Paolo Bacigalupi – "Ferrailleurs des mers"

Bacigalupi avait fait une entrée tonitruante sur la scène de la SF avec un premier roman époustouflant, La fille automate, raflant autant les prix que le coeur des admirateurs ; un vrai beau récit dense, fouillé, élégant et enlevé, quelques 450 pages de cyber-punk bien serrées à s’envoyer en quelques jours derrière la cravate.
Alors quand le second arrive, on trépigne, on s’excite. Attente…

Ferrailleurs des mers est présenté comme un roman jeunesse, c’est bien le cas, et peut-être même trop. Loin d’être un défaut en soi, un roman pour la jeunesse peut achopper à l’endroit du pour. Ecrire pour présente le risque de rester trop près de l’objet – ou de la cible – pour lequel on écrit, et d’en rester à l’image – figée – qu’on en a initialement. De là le sentiment d’un récit mécanique, statique, trop ancré dans sa problématique (quand La fille automate avait une vraie belle ampleur).
Ferrailleurs des mers reprend de façon un peu caricaturale les éléments "type" du roman pour ados : fuite de l’autorité, affirmation de soi, naissance des sentiments, quête de l’identité. Ils s’organisent autour du personnage de Nailer. Ce jeune ferrailleur récupère des câbles de cuivre dans les tankers rouillés de l’ancien monde, pour qu’ils soient revendus à des sociétés très puissantes. Vie de misère et de travail où le Destin fait office de divinité. L’échouage au terme d’une tempête formidable d’un clipper, le bâteau ultra-moderne des "rupins", non loin de son camp va changer sa vie. Epris de liberté (fuir son père violent, l’autorité des chefs du ferraillage), Nailer va donc embarquer pour de nouvelles aventures, au cours desquelles il devra s’extraire du joug de son père violent, de celui des chefs du ferraillage, du gouffre qui oppose les pauvres comme lui et les rupins des sociétés.

Ferrailleurs des mers n’est pas désagréable à suivre, loin de là. L’univers est plutôt chouette, mélange de cyberpunk (côté bricolo de la récup et ultra-technologie des clippers) et de génétique (les mi-bêtes : des brutes mi-hommes mi-chiens qui servent de gardes du corps). On se balade le long de la côte du golfe du Mexique et non loin des ruines de La Nouvelle Orléans, l’occasion de donner une dimension écolo au bouquin en évoquant les catastrophes (ouragan, marée noire) qui ont touché cette région.
Si les lieux sont bien brossés, Ferrailleurs des mers met en scène une galerie de personnages secondaires "haut en couleurs". Des personnages un peu convenus, malheureusement, d’autant que Nailer est omniprésent. Comme si Bacigalupi avait construit son livre à partir de problématiques "ados", incarnées en Nailer et à partir duquel toute l’intrigue était à construire, dans un univers finalement pas si éloigné de celui de La fille automate. Là le côté mécanique : les situations et personnages secondaires s’agencent en fonction de l’évolution que le personnage doit vivre, de ce qu’il doit expérimenter, penser. C’est un peu trop "voulu", Bacigalupi semble un peu trop plongé dans son roman pour en sortir quelque chose d’aussi ample que son précédent ouvrage.

Dommage, une narration un peu plus distante, un léger voile d’incertitude lui aurait très certainement profité. On pourra tout de même, au plaisir de suivre l’histoire entamée, se plonger dans la suite, Les cités englouties, qui paraîtra prochainement.

Ferrailleurs des mers
Paolo Bacigalupi
Au Diable Vauvert

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