Jim Sotos – « Sweet Sixteen » et John « Bud » Cardos – « Mutant »

Deux nouveaux titres viennent enrichir la collection dédiée au cinéma fantastique et/ou horrifique des années 70/80/90 des éditions Rimini. Sweet Sixteen et Mutant débarquent simultanément en Juin, ayant pour point commun, outre le fait d’avoir été réalisés à la même période (à un an d’écart), la présence d’un comédien bien connu des amateurs de bis, le formidable Bo Hoskins qui endosse dans les deux films le rôle du shérif local d’une petite ville. Les personnages possèdent par ailleurs des similitudes troublantes, des flics solitaires et célibataires dont la possible petite (ex) amie va les aider dans leur enquête. Ces productions marquées en profondeur par leur époque, la première moitié des années 80, procurent chacun à leur manière, un vrai plaisir de cinéphiles, exploration de deux (sous) genres iconiques, le slasher et le film de morts-vivants.

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Sweet Sixteen de Jim Sotos (1983)

Tous les garçons aiment Mélissa ! Tel pourrait s’intituler Sweet sixteen, slasher séduisant, qui s’appuie sur une intrigue retorse, hors des sentiers battus, plus complexe que prévu, proche du thriller traditionnel mâtiné de wodunit. Il se fraie une brèche dans la veine de Happy Birthday to Me de John Lee Thompson,imprégné d’une atmosphère  morbide et mélancolique. Le film débute par un rêve onirique de Marci, la fille du shérif, à propos d’un livre mystérieux. Une version alternative imposée par les producteurs commençait par une séquence de douche. Heureusement, l’édition présente s’ouvre par celle souhaitée par le réalisateur, entrée en matière qui installe une ambiance inquiétante à défaut d’être explicite, tant sur le plan diégétique que symbolique. Ce prologue, opaque, tranche avec la simplicité du synopsis :  Une jeune collégienne de 15 ans, Mélissa débarque dans une petite bourgade du Texas. Elle affole les garçons du coin, très sensibles à ses charmes. Ses parents ne voient pas d’un bon œil tous ces « mâles » qui tournent autour de leur fille. D’autant que tous ceux qui s’approchent trop près de la jeune fille succombent les uns après les autres de morts violentes.

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Après un rape and revenge assez malsain, Viol sans issue avec Tanya Roberts, Jim Sotos revient à la mise en scène sept ans plus tard avec ce Sweet sixteen qui bénéficie d’un scénario malin, décuplant les fausses pistes et axes narratifs, tiraillé entre malédiction autour de légendes indiennes et psycho killer avec en toile de fond un trauma originel. Cette ambivalence bienvenue, soutenue par un sous-texte social finaud, déroute mais apporte une réelle plus-value à ce jeu de massacre qui comporte évidemment son lot de clichés et ressorts convenus, inhérents au genre. La surprise vient d’une écriture plutôt subtile qui soigne ses personnages ; loin d’être des adolescents prépubère et débiles, obsédés par le sexe et les soirées, ils se révèlent attachants (enfin pas tous), surtout les deux lycéennes, Marcy et Mélissa. Les meurtres s’enchainent timidement, privilégiant les armes blanches en hors champs, ce qui risque de décevoir les aficionados. Cette approche graphique timorée,  est peut-être un choix délibéré tendant vers la sobriété. Elle se trouve compensée par une mise en scène élégante à la photographie soignée, notamment lors des séquences nocturnes, par le chef opérateur James L. Carter (Home Movies de Brian De Palma, Un faux mouvement de Carl Franklin), qui sert une intrigue prenante mais qui, malheureusement, se boucle par une révélation finale convenue et rapidement exécutée.

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Ce climax foiré dans la dernière ligne droite déçoit d’autant plus que Jim Sotos est parvenu à maintenir une tension constante avant de retomber comme un soufflet. Parmi les petites réjouissances, typiques de l’esprit Old School, voir  rétrograde, de l’époque, il n’est pas interdit de s’amuser devant certaines situations cocasses, notamment lorsque la fille du shérif conseille à  son père de trouver une femme pour qu’elle n’ait plus à s’occuper des tâches ménagères. Avant d’hurler à la misogynie, n’oublions pas que ce slasher rural est situé au Texas, peu réputé pour son ouverture d’esprit, quand bien même les autochtones cohabitent à contre cœur avec les indiens sous l’œil vigilant des autorité locales. Sans être révolutionnaire, Sweet Sixteen est un bon petit thriller horrifique qui remplit son contrat, celui de divertir, sans éluder le cadre géopolitique de son histoire. C’est ce petit supplément d’âme qui fait tout le prix du film de Jim Sotos, qui, hélas, ne fera plus grand-chose de marquant par la suite.

Mutant de John Bud Carlos (1984)

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Un an plus tard, en 1984, Bo Hoskins rempile, toujours affublé du même uniforme sudiste avec son chapeau de cow-boy, pour un pur film d’horreur surnaturel qui démarre comme un slasher lambda. Deux frangins, Josh et Mike, se retrouvent coincés dans un bled infesté par des mutants après un accident de voiture. L’arrivée de jeunes gens dans le bar local, peuplé d’autochtones peu coopérants, rend un hommage sincère au Loup-garou de Londres de  John Landis, adroite combinaison d’humour et d’angoisse, plaçant le spectateur du côté de nos jeunes héros mal à l’aise.  Et encore, ils ne sont pas au bout de leur peine même s’ils ne vont pas croiser de lycanthropes.  Après des débuts en tant que cascadeurs mais aussi réalisateur de seconde équipe de La Horde Sauvage, John « Bud » Cardos s’est fait un petit nom au sein du cinéma d’exploitation avec le sympathique L’Horrible invasion et ses mygales hostiles et vénéneuses, et ensuite The Dark, où il remplaça au pied levé Tobe Hooper viré au bout de quelques jours de tournage. On peut le considérer comme un artisan à l’ancienne s’acquittant de ses commandes sans une once de génie mais avec un professionnalisme à toute épreuve. Mutants (Night Shadows) n’échappe pas à la règle. Commencé par Mark Roseman, le réalisateur du formidable The House on Sorority Row, John « Bud » Cardos a repris en main le projet en route, signant une série B récréative, ménageant un suspense bien tenu pendant toute la durée du métrage. La photographie brumeuse, pour les scènes de nuit, rend un joli hommage au cinéma gothique des années 60, assurant ainsi une atmosphère fantastique lugubre.

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Les mutants, sorte de zombis bleutés qui dégagent un liquide jaunâtre de leur peau, se déplacent rapidement, anticipant avec quelques années d’avance, la horde d’infectés qui va inonder les écrans. Certes, leur look a pris un sacré coup de vieux mais ces maquillages un peu cheap à l’ancienne participent au charme désuet de ce film d’horreur écologique, thématique en vogue durant la première moitié des années 80, rappelant notamment le très curieux Impulse de Graham Baker. En prenant en compte les problèmes environnementaux au sein d’une production modeste, John Bud Carlos perpétue une tradition de la série B initiée par Roger Corman des les années 50, divertir tout en faisant réfléchir (à peu de frais) les spectateurs. Évidemment, il s’agit avant tout  d’exploiter un filon potentiellement rentable, d’autant que le scénario demeure nébuleux concernant la contamination des déchets toxiques.  Mutant est au final un  savoureux mélange, relativement bien équilibré, d’horreur, de message politique, d’humour décontracté et de cinéma d’action. Il offre aussi le plaisir de retrouver Wings Hauser dans la peau d’un personnage sympathique, une rareté pour un comédien habitué aux rôles de psychopathes déjantés depuis le génial Vice Squad de Gary Sherman.

Sans atteindre les cimes des meilleurs films édités par Rimini comme Harlequin ou Incubus, Sweet Sixteen et Mutant sont deux petites curiosités estampillées années 80, qui force la sympathie par leur absence de prétention et sortent du lot par leur discours progressiste sous-jacent. Les copies sont très belles mais on notera l’absence de bonus, compensée par la rédaction de livrets enrichissants de Marc Toullec.

 

 

 

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A propos de Emmanuel Le Gagne

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