Après nous avoir régalés des polars Columbia, l’indispensable éditeur anglais Powerhouse démarrent une collection consacrée aux films noirs Universal. Un premier volume qui va en appeler plusieurs autres !

The Web (Michael Gordon, 1947) nous entraîne dans une sombre histoire de meurtre avec un Vincent Price plus trouble que jamais. Après cinq ans d’emprisonnement pour escroquerie, Kroner l’ancien employé de Colby Entreprise est abattu par Regan, avocat d’Andrew Colby qui affirmait avoir été menacé. Mais l’inspecteur Damico reste sceptique, soupçonnant l’avocat d’être surtout complice du meurtre. Entrent alors en scène la fille du mort convaincue de la culpabilité de Regan, et la secrétaire de Colby, sûre du contraire … Un remarquable film d’atmosphère qui compense un scénario plutôt simple par ses qualités d’écriture, son climat et son rythme extrêmement enlevé. Et Ella Raines et Vincent Price sont magnifiques.

Dans Naked Alibi (Jerry Hopper, 1954), le formidable Sterling Hayden est révoqué pour violences policières par sa direction : il a brutalisé un suspect qu’il soupçonne d’être l’auteur d’assassinat de trois de ses collègues. Déterminé à arrêter le présumé le coupable, il passe outre les règles et le poursuit jusqu’au Mexique où il s’est enfuit. Un thriller particulièrement haletant dotée d’une superbe photo, où domine le couple Sterling Hayden Gloria Grahame, deux ans après The big Heat toujours mystérieuse et solaire.

Réalisateur particulièrement prolifique (presque 120 films !) et inégal, Georges Sherman est surtout connu des amateurs de westerns. Pourtant réputé comme plutôt conventionnel, en s’attaquant ici au film noir, il signe avec Larceny peut-être son meilleur film, étonnant par bien des aspects, utilisant les conventions du genre pour mieux les subvertir, y compris dans un sous-texte social assez puissant qui aborde en filigrane la lutte des classes. Et pourtant le sujet semblait a priori répondre aux stéréotypes du thriller de machination – voire même proche de la comédie romantique : un escroc qui se donnait pour mission d’arnaquer une veuve de guerre voulant ériger un mémorial à son mari tombe finalement amoureux d’elle. Or, le script, plein de ressources, est d’une étonnante intelligence porté par une mélancolie prégnante et des enjeux psychologiques aussi subtilement esquissés que flirtant avec le tragique. La violence, ici est bien moins physique que renfermée à l’intérieur des âmes.  Le quatuor Dan Duryea, Joan Caulfied, Shelley Winters et John Payne fait des étincelles. Une perle.

Poursuivons avec un autre joyau : le méconnu Kiss the Blood off My Hands est aussi beau que son titre que l’on pourrait traduire par « Efface le sang sur mes mains par tes baisers ». Connu en France sous le titre Les amants traqués, le film de Norman Foster entremêle thriller et passion maudite mais plus sur le chemin d’une rédemption que d’une perdition à la James M.Cain.  Le film lança la carrière de Burt Lancaster, lui permettant déjà d’incarner un personnage d’une grande complexité, de brute se réfugiant chez une infirmière après avoir tué un tenancier de bar. Elle le cache, lui offre la possibilité d’un travail de chauffeur- livreur de médicaments (dans un contexte d’après guerre où ce sont des denrées rares). La vie nouvelle et l’amour lui laissent entrevoir un nouvelle horizon mais le destin le rattrape. C’est une splendeur amère où l’interprétation lumineuse de Joan Fontaine en ajoute à celle hantée de Lancaster. En moins d’une heure vingt le cinéaste capte à la fois le désespoir des âmes et les traumatismes de l’après guerre.

Réalisé par Joseph M. Newman en 1949, Abandoned aborde un sujet plutôt singulier, puisqu’il évoque la manière dont un reporter vient à l’aide d’une jeune femme dont la sœur a disparu, mêlée à un mystérieux trafic de bébés à vendre. Le déroulement est plus classique que ne le laisse présager son point de départ, mais Abandoned propose un suspense efficace avec pour décor le Los Angeles des années 50 particulièrement bien employé. Il y a des bons et de méchants et dans cette deuxième typologie, on peut dire que, bien avant d’apparaître dans L’homme de fer, Raymond Burr excelle ! Denis O’Keefe et Gales Storm sont également excellents.

Deported (1950) n’est ni le plus réputé, ni le plus connu des Robert Siodmak, et pourtant il mérite amplement d’être redécouvert. Inspirée de la légende Lucky Luciano, filmé en Italie, le film suit le parcours de Vittorio, expulsé vers l’Italie après avoir purgé cinq and en prison aux Etats-Unis. Deported  adopte les archétypes du chemin d’un bandit vers la rédemption, entre sa prise de conscience sociale et ses élans amoureux, ses aspirations à la liberté et sa condition éternelle de prisonnier. Jeff Chandler trimballe sa silhouette monolithique, donnant au personnage un aspect singulier, peu héroïque. Parmi les plus beaux moments de Deported, dans les scènes de rue, Siodmak capte puissamment la misère de la ville. On reconnaît particulièrement sa griffe lorsqu’on cinéma se fait expressionniste et découpe l’architecture et les ombres. Et Siodmak n’est jamais si bon que lorsque son cinéma caresse la nuit.

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0012/3810/6175/products/330_THE_WEB_packshot_72dpi_1000px_1024x1024@2x.jpg?v=1655226232https://cdn.shopify.com/s/files/1/0012/3810/6175/products/331_LARCENY_packshot_72dpi_1000px_1024x1024@2x.jpg?v=1655226232

THE WEB (Michael Gordon, 1947)

  • Commentaire audio de l’historien du cinéma David Del Valle (2022)
  • Entretien d’archives avec Victoria Price (2018) : la fille de Vincent Price en conversation avec Alan K Rode de la Fondation Film Noir suite à une projection de The Web au Arthur Lyons Film Noir Festival
  • Lux Radio Theatre : The Web (1947) : adaptation radiophonique mettant en vedette Ella Raines, Edmond O’Brien et Vincent Price reprenant leurs rôles du film.
  • Skirmish on the Home Front (1944) : court métrage de propagande de la Seconde Guerre mondiale mettant en vedette les piliers du film noir Alan Ladd et William Bendix. 

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0012/3810/6175/products/332_KISS_THE_BLOOD_OFF_MY_HANDS_packshot_72dpi_1000px_1024x1024@2x.jpg?v=1655226232NAKED ALIBI (Jerry Hopper, 1954)

  • Commentaire audio des historiens du cinéma Troy Howarth et de Nathaniel Thompson (2022)
  • Lucy Bolton sur Gloria Grahame (2022) : l’universitaire évoque l’une des grandes femmes fatales du film noir.

LARCENY (George Sherman, 1948)

  • Commentaire audio de l’universitaire et de la commissaire Eloise Ross (2022)
  • Nick Pinkerton sur Dan Duryea (2022) : l’auteur et critique dresse le bilan de la vie et de la carrière de l’acteur.

KISS THE BLOOD OFF MY HANDS (Norman Foster, 1948)

  • Commentaire audio des historiens du cinéma Alexandra Heller-Nicholas et de Josh Nelson (2022)
  • The John Player Lecture with Joan Fontaine (1978): enregistrement audio d’archives de l’actrice en conversation avec le critique de cinéma Martin Shawcross au National Film Theatre de Londres
  • United Action Means Victory (1939) : court métrage documentaire sur la grève de General Motors de 1938-39, avec une voix off écrite par le scénariste de Kiss the Blood Off My Hands, Ben Maddow
  • Bande-annonce

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  • Commentaire audio des écrivains et experts du cinéma Barry Forshaw et Kim Newman (2022)
  • Easy to Get (1947) : court métrage documentaire réalisé Joseph M Newman dans le cadre de la campagne « Easy to Get » de l’armée américaine sur les maladies vénériennes

DEPORTED (Robert Siodmak, 1950)

  • Christina Newland sur Robert Siodmak (2022) : le critique et scénariste revient sur l’important travail du réalisateur dans le film noir
  • Commentaire audio du cinéaste et spécialiste du cinéma Daniel Kremer (2022)

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Galeries d’images : matériel publicitaire et promotionnel. Sous-titres anglais nouveaux et améliorés pour les sourds et malentendants. Livre exclusif de 120 pages en édition limitée avec de nouveaux essais d’Iris Veysey, Jill Blake, Karen Hannsberry, Sabina Stent, Sergio Angelini et Walter Chaw, de nombreux articles d’archives et interviews, de nouvelles écritures sur les différents courts métrages et le générique du film Premières britanniques sur Blu-ray Coffret en édition limitée de 6 000 exemplaires numérotés

 

 

 

 


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A propos de Olivier ROSSIGNOT

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