FID Marseille 2025 : Penser l’image, habiter le monde
Le FID (Festival International de Documentaire) de Marseille, dans sa 36e édition, confirme plus que jamais sa vocation à bousculer les formes et à explorer les devenirs possibles du cinéma documentaire contemporain. Fidèle à son ancrage dans la pensée et la création engagée, le FID 2025 propose une programmation à la fois éclectique, dense et poétique, où le politique s’exprime autant dans les gestes formels que dans les engagements thématiques. Les sélections sont présentées dans les cinémas de Marseille : Les Variétés, L’Artplexe, La Baleine, Vidéodrome 2 et en itinérance en Arles et Avignon.
Cette année encore, le festival s’affirme comme un espace critique de circulation des idées, des luttes et des mémoires. Films courts ou longs, essais hybrides, récits intimes ou paraboles collectives interrogent notre rapport au territoire, au langage, à l’histoire. Le documentaire s’y décline dans toute son amplitude : du cinéma performatif aux fictions expérimentales, du film d’archive aux installations sonores.
© Wendelien van Oldenborgh
Une programmation traversée par les luttes, les corps, les voix
Le FID 2025 se distingue par l’attention portée aux récits minorés et aux existences liminales. Le politique n’y est jamais traité comme une posture mais comme une matière vivante, incarnée, souvent fragile : dans Katasumbika Coltan de Petna Ndaliko Katondolo, les résonances du passé colonial infusent le présent post-extractiviste congolais. Dans Bulakna de Leonor Noivo, les trajectoires croisées de deux femmes philippines interrogent les logiques migratoires postcoloniales. Le film Conference of the Birds d’Amin Motallebzadeh propose une allégorie du chaos à partir du football, tandis que Alarm Notes de Rita Azevedo Gomes ressuscite la figure oubliée de Ludwig Koch, pionnier du son, réfugié et résistant.
© Lucas Parente
L’intime et l’imaginaire, territoires de cinéma
Nombre de films articulent un dialogue subtil entre autobiographie, imaginaire, et mémoire. Dans Esa Otra Selva Blanca de Teresa Arredondo, le deuil d’un père s’entrelace avec l’enfance et la transmission. Revelations of Divine Love de Caroline Golum détourne les codes du film historique pour dessiner un portrait queer et hallucinatoire de la mystique Julian of Norwich. Miraculous Accident d’Assaf Gruber évoque le destin d’un étudiant marocain dans la Pologne communiste à travers une lettre retrouvée, entre amour interdit et tragédie politique.
© Radu Jude
Les formes, entre radicalité et douceur
L’expérimentation esthétique traverse l’ensemble de la sélection. De End Pull d’Andrius Arutiunian, lent zoom contemplatif inspiré de Michael Snow, à Cobre de Nicolás Pereda, thriller minier minimaliste, les films jouent sur les seuils de perception, souvent en flirtant avec la fiction. Action Item de Paula Ďurinová convoque image et écoute pour penser le burn-out comme phénomène collectif, tandis que Cold Metal de Clemente Castor nous entraîne dans une errance souterraine sensorielle. Quant à Fuck the Polis de Rita Azevedo Gomes, il invite à une flânerie politique et sensuelle à travers la Grèce.
© Camilo Restrepo, Jorge Caballero
Une mosaïque de sélections pour penser autrement le monde
Le FID se distingue par la richesse de ses sélections, qui interrogent autant qu’elles proposent.
En Compétition Internationale, les œuvres présentées, citées plus haut, explorent des états de crise ou de flottement à travers des formes inventives et des récits poétiques.
La Compétition Française met à l’honneur une production locale qui n’a rien à envier à la scène internationale en termes d’audace.
La Compétition Premier Film, souvent la plus vibrante, révèle les gestes inauguraux de jeunes cinéastes qui déplacent les frontières du récit documentaire.
La Compétition Flash, plus courte et incisive, explore le format resserré de films qui interrogent la mémoire historique à travers des dispositifs formels radicaux.
© Viera Čákanyová
Présentations parallèles : le monde dans tous ses états
Avec la section Parallèle FIDCampus, le festival soutient la création étudiante issue de grandes écoles internationales. Quant à Doc Alliance ou Écrans parallèles, elles rassemblent des films parfois inclassables, aux écritures singulières, où se croisent performance, politique, recherche plastique et archives.
La section Écrans d’Afriques propose quant à elle un éclairage précieux sur les cinémas du continent africain, à travers des récits ancrés dans l’histoire postcoloniale et les résistances présentes.
Enfin, la sélection Hors Compétition permet d’accueillir des propositions inclassables ou expérimentales.
Masterclasses, discussions, croisements critiques
Autour des films, le FID 2025 déploie une programmation intellectuelle foisonnante : masterclasses, lectures-performances, tables rondes sur la création sonore, l’archive, les formes collectives de narration ou la place du regard dans les zones de conflit. Ces rencontres croisent artistes, universitaires, activistes et penseurs pour inventer, avec le public, des manières nouvelles de raconter le monde.
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