Se réapproprier le mythe du super-héros en 2015 est une gageure d’autant plus farfelue lorsqu’on l’attaque avec l’idée de ne pas avoir recours à des milliers d’effets spéciaux, à une surenchère visuelle, à des artifices technologiques, en se plaçant, d’une certaine manière, en retrait de ce qui fait le concept… à la Marvel. Le risque est grand à vouloir se jouer des codes du film de genre (méchants stéréotypés dans une pure tradition comics et super-héros invincibles) en se situant dans une ambiance plutôt naïve et surannée que transhumaniste et cynique. Le risque est grand à demander au spectateur de jouer le jeu en regardant le film avec des yeux d’enfants. Le cinéaste italien Gabrielle Salvatores fait ce pari cet été en nous proposant un conte de fée estival, Le garçon invisible, parabole réussie sur ce que l’adolescence est, une période oscillant entre besoin de transparence et rêve d’actes héroïques et de super-pouvoirs.

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Cette période terriblement compliquée est celle que traverse Michele (Ludovico Girardello), jeune garçon sans histoire, quelque peu insignifiant aux yeux de ses congénères, parfois malmenés par certains et secrètement amoureux de Stella (Noa Zatta), seule personne qui compte à ses yeux mais qui ne semble pas le remarquer. Une histoire aussi vieille que le monde, aussi difficile à résoudre pour le jeune garçon qu’un exercice d’algèbre, mais qui va se transformer avec la propre mutation de Michele, ce dernier passant de l’état de transparence à celui d’invisibilité (au sens propre du terme). La différence peut sembler mince mais elle va tout de même permettre à Michele d’affronter le chaos adolescent, parsemé de doutes, de peurs, de découvertes, de bouleversements et qui, pour une large part, fais de nous ce que nous sommes.

La force, et qui peut sembler parfois être une faiblesse, du film de Salvatores est cette volonté farouche de rester au niveau du rêve enfantin de super-héros. « Si j’étais invisible, j’irai dans les douches des filles pour les voir toutes nues ». Un rêve de toute puissance très enfantin que va s’empresser de rendre réel Michele et son nouveau pouvoir. Et naturellement, la question du contrôle, de la maîtrise de la transformation, va se poser très cruellement à Michele. Et donc il va apprendre, d’abord seul, puis aidé par la réapparition improbable d’un père qu’il n’a jamais connu et par quelques amis, tous confrontés à des vilains méchants qui en veulent à leurs super pouvoirs. Salvatores multiplie les péripéties abracadabrantes dignes des fumetti, de Tintin et des romans feuilletons à l’ancienne, à grand renfort de savants fous et de manipulations de l’esprit. Si ce Garçon invisible est précieux c’est parce qu’il parvient à rester ludique et délirant avec une grande modestie. La crédibilité importe peu ici et la manière dont Michele et ses amis vont réussir à vaincre les vilains est bien plus métaphorique que musclée, à l’image de la jeune Stella retrouvant ses qualités de gymnaste à la poutre afin de traverser des échafaudages dans une scène d’une grande élégance esthétique. Ne rions pas car, in fine, Salvatores trouve le ton juste, le décalage pertinent, l’oscillation stable entre giallo italien glaçant (l’enlèvement de la jeune Stella est digne des premiers Argento, à l’esthétique à la fois sobre et stylisée, terriblement efficace et anxiogène) et le film pour adolescents à la Kick-Ass débarrassé de son versant cynique. Il atteint même, parfois, en jouant de l’infinie tendresse qu’il porte à ses jeunes héros, de véritables moments de grâce.

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En effet, pas de second degré ici (si ce n’est la parabole acquisition de super-pouvoirs versus transformation adolescente), pas d’ironie, pas de distance, seulement un regard d’une grande tendresse (à l’image de la mère adoptive de Michele, Giovanna, interprétée par la très juste Valeria Golino) sur les affres de l’adolescence, sur la difficulté de devenir ce que nous sommes, d’accepter la différence. Bref, deux ou trois thèmes universels que Salvatores aborde avec une très grande justesse, nous rappelant à l’aide de quelques effets spéciaux et autres combinaisons magiques que l’adolescence est, certes une période délicate, mais aussi un conte de fée au sein de laquelle il nous faut accepter nos super pouvoirs.

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A propos de Marc BOUSQUET

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