Créatures de rêve

Ce film d’animation en stop motion signé Takahide Hori est un enchantement à tous les étages et une réussite majeure dans le domaine de l’animation en volume, qui plus est fruit du travail d’un seul homme, un décorateur d’intérieur japonais de 43 ans, qui livre ici la version long-métrage du court qu’il avait présenté en 2017. Que d’heures de manipulation et de bricolage il lui aura fallu pour donner naissance à ce bijou d’une inventivité, d’une drôlerie et d’une poésie rares.

L’histoire du film est très simple, presque un point de départ plus prétexte à la déambulation qui va suivre qu’un réel enjeu. Dans un futur post-apocalyptique, les progrès de la génétique ont donné accès à l’immortalité, mais il n’y a plus de procréation. Les humains ont chargé leurs clones des tâches dangereuses, mais ces derniers se sont rebellés et sont partis vivre dans les profondeurs souterraines, là où sont également apparues des créatures artificielles féroces. C’est pourtant là qu’est envoyé en mission un humanoïde, dans le but de récolter des informations sur la vie d’en bas et aider à la survie de son espèce. Tout le film mettra en images les pérégrinations de « Junk Head », les rencontres qu’il fera, tantôt enrichissantes, tantôt redoutablement dangereuses.

Tracer sa route et sauver sa peau, l’argument semble sur le papier réducteur, mais il faut voir avec quel souffle et quelle imagination débridée Takahide Hori érige le tout ! Créer seul dans son studio ces décors incroyables, d’inspiration industrielle, riches d’un tel souci du détail, donner vie à cette galerie de personnages à l’hyper expressivité bluffante, inventer toutes ces créatures magnifiques que n’auraient pas renié Giger ou Rob Bottin et animer le tout de manière trépidante : la prouesse est impressionnante et le film, en plus de captiver, possède cette qualité devenue rare d’insuffler de la magie dans la vie. Le temps d’une projection, nous étions tels ces spectateurs des films de Ray Harryhausen, de Jim Henson, comme si on n’avait jamais rien vu d’autre au cinéma et que tout concourait à provoquer en nous cette émotion sublime : l’émerveillement.

Copyright UFO Distribution

Autre idée géniale : les personnages parlent dans une langue totalement inventée, avec des variations que l’on suppose être des dialectes ou des accents, sortes de borborygmes amusants, et heureusement sous-titrés en une langue compréhensible ! Un procédé que l’on aurait pu supposer lassant sur la durée, mais qui se fait ici complètement oublier, et qui ajoute encore au charme du film.

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Suite à la forte impression suscitée par le court-métrage de Hori puis par l’indisponibilité mystère du long jusqu’à ce nouveau montage et cette présentation à L’Étrange Festival dans la catégorie Nouveaux Talents, ouvrant la voie à une véritable distribution pour cette pépite, Junk Head a su susciter l’attente dans le monde de l’animation SF, et même de la SF tout court. Les gros studios peuvent aller se rhabiller, la détermination et le talent d’un seul homme sont capables d’offrir l’une des plus belles propositions du genre vue depuis longtemps. Fabuleux.

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A propos de Audrey JEAMART

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