Jérôme Wybon : « Le cinéma français des années 70 est imprégné de l’air du temps, des changements sociétaux, des luttes sociales de l’époque »

Alors qu’une première salve de 6 films est déjà sortie, nous nous sommes entretenus avec Jérôme Wybon, l’instigateur cette nouvelle collection « Nos années 70 » éditée par StudioCanal qui nous permet de (re)découvrir quelques perles méprisées ou oubliées, issues d’une époque où le cinéma français pouvait se targuer d’être libertaire.

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0537/7366/4446/products/Jet_aime_MoiNonPlusfrontcover_1024x1024@2x.jpg?v=1661512546Tu pourrais me parler de la genèse de cette collection ?  L’idée était de toi ?
Oui, j’ai soumis l’idée aux équipes de Studiocanal qui ont cru tout de suite au projet. L’idée était de proposer des films tous inédits en blu-ray, et même parfois en dvd et d’offrir un large panorama de films, dans tous les genres. Comme le catalogue de Studiocanal est l’un des plus riches, des plus variés en France et même en Europe, c’était assez facile, même s’il fallait bien sûr vérifier au préalable si du matériel HD existait.
Un travail important avait déjà été fait sur des cinéastes majeurs des années 70 avec des coffrets sur Costa-Gavras, François Truffaut, Claude Sautet ou récemment Bertrand Tavernier, mais il y avait tous ces autres réalisateurs, parfois auteurs d’un grand film, La Vieille fille par exemple de Jean-Pierre Blanc.
Et il y avait aussi des films moins connus de Trintignant ou Girardot qui semblaient cantonnés à des éditions dvd datant parfois de deux décennies et qui n’avaient jamais été éditorialisés.

Il existe plusieurs cinémas français des années 70s. Pourrais-tu me dire lequel nous intéresse ici tout particulièrement ?
Celui où la liberté de ton est la plus grande mais cela peut convenir à quasiment toute la production des années 70. Rappelons-nous que la Gaumont a produit une comédie sur le milieu du Porno avec Pierre Richard en vedette. Qu’Alain Poiré, grand producteur de la Gaumont ait produit ce film On aura tout vu en dit beaucoup sur la liberté de ton de l’époque. Le cinéma français de cette décennie est imprégné de l’air du temps, des changements sociétaux, des luttes sociales de l’époque. Cela transparaît dans beaucoup de films qu’ils soient des comédies ou des polars.

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0537/7366/4446/products/JeSaisRienmaisJediraiToutfrontcover_1024x1024@2x.jpg?v=1661515083Est-ce venu d’un amour personnel pour certains films que tu aurais aimé voir dans de belles éditions ?
Dans la première vague, il y a par exemple Je sais rien mais je dirai tout, troisième film de Pierre Richard. Je savais depuis quelques années qu’il existait un long Making of sur le film, mais aussi des scènes coupées. Et comme le dvd sorti il y a vingt ans n’avait rien à offrir au niveau éditorial, il y avait la possibilité de proposer toutes ces archives inédites.

Y-a-t-il des cinéastes oubliés ou méprisés que tu rêvais de remettre en lumière ? Lesquels ?
Il y a en plusieurs comme Alain Jessua ou Jean-Pierre Blanc, mais ce sont surtout les films un peu oubliés de certains cinéastes majeurs, comme Dites-lui que je l’aime de Claude Miller ou Le Secret de Robert Enrico. Ces films n’ont pas toujours été bien reçus à leur sortie, pour des raisons diverses, mais ils sont passionnants à revoir, comme des chaînons manquants d’une œuvre.

Justement, à ton avis cette collection peut toucher quel(s) type(s) de public ?
Je pense que cela touche à la fois ceux qui veulent ces films en Blu-Ray après une première édition dvd déjà ancienne, et surtout découvrir des films emblématiques de cette époque, parfois moins connus mais avec des castings séduisants. Et je pense que le prix de ces blu-ray peut permettre de franchir le pas vers un film moins connu au départ et qui suscite une certaine curiosité, comme bientôt L’Ordinateur des pompes funèbres, jamais sorti en dvd.

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0537/7366/4446/products/Calmosfrontcover_1024x1024@2x.jpg?v=1661515211D’un point de vue suppléments, quels sont tes choix, tes directions ?
L’angle que j’ai choisi est de privilégier les archives, comme un voyage dans le passé, que ce soit un reportage sur le tournage, une interview d’époque, tout en évitant les moments où les acteurs présentent leur personnage et le sujet du film. Ça n’aurait pas de sens aujourd’hui de montrer ça.
Et puis je présente chaque film pour justement les remettre dans le contexte de leur sortie et apporter des informations sur leur pérennité dans le cinéma français, quelle trace ils ont laissé, ce que ne permet évidemment pas l’archive. Le but est d’être à la fois léger et informatif. Et il y a aussi le plaisir de retrouver ces comédiens, de les entendre parler de cinéma.

Est-ce qu’on peut parler de désir de réhabilitation ? Par exemple souvent de films du dimanche soir désignés à tort comme du cinéma à Papa ? Cela me paraît par exemple évident avec quelqu’un comme Pierre Richard, dont on méconnaît finalement encore trop le caractère mélancolique ou subversif.
Oui, il y a de ça. Car ces films du « dimanche soir » qui sont surtout présentés comme des divertissements racontent aussi beaucoup de la société française des années 70. Et pour Pierre Richard, ses films comme réalisateur sont aussi très engagés politiquement. Dans Je sais rien mais je dirai tout, il s’attaque aux grandes sociétés qui fabriquent des armes, et dans ses précédents films, il dénonçait la publicité ou les jeux télés.

https://cdn.shopify.com/s/files/1/0537/7366/4446/products/Dites-LuiQueJel_aimefrontcover_1024x1024@2x.jpg?v=1661515633Entre Pierre Richard, Alain Jessua, Serge Gainsbourg, Bertrand Blier, Joël Séria, c’est très éclectique. Y-a-t-il selon toi un fil rouge, quelque chose qui les relie entre eux ?
Le fil rouge est sans doute lié aux changements sociétaux de l’époque post 68, une liberté de ton  que l’on retrouve presque toujours dans les films de la collection. Après, il y a bien sûr des comédiens et comédiennes que l’on va retrouver à plusieurs reprises comme Jean-Louis Trintignant, Annie Girardot, Alain Delon, mais dans des rôles très différents à chaque fois.

Quel est la différence éditoriale par rapport à un éditeur comme Coin de Mire ? A moins que ce soit une ligne assez proche ?
Coin de mire a une ligne éditoriale très ancrée dans la nostalgie il me semble, avec cette volonté de recréer des séances de cinéma des années 50 ou 60. Alors qu’il n’y a pas de nostalgie dans la collection « Nos Années 70 », ou alors pas consciemment de ma part. Je ne suis pas du tout dans cette idée du « c’était mieux avant », pas du tout… D’ailleurs,  il y a de très mauvais films faits dans les années 70, ils ne sont juste pas dans cette collection.
Il y a ici une volonté de découverte ou de redécouverte de ces films, avec toujours la mise en avant dans les bonus des comédiens, des comédiennes et du réalisateur via des archives.  Et cela passe aussi dans la mise en avant des bonus via la présentation que je fais des films.
Je pense que la ligne éditoriale se rapproche davantage de la collection dite « blanche » de Gaumont que j’adore.

Y-a-t-il des films que tu rêves de sortir ?
Certains le sont déjà dans la collection : La Vieille fille, Calmos..
Et puis Mado de Claude Sautet, mais il est chez un autre ayant droit.

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