Fuck the Polis de Rita Azevedo Gomes : contre-chant solaire au désenchantement
Avec Fuck the Polis, Rita Azevedo Gomes poursuit son geste cinématographique inclassable, quelque part entre le théâtre de chambre, le journal de bord poétique et le voyage initiatique. Vingt ans après un premier périple qu’elle croyait alors ultime, Irma revient en Grèce — non plus seule, mais accompagnée de trois jeunes hommes. Ensemble, ils traversent les îles, en un mouvement lent et lumineux, porté par une quête discrète : celle de la beauté, de la clarté, peut-être aussi de la transmission.
© Rita Azevedo Gomes
Le titre, faussement provocateur, détourne le cri politique contemporain pour mieux interroger les ruines intérieures. Il s’agit moins ici de hurler contre l’ordre établi que de s’éloigner, d’habiter les marges, de se réapproprier la langue et la lumière. Car si « polis » signifie bien la cité, le politique, il renvoie aussi à une manière d’être ensemble, que le film déconstruit doucement, par la grâce de la parole, des silences et des paysages.
La caméra, fluide, capte les corps au repos, les lectures échangées à l’ombre des figuiers, les bribes de dialogues philosophiques sur la vérité, la finitude, l’art de vieillir ou de recommencer. Ce n’est pas un film de confrontation, mais un film d’écart : un film qui laisse advenir, qui ouvre un espace de respiration où les générations se croisent, non dans le conflit, mais dans la poésie du quotidien.
On pense à Voyage à Cythère de Theo Angelopoulos ou à Les Plages d’Agnès de Varda, pour cette manière qu’a Gomes de faire dialoguer mémoire et présent, vécu intime et horizon mythologique. L’île grecque devient ici lieu de déliaison autant que d’initiation, où chacun des jeunes compagnons d’Irma semble chercher (ou fuir) quelque chose d’indicible. Le voyage, sans but clair, devient une forme de rituel solaire : lire, écouter, marcher, regarder.
© Rita Azevedo Gomes
Fuck the Polis est un film rare, épuré, presque musical. Sa puissance réside dans ce qu’il ne dit pas, dans les regards portés sur la mer, les fragments de textes lus à haute voix, et cette sensation fugace d’être en suspens, entre deux temps, deux âges, deux formes de présence au monde. Rita Azevedo Gomes signe une œuvre de désenchantement doux, qui trouve dans la lumière grecque une résistance tranquille à la brutalité du réel. Une fugue existentielle, douce et lumineuse.
© Tous droits réservés. Culturopoing.com est un site intégralement bénévole (Association de loi 1901) et respecte les droits d’auteur, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos visibles sur le site ne sont là qu’à titre illustratif, non dans un but d’exploitation commerciale et ne sont pas la propriété de Culturopoing. Néanmoins, si une photographie avait malgré tout échappé à notre contrôle, elle sera de fait enlevée immédiatement. Nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur – anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe.
Merci de contacter Bruno Piszczorowicz (lebornu@hotmail.com) ou Olivier Rossignot (culturopoingcinema@gmail.com).