Underworld – Oblivion With Bells (archives)

(Article préalablement publié en octobre 2007).

Underworld restera à jamais comme les compositeurs du «Born Slippy», popularisé et mythifié par le film Trainspotting, peut-être le tube ultime de toute l’histoire de la scène électronique du moins dans son versant « techno ». C’est pourtant un trio (devenu duo depuis le disque précédent) qui, dés les premiers albums, alternaient de pures plages de techno énergique avec des arabesques lancinantes, sinueuses et atmosphériques. Un groupe parfait donc pour servir de sas de décompression entre la rave frénétique et le coma domestique post-acidatoire.

L’apogée du groupe fut de mon point de vue le disque Beaucoup Fish  dans lequel sa musique trouvait l’équilibre parfait entre, d’une part, ferveur («Push upstairs», «King of snakes» basé sur un sample du « I feel love » du duo Donna Summer/Giorgio Moroder) et mélancolie («Jumbo», leur plus beau travail) et, d’autre part, entre la chaleur des sons synthétiques et l’exigence mélodique (oserais-je dire pop ?). Le disque suivant Hundred Years’ off sorti en 2002 suivait le même chemin offrant au public les dernières salves dance (l’excellent «Two months off» en premier lieu) aussi bien qu’une techno atmosphérique de salon, hyper travaillée, hyper mélodique, hyper inventive. Une sorte de nouveau départ puisqu’entre les deux albums en 2000, le jeunot de la bande (Darren Emerson) laissait les deux amis d’enfance Karl Hyde et Rick Smith à leurs claviers et ordinateurs.

Cinq ans se sont écoulés depuis ce dernier album studio, une excellente compilation et une éprouvante musique de film comme seuls témoignages discographiques de l’activité du groupe. Arrive donc en ce début du mois d’octobre un nouvel album studio Oblivion with bells, écrit, composé et interprété par notre duo sans autre aide extérieure que le débonnaire Larry Muller Jr (u2) à la batterie sur un morceau. Sans doute un bonjour, une poignée de mains, un café dans un gobelet, deux à trois heures derrière une batterie, un café dans un gobelet, une poignée de mains et puis un aurevoir.

Ce disque donc ? La première impression c’est que l’expression dance du groupe a définitivement vécu, c’est qu’ils se font vieux nos deux vénérables messieurs et le travail de musicien a pris cette fois définitivement le pas sur celui de performer comme l’évolution discographique du duo le laissait de toute façon sentir.

L’album s’ouvre pourtant sur «Crocodile», premier single et seul morceau du disque un tantinet rapide. C’est pourtant un «Hundred years off» aux bpm divisés par deux, un morceau éminemment addictif, une sorte de tapage de pied en mesure mais en catimini. le morceau dance du disque par défaut tant le reste s’avère encore moins énergique. On imagine très bien un Bez (vous savez, le gimmick des Happy Mondays) danser de son inimitable manière dessus, on imagine difficilement un traveller sous acides y aller de son déhanchement sur cette soupe (sic).

Le reste de l’album révèle du Underworld type (tant qu’il est dénué de toute velléité d’en découdre sur le dancefloor),une sorte de techno progressive et lymphatique, une pure musique de salon, du genre de celle nous caressant dans le sens du « poêle » (le formidable Beautiful burnout, le Tarwaterien** «Faxed invitation», le minimaliste «Good morning», la superbe clôture «Best mamgu ever»).

Comme à son habitude les lyrics de Karl Hyde oscillent entre cut-up et slogans lovés dans le lit musical ainsi dressé. Ainsi «Holding the moth» par exemple où une basse synthétique sert de figure de proue à une sorte de dérive verbeuse au fil du tempo. Tout cela est du fort bel ouvrage.

Un instrumental atteint également une altitude qualitative toute stratosphérique, « Glam bucket », extraordinaire pièce d’une poignée de minutes où quelques notes de claviers répondent à quelques couches sonores mélancoliques, la preuve de tout ce que Underworld peut encore apporter aujourd’hui à la scène musicale, la preuve de toute la vitalité actuelle du duo.

Un morceau comme «Boy boy boy» détonne encore sur cet album par son coté immédiat et franc du collier (là où souvent les morceaux d’Underworld nous prennent par la main aux premières mesures pour mieux nous perdre ensuite), il reste néanmoins très agréable à écouter.

Du côté des bémols il faut toutefois dire que l’on retrouve avec tristesse de vagues échos à leur abominable bande originale de film sortie cet été «Breaking & Entering», bande son ambiant et éthérée mise en musique en collaboration avec Gabriel Yared**; un accompagnement parfait pour accompagner un encéphalogramme oscillant entre le soubresaut et le plat.

Ainsi lors d’un instrumental ambiant où des nappes de claviers couvrent tout l’espace sonore d’une capiteuse inertie, il n’est pas interdit de somnoler (To heal). Un autre encore se veut si aérien qu’il oublie de redescendre dans notre stratosphère et disparaît ainsi à jamais de nos sens (« Cuddle Bunny Vs Celtic villages »)

Sur une autre piste du disque il nous semble entendre une démo que Mike Skinner (The Streets) enverrait à 3D de Massive Attack dans l’espoir d’une collaboration future (Ring Road). On est très loin ici de la qualité du reste de l’album.

Au final et malgré une poignée de morceaux un peu faiblards c’est un disque extrêmement agréable à l’oreille et qui scelle le retour d’un duo attachant, d’un nom emblématique de tout un pan de l’histoire de la musique électronique du vieux continent. Rien que cela.

 


Nb:
** tarwater : groupe passionnant de musique électronique oscillant entre mélodies pop imparables et traitement du son fortement influencé par la scène minimaliste allemande du début des années 70.

** Gabriel Yared : célèbre arrangeur-producteur, chevalier des Arts et lettres sans l’ombre d’un doute, connu pour s’être rendu coupable au cours des joyeuses années 70 des arrangements et de l’orchestration du projet Hamlet  de notre Johnny. 


 

 

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