L’argument de départ est beau et troublant à l’image de l’ouverture : un couple de mariés, positionnés tête en bas, occupe l’écran. Une voix les dirige. Il s’agit du réglage d’une photographie. En 1920, dans l’objectif d’une chambre photographique, l’image est renversée, et Julie entre soudain dans ce champ pour parfaire les derniers détails, la position du voile, la distance entre les époux. Le cliché est pris, et le visage du marié, qui jusqu’à présent avait été vu sous un seul profil, dévoile sous l’autre une défiguration, stigmate d’une guerre qui vient de se terminer en laissant derrière elle blessures, déchirures et deuils impossibles. C’est le cas de Julie Delaunay, qui n’a plus eu de nouvelles de son mari, Julien, depuis sa dernière permission en 1916. Alors que son beau-frère lui annonce envisager de faire rédiger l’acte de décès, Julie, elle, ne peut s’y résoudre : Julien est forcément vivant et l’espoir de le revoir la maintient debout. C’est alors qu’une photographie publiée dans le journal fait s’embraser son fol espoir. Elle écrit au médecin qui a recueilli l’homme, totalement amnésique et sans identité, afin de réclamer son mari.

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La partie qui suit est la plus réussie, avant qu’un rebondissement destiné à complexifier l’intrigue et à l’ancrer encore plus dans le romanesque ne vienne en fait un peu gâcher le trouble que ce qui précède a habilement et poétiquement installé. Alors que Guillaume Bureau oriente son film vers une rivalité féminine, le vrai point fort et beau du film demeure l’instabilité psychologique de Julie, incarnée à fleur de peau par Leïla Bekhti, au moins aussi inquiétante que touchante dans sa certitude – ou son besoin de se convaincre – que l’homme qui est revenu est bel et bien son mari. Julien – ou peut-être Victor – qu’incarne tout en délicatesse Karim Leklou, demeure insondable, peine à se souvenir, à retrouver ses repères, à se sentir proche de ceux qui le revendiquent comme étant des leurs. Le film surprend dans l’insistance que met Julie à le faire se souvenir, imprégnant cette partie de brume, d’intimité et de trouble, à l’instar de cette séquence où elle se rend à l’hôpital où a été recueilli Julien et que le médecin lui demande de passer à côté de lui sans le regarder, sans s’arrêter, de manière à distinguer si quelque chose en lui réagit à son contact.

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Hélas, plus C’est mon homme avance, plus il s’écroule dans une dramaturgie clichée et rétro. La suite fait ainsi office de rupture. Avec l’arrivée de Louise Bourgoin (pourtant si parfaite dans La Montagne), les enjeux changent de direction, les doutes ne se situent plus au même endroit, on a perdu un peu de magie pour continuer à cheminer dans quelque chose de classique et lisse. Reste une photographie vaporeuse qui sied très bien au ton intimiste du film, et une sensibilité qui donne envie de revoir Guillaume Bureau derrière la caméra.

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A propos de Audrey JEAMART

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