La Niña de Fuego est avant tout un film de structures, une construction visant à mettre en exergue la dualité profonde de l’être humain, entre émotion et raison. Si le thème est finalement un classique du cinéma, Carlos Vermut déconstruit la narration pour finalement la reconstruire par superposition de plusieurs histoires qui s’entremêlent, produisant au final un résultat puissant et sans échappatoire.

Barbara (interprétée par Barbara Lennie, que l’on avait déjà pu découvrir dans La piel que habito de Pedro Almodovar), une femme psychologiquement fragile qui tente de mener une vie normale avec son mari. Luis (Luis Bermejo), un père chômeur qui tente de satisfaire les derniers rêves de sa fille malade. Damian (campé par le très impressionnant José Sacristan), un vieil homme en prison qui tente d’oublier certains épisodes de son passé. Trois personnages, trois trajectoires qui vont se percuter pour produire un récit. Car, ici – et c’est clairement la volonté affichée de Carlos Vermut -, l’intrigue n’avance pas seule, ce sont les personnages qui évoluent et la construisent pas à pas. Un récit qui se structure alors autour d’un chantage, de tromperies, de mensonges et d’une certaine dose de souffrance. L’être humain, soumis à ce grand écart permanent entre la raison et l’émotion ou l’instinct (explicité par l’un des personnages lors d’une évocation de la place de corrida en Espagne), est disséqué par la caméra terriblement sobre de Vermut. En effet, ce dernier n’use d’aucun artifice, d’aucun effet spécial, mais s’appuie sur le réel, sur des bars miteux de quartier où les bouteilles sont toujours à moitié vides, sur des maisons de banlieue sans attrait ou sur des appartements à la décoration plus que spartiate. C’est finalement ici l’Espagne tout entière qui est décrite par Carlos Vermut comme une entité en souffrance, à l’image de ses trois personnages.

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Si Carlos Vermut se joue ici d’une narration par trop linéaire ; la déconstruction du récit mène bien à une certaine forme de linéarité, mais elle se survient qu’à la fin du film ; il s’amuse également avec les codes esthétiques. En effet, au milieu de ses images d’une banalité parfois étouffante, l’univers coloré et kitch du shojo (manga dont la cible est constituée par les jeunes adolescentes) fournit comme des respirations par l’entremise de la fille de Luis, Alicia, rêvant au costume de série préférée, Magical Girl Yukiko.

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Auréolé de deux prix lors du Festival de San Sebastian 2014 (Coquille d’Or du Meilleur Film et Coquille d’Argent du Meilleur Réalisateur), La Niña de Fuego (dont le titre a été inspiré par la très belle chanson au titre éponyme de Manolo Escobar) arrive en France pour démontrer, si cela était encore nécessaire, la force et l’intelligence du cinéma espagnol et pour affirmer, encore une fois, que le plus beau thème que peut traiter le cinéma reste, invariablement, l’être humain.

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