Si l’on ne peut que se réjouir du regain d’intérêt exceptionnel dont font l’objet, depuis maintenant plusieurs années, les cinémas bis et d’exploitation – ce phénomène ayant permis la réévaluation d’un nombre incalculable de merveilles et leur retour inespéré sur le marché dans des éditions Blu-Ray prestigieuses et bardées de bonus – force est de constater que toute médaille a son revers. Il n’est en effet plus rare du tout de voir certains films bis largement surévalués, voire mis au même niveau que d’authentiques chefs-d’oeuvres, dans le cadre de leur réédition, quitte à risquer de perdre les consommateurs les moins avertis (on imagine aisément le trouble d’un néophyte découvrant Démons de Lamberto Bava vendu dans le même écrin que Quatre mouches de velours gris de Dario Argento ou encore L’Épée sauvage d’Albert Puyn, déguisé par Carlotta en équivalent méconnu d’Excalibur de John Boorman). Une fois les films et les cinéastes remis à leur juste place, il reste cependant tout à fait possible pour les cinéphiles de profiter de petites oeuvres réalisées par d’honnêtes artisans qui, à défaut d’avoir le génie que certains leur prêtent, demeurent intéressants, à l’image d’un Umberto Lenzi ou – un cran en-dessous – d’un Ruggero Deodato.
Consacré depuis sa mort comme un dieu du cinéma qu’il n’a pourtant jamais été, ce dernier laisse derrière lui une oeuvre peu glorieuse comprenant une vingtaine de films, pour la plupart oubliables mais parmi lesquels le légendaire Cannibal Holocaust (qui lui valût le surnom de « Monsieur Cannibale ») aura suffi à faire sa notoriété. Outre ce long-métrage – à la fois subversif et complaisant, aussi ambigu que les mondos et resté fascinant pour des raisons aussi bonnes que mauvaises – on retiendra le thriller érotique Ondata di piacere (moins connu mais assez intéressant) ainsi que le fraîchement réédité La Maison au fond du parc (La casa sperduta nel parco) (1980) qui, à force de sadisme et de tension palpable, s’impose définitivement comme l’un de ses meilleurs films.

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Voyou et violeur, Alex gagne sa vie en tant que garagiste. Un soir, alors que lui et son collègue se préparent à sortir en discothèque, un jeune couple vient les voir en catastrophe afin d’être dépanné puis les invite, pour les remercier, à la fête organisée dans sa villa. Alex se rend cependant vite compte, une fois sur place, du mépris des convives à leur endroit et dégaine son rasoir, bien décidé à infliger à l’assemblée une nuit de sévices.

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Résolument inspiré par La Dernière maison sur la gauche (1972) de Wes Craven – dont il partage les grandes lignes scénaristiques mais aussi l’acteur principal David Hess – La Maison au fond du parc jouit d’une narration simple mais redoutable (notamment dans la mise en place du long supplice qu’imagine Alex pour ses victimes) mais aussi et surtout de la mise en scène glaçante et sans fioriture de Ruggero Deodato. Huis clos cauchemardesque s’il en est, le film enferme en effet le spectateur – au même titre que les protagonistes – au coeur d’une atmosphère suffocante et viscéralement glauque où l’antihéros que campe David Hess martyrise à cœur joie tous ceux qui l’entourent. Gérant sans faute son ratio scènes de violence/respirations – de même que certains personnages s’avèrent très doués pour souffler le chaud et le froid tout au long du récit – le long-métrage, pas toujours très vraisemblable mais sauvé par l’acuité du regard de Deodato, donne ainsi corps de façon saisissante et sans aucun temps mort au sadisme et à la bestialité dans toute leur horreur, le tout au rythme de la très belle musique – bien souvent en opposition totale à ce qui se déroule à l’écran – composée par Riz Ortolani.
Descente lente et irrespirable au cœur de la cruauté humaine réunissant Giovanni Lombardo Radice (Pulsions cannibales), Lorraine De Selle (Cannibal Ferox), Christian Borromeo (Ténèbres) et Annie Belle (Horrible) autour de David Hess, La Maison au fond du parc témoigne de l’efficacité de la mise en scène d’un cinéaste certes mineur mais capable d’offrir un spectacle bis réussi… et au climax explosif !
Disponible en Blu-Ray chez Le Chat Qui Fume
BONUS:
• Dans la maison avec des interviews du réalisateur Ruggero Deodato, du directeur de la photographie Sergio d’Offizi, du décorateur Antonello Geleng et de l’acteur Giovanni Lombardo Radice (1h28)
• Film annonce

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