Suite à sa chute depuis les Twin Towers, Kong git dans le coma depuis dix ans. Des scientifiques tentent une transplantation cardiaque. et la découverte de son alter ego féminin ravive les espoirs de lui redonner vie via une transfusion – mais un militaire borné va tout faire dérailler.

King Kong version 1976 a été un succès planétaire. Malgré les critiques, les rumeurs, le mauvais fonctionnement du singe géant fabriqué par Carlo Rambaldi… le film devient au fil du temps un classique. Un peu tard, Dino de Laurentiis met en chantier la séquelle suite de la recapitalisation de sa société nommée DEG (Dino de Laurentiis Entertainment Group). Il scelle un accord avec Embassy, d’où émergeront des films comme Cat’s Eye, Blue Velvet, Trick or Treat … des films au cout médian, recoupant tout juste leur cout initial. Mais également des échecs patents comme Le Sixième Sens, Aux Frontières de l’Aube ou Maximum Overdrive.

King Kong Lives (ou King Kong II en France) possède un coût évalué à 18 millions de $. De Laurentiis tente de rappeler Jeff Bridges et Jessica Lange pour la reprise de leurs rôles, ce qu’ils déclinèrent. Le valeureux John Guillermin reste de la partie et tente de redorer sa carrière, lui qui vient d’essuyer les échecs répétés de M. Patman, Sheena et sa sortie du tournage de Sahara. Ronald Shusett, un des hommes derrière la production exécutive et du scénario d’Alien, s’occupe de l’écriture.

Capture écran © Umbrella Entertainment

Le tournage démarra le 31 mars 1986 sur plusieurs sites dans le Tennessee et en Caroline du Nord, pour achever le 30 juin suivant – suivi de 4 mois supplémentaires pour les miniatures, et la post production intensive cette fois sur Los Angeles.
La gestation sera délicate. Le travail colossal sur les décors et les miniatures vont rendre le temps de tournage difficile. Pas moins de 1750 arbres ont du être créés, par exemple, pour tenter de paraitre à l’identique pour les scènes dans la foret. Mobilisant une équipe de 50 personnes, à raison de 14 heures de travail par arbre. Mais les équipes d’effets spéciaux et autre tournage vont quelque peu s’embourber. John Guillermin, qui perdit son fils lors du tournage de Sheena, ne s’en remit jamais vraiment. Entrecoupé de moments de colère envers les équipes et disparaissant du plateau en plein jour,  il quitta le tournage avant la fin et le film fut terminé à la hâte par Charles McCracken, un documentariste inexpérimenté de 21 ans. Beaucoup se distancèrent du projet peu après, dont Linda Hamilton, alors qu’elle accepta pensant suivre la même trajectoire que Jessica Lange.

Objet de ridicule dès sa campagne de publicité, le film rencontre un énorme échec aux USA dès sa sortie américaine le 19 décembre 1986. Et en France le 8 avril 1987, où il termina avec 190 900 tickets vendus, au gré d’une campagne publicitaire dont même le distributeur ne croyait pas.

… sauf en Russie où il fut le plus gros succès étranger en 1988/1989. Contrairement à la croyance populaire, le film rapporta au final presque 4 fois sa mise initiale après son exploitation mondiale. Mais les couts astronomiques dépensés pour la campagne publicitaire, plus les gigantesques pertes engendrées par Tai-Pan précipitèrent DEG vers la banqueroute.

Capture écran © Umbrella Entertainment

Il est de bon ton de se moquer de films malades, et celui-ci en est un. Cible facile, que cela fusse justifié ou non. Aisé de tirer sur un cadavre déjà à terre, et la facilité de faire des bons mots et des punchlines pachydermiques ont donné de la joie de vivre à beaucoup de critiques (et d’autres). Il y a toutefois bien pire comme insulte à l’intelligence humaine. Voire des choses comme Gameka et les 3 Super Women, Taxi 2 ou encore Shark Exorcist et ça permet de relativiser.

38 ans après, qu’en reste-t-il?

King Kong II est… fun! C’en comme cela qu’il faut l’aborder. Bourré de défauts, mais fun.

D’un côté, des aberrations scénaristiques et des lignes de dialogues parfaitement risibles. Des scènes parfois hors sol, comme les 4 chasseurs bouseux armés de fusil et de dynamite face à un gorille géant haut comme un immeuble – et qui partent la fleur au fusil, sans sourciller. Kong et sa compagne qui batifolent quelques jours ensemble et hop, elle tombe enceinte (et non seulement cela, mais elle accouche aussi sec). De telles facilités, le scénario en regorge. Il existe bien une tentative de rendre en miroir la romance entre les deux singes géants et celle de Brian Kerwin/Linda Hamilton, mais cela ne fonctionne pas vraiment. Des éléments de comédie parasitent le récit alternant avec un ton dramatique, ne parvenant jamais à trouver l’équilibre. Un manque de cohérence évident qui plombe le tout. Libre ensuite à chacun.e d’en rire – ou pas.

Capture écran © Umbrella Entertainment

De l’autre, le travail remarquable des acteurs. John Guillermin, en dehors de son savoir-faire de mettre en scène d’amples éléments de batailles et poursuites, est un vrai directeur d’acteurs. Remarquable dans le sens où il faut une vraie dose de professionnalisme pour jouer devant un écran bleu et habiter un rôle dans un film à propos de deux singes géants qui fuient des militaires. Je dis cela sans second degré. Tout le travail de rendre crédible un personnage dans des situations absurdes, les films de genres en offrent toutes les semaines. Donc bravo à Linda Hamilton, en scientifique chevronnée et non pas en simple objet sexuel bestial – exit Fay Wray et Jessica Lange- , et Brian Kerwin.

Ensuite, aussi vilipendé et ridiculisé que le film fut, il n’en reste pas moins un spectacle d’aventures où on ne s’ennuie quasiment jamais. Le scénario recycle l’opposition Kong contre la civilisation, cette fois-ci en pleine nature au lieu du milieu urbain. Des séquences spectaculaires que même toute la mauvaise foi du monde ne peuvent masquer sur l’écran. Guillermin est un maître en organisation du chaos. Une gestion impeccable des scènes d’action, un flair pour l’action large. Avec des marques stylistiques bien spécifiques. Comme l’élaboration de mouvements de caméra complexes, avec une multitude de détails : partant d’un point à priori anodin pour terminer dans un cadre vaste. Voir le plan initial du générique de début, celui des hélicoptères à la poursuite des singes géants ou celui de Lady Kong enchainée dans le dépot, entre autres. Certes, il y a un moindre sens du grandiose que dans le précédent opus. Une violence plus visible, aussi : on y voit Kong manger un humain, pour la première fois, et un autre brisé en deux.

J’aime King Kong II pour à peu près pour les mêmes raisons que d’autres l’oblitèrent. Il a gagné ses galons de film culte auprès de certains. Il n’est toutefois pas la perle rare attendue. Et non plus l’horreur de fond de cuvette dont beaucoup l’auront relégué. Il s’agit juste un film d’aventures au budget surgonflé, au ton de série B, destiné aux amateurs de films de monstres géants et de destruction massive.

Curieux, aussi, de constater que le film ne soit disponible qu’en Australie en format Blu Ray. il est arrivé en 2022 dans la collection Beyond Genres chez Umbrella. Au format 2.39:1, d’une durée complète de 104mn55.
La couverture du Blu Ray offre 3 pages racontant le making of du film – faisant plus office de dossier de presse promotionnel qu’autre chose. A noter qu’il existe une version collector, avec en plus 6 cartes postales et un poster réversible – mais en direct seulement sur le site de l’éditeur.

Au niveau visuel, le passage en HD appuie sur les défauts inhérents aux effets spéciaux (voir plus bas à ce sujet). Certains incrustations passent mal, pendant que les plans avec miniatures révèlent un sens épatant du détail accordé à l’ensemble! Il demeure évident que le travail sur les maquettes ont bénéficié d’un savoir faire et d’une patience accrue, c’est criant sur cette copie. La tonalité est globalement sombre, mais certains niveaux de noir se distinguent aisément.

Il faudra être à 100% anglophone pour profiter de cette édition indiquée zonée B mais qui s’avère en fait toutes zones. De plus le film bénéficie de sous-titres anglais. Une piste audio DTS HA MA 5.1 offrant un rendu parfois puissant sur les scènes d’actions (parfois sur peu étouffé sur les canaux surround) et très limpides pendant les scènes intimistes. La partition tonitruante de John Scott survole aisément le mixage. Il existe aussi une piste 2.0, correspondant au mixage Dolby Stéréo initial. Possibilité d’ajouter des sous-titres anglais sur le film, une option qui s’avère absente de tous les suppléments présents.

Un segment fascinant: celui avec David M. Jones (anglais non sous-titré), le superviseur des effets de miniatures qui a travaillé sur le film. En ce qui concerne les effets spéciaux. il apporte une lumière particulière, directe sur ce qui s’est réellement passé. Et pourquoi les effets visuels semblent aussi disparates Des effets mécaniques splendides qui alternent avec des miniatures médiocres et des perspectives parfois ratées. Cela tient d’abord du mode opératoire: les artisans des miniatures proposant leur travail afin que le département de création des décors puisse se mettre en ordre de marche, entre autres. Puis une mésentente criante entre les différentes équipes chargées de développer les effets, venant de 3 pays différents, l’incompréhension des langages parlés. Egalement, les attentes de chacun qui se sont avérées inadéquates. rarement on aura pu entendre un témoignage comme celui-ci.
Selon Jones, le budget était au final relativement bas par rapport aux produits Hollywoodiens de l’époque. le fait de tourner dans les studios DEG en Caroline du Nord permis certes d’économiser sur l’argent dépensé et les heures de travail cumulées (pas de syndicats, etc.) mais empêcha nombre de plans imparfaits à être re-tournés. Le temps de développer les rushes, de les envoyer aux bureaux de la production à New York puis de livrer une réponse… trop de temps se passait, et donc certains décors ou modèles étaient détruits afin de passer à autre chose, le planning serré demandant à être respecté à la lettre. Le tournage se termina d’ailleurs avec 4 jours d’avance sur ce qui était prévu.

Ensuite, le documentaire John Guillermin Lives (anglais non sous-titré) sur le réalisateur John Guillermin, de ses premiers pas jusqu’à l’aube de sa carrière qui se termina sur une série d’échecs dont il ne se relèvera pas. Peu de gens le savent, mais Guillermin était français – et se fit naturaliser anglais par la suite. De son travail de documentariste qui influença ses oeuvres, pour un homme qui survola ensuite les années 70 dans des genres aussi différents que la blaxploitation, le film catastrophe (le très bon Alerte à la Bombe et La Tour Infernale), King Kong puis une adaptation réussie de Mort sur le Nil d’après Agatha Christie. Ce segment est un moment passionnant sur un réalisateur au final dont peu connaissent le parcours et alors que son travail et le style restent méconnus.

Pour les anglophiles les plus aguerris, il existe également un commentaire audio (non sous-titré) par Roy Morton, auteur du très riche livre King Kong: The History of a Movie Icon (sorti en 2005) qui offre contextualisation et anecdotes. A ce jour, il s’agit du supplément le plus complet sur la genèse du long-métrage, des problèmes rencontrés, avec une somme d’éléments assez incroyable sur les personnes impliquées – de pourquoi Dino De Laurentiis a renoncé à produire King Kong Lives (il est producteur exécutif ici, préférant gérer le studio) et de déléguer la production à Martha Schumacher. Le commentaire ne suit pas forcément le film à chaque plan mais offre une perspective sur la création de son univers. Très recommandé.

La partie bonus se complète d’une galerie d’images & posters, avec le teaser original qui faisait déjà sentir que quelque chose n’allait pas.

En conclusion: il faut réhabiliter King Kong Lives. 

Bonus :

Commentaire audio de Roy Morton (anglais non sous-titré)
John Guillermin Lives  – documentaire sur John Guillermin par Steven Vagg (29mn56 / anglais non sous-titré)
A fresh viewpoint avec David M. Jones, superviseur des miniatures (11mn36 / anglais non sous-titré)s
Teaser original (0mn49) anglais non sous-titré
Galerie d’images (7mn32)

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A propos de Francis BARBIER-MARTINS

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