grosse échelle, d’abord en 1992 dans le sympathique Universal Soldier de Roland Emmerich , puis le défoulant Chasse à l’homme de John Woo ou encore le décrié mais rentable Street Fighter. En 1994, sa route croisait celle de Peter Hyams, jusqu’à lors plutôt reconnu pour ses incursions dans la science-fiction (Outland notamment), qui adaptait un comics et livrait un film d’action futuriste brutal baptisé Timecop (produit par Sam Raimi). Plus gros succès de l’acteur et du réalisateur, les deux hommes devenus amis, décident rapidement de recollaborer ensemble. Ainsi, un an seulement va séparer la sortie de Mort Subite, un actionner contemporain pensé pour asseoir définitivement le statut de la star dans le domaine. Si les résultats commerciaux se révéleront en-dessous des attentes et amorceront le début de la chute de JCVD dans son ascension hollywoodienne, ESC Editions a la bonne idée de ressortir le long-métrage au sein de sa collection consacrée à l’Action-Man Belge (après Kickboxer, Double Impact, Cyborg et Chasse à l’homme). Darren McCord (Van Damme), un modeste employé d’un stade de hockey, l’Arena, s’apprête à assister à un match en compagnie de ses enfants. Quatre-vingt-dix minutes avant la rencontre, un commando investit l’Arena et prend en otage les membres de la tribune d’honneur, menaçant de tout faire sauter s’il n’obtient pas la rançon d’un milliard de dollars réclamée à la Maison-Blanche. Emily, la petite fille de Darren, est également capturée par le commando. McCord va tout tenter pour sauver son enfant et les milliers de spectateurs enfermés dans le stade.

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Passé un prologue, court et efficace (filmé en un sobre plan-séquence par Peter Hyams assurant, comme souvent, lui-même la photographie de son long-métrage), mêlant au générique d’ouverture, le trauma de son protagoniste (pompier en mission, il ne parvient à sauver une enfant lors d’un incendie), Mort Subite met lentement mais immédiatement en place son postulat. L’intrigue débute deux ans après l’introduction, Darren McCord est désormais responsable de la sécurité incendie d’un grand stade de Hockey, qui doit le soir même accueillir un match événement en présence du Vice-Président des Etats-Unis. Rythmé par un décompte annonçant le début de la partie, le réalisateur bascule d’un point de vue à l’autre, dévoilant uns-à-uns les personnages et enjeux d’un récit qu’il dynamise alors moins par l’intensité de son action à proprement parler, que la multiplicité des péripéties, dessinant les premiers contours d’une toile qui va progressivement gagner en relief. On découvre alternativement, un commando de bad guys (assurément caricaturaux et à la psychologie sommaire) déshumanisés, emmenés par un Powers Booth immédiatement crédible, y compris dans sa cruauté gratuite mais aussi les nombreux intermédiaires, intervenants secondaires et bien sûr le héros. Homme lambda en quête de rebond, McCord est prêt à tout pour rendre heureux des enfants dont il n’a plus la garde (on retrouve un goût des valeurs simples et traditionnelles qu’épouse régulièrement Jean-Claude Van Damme au sein de sa filmographie) et va se transformer en sauveur miraculeux par un prisme avant tout intimiste (sauver sa fille). Le script rédigé par Gene Quintano et Karen Elise Baldwin, ne se distingue pas par son originalité intrinsèque (le schéma narratif ne manque pas de rappeler celui de Piège de Cristal reconfiguré à un format plus proche de la série B, le nom McCord renvoie d’ailleurs instinctivement à celui de McClane), reprenant à son compte des archétypes privilégiés par le cinéma d’action américain des années 90. Reste que cette mécanique balisée et peu surprenante dans son déroulé, n’en demeure pas moins efficace. L’exposition étonnamment longue (ce qui n’est pas forcément un mal), prépare le terrain à un spectacle ludique et soutenu sur le plan de l’intensité. Une part de nostalgie vis-à-vis d’un âge d’or révolu du genre n’est certainement pas étrangère au plaisir éprouvé durant le visionnage, cependant, la capacité du réalisateur à crédibiliser, valoriser son matériau et ses atouts, ainsi que l’implication évidente de sa tête d’affiche, ne sont pas à minorer.

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Sans jamais trahir les règles qu’il fixe durant son premier tiers, Peter Hyams prend un malin plaisir à dédoubler les possibilités qui s’offrent à lui. Le cœur de l’action, concentré en un gigantesque huis-clos, se voit régulièrement aéré par des vas-et-vient en direction de l’extérieur, multipliant les sources de dangers, déjouant quelque peu la dimension rectiligne du script. L’intrigue d’abord, lancée au rythme d’un compte-à-rebours affiché à l’écran avant de se caler sur le déroulé du match, jusque dans les prolongations (d’où la mort subite du titre), fonctionne rythmiquement sur une illusion de temps réel, à l’intensité crescendo. À l’efficacité factuelle, s’ajoute un caractère ludique, à travers cet aspect finalement proche d’une diffusion en « multiplexe » d’événements simultanés ne nous laissant au fur et à mesure qu’un enchaînement de climax, épousant alors presque implicitement une forme héritée du sport, tout à fait à propos. De même, si l’aisance de sa star en matière de combats rapprochés n’est plus à démontrer et en aucune façon négligée (il nous offre quelques joyeux moments de castagnes bien brutales), le réalisateur confronte son héros à des cascades plus ouvertement spectaculaires en changeant complètement d’échelle (notamment dans son final aussi jouissif qu’intense). Cette sensation de mise en danger physique vient achever visuellement l’humanisation d’un protagoniste mis en mal dès l’ouverture, que Jean-Claude Van Damme campe avec sobriété et un certain charisme naturel. L’acteur partage avec son metteur en scène un premier degré intransigeant à mettre au crédit du film, y compris lorsque l’ironie guette. On pense notamment à cette première scène de baston en cuisine face à une méchante déguisée en mascotte des Penguins, exploitant les spécificités de ce ring insolite ou encore à ce rebondissement transformant JCVD en joueur de hockey décisif presque par concours de circonstances. L’absence de dérision témoigne moins d’un excès de sérieux, qu’un profond respect pour le genre qu’ils sont en train de servir. Mort Subite s’apprécie en définitive autant pour le divertissement calibré mais soigné qu’il propose, que sa relative modestie à s’inscrire à l’intérieur d’un pan défini du cinéma d’action, en sachant exactement où se situer et sans se rêver plus beau qu’il ne l’est. Une qualité qui lui a peut-être causé du tort en son temps, mais qui paradoxalement facilite à posteriori son bon vieillissement. L’édition s’accompagne de trois suppléments principaux, la deuxième partie de Le Poing sur sa carrière, retraçant la filmographie de Jean-Claude Van Damme, un échange avec Helène Merrick autour du film et enfin un document revenant sur le parcours de Peter Hyams.

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