Mort de Gary Moore (Always got the blues for you) (archives)

Gary Moore, 1952-2011. Il est certaine épitaphe qu’on à peine à lire tant elle semble irréelle, tant elle nous rappelle finalement combien la mort saura toujours se rappeler à notre existence en tout point, en toute heure, en toute année.

Ainsi cette figure du hard rock anglais, cette légende du rock britannique, cette icône du blues rock, Gary Moore qui décède aux premières heures du dimanche 6 février 2011, sans que les raisons précises de sa disparition soient à cette heure connues (sans que les raisons précises de sa disparition soient importantes également) sinon qu’elle est intervenue alors que le guitariste se trouvait en Espagne.

Pour le grand public français (façon de parler, disons pour le grand public français averti) le nom de Gary Moore est essentiellement synonyme de belles ballades bluesy, « Parisienne Walkways « et puis « Still got the blues », deux titres éloignés l’un de l’autre de plusieurs années, deux titres qui résument parfaitement une partie de la sensibilité et de l’art du guitariste irlandais.

Gary Moore est né à Belfast dans un quartier pauvre sinon pire encore, les cicatrices qui ornaient son visage lui rappelèrent chaque jour sa vie d’alors. Son apprentissage de la guitare débute à l’adolescence entre deux virées au pub et deux bagarres, en général une sur la route qui mène au pub et  puis une autre au retour. Le jeune Gary s’amourache de sa guitare toutefois, progresse sous le patronage virtuel de ses maîtres qu’il va chercher tant du côté du blues (Albert King) que du rock (Peter Green de Fleetwood Mac, Jimi Hendrix, Eric Clapton dont il est presque contemporain).

Son premier vrai groupe est Skid Row, non pas évidemment le combo de Sébastian Bach qui allait affoler les Charts et le public métal à la fin des années 80 mais un groupe irlandais tendance blues rock. Quelques disques subsistent de cette époque peu avant que Gary ne quitte le groupe et tente presque dans la foulée une carrière « solo » avec un premier album qui sort sous son nom Ginding Stone.Bien évidemment sa première grande période prend racine dans son amitié avec Phil Lynott, un métisse irlandais qui chante et joue de la basse au sein du groupe qu’il a fondé, Thin Lizzy. Le combo a déjà sorti quelques albums quand Gary les rejoint en 1974, connaissant le succès l’année d’avant avec leur reprise du traditionnel irlandais « Whiskey in the jar ». La carrière de Gary Moore au sein de Lizzy est nous le savons un vaste va-et-vient, il quitte ainsi très rapidement le groupe la même année, restant assez longtemps toutefois pour graver l’immense solo qui orne le titre « Still in love with you » de l’album Nightlife de 1974. Il revient au sein du groupe 4 ans plus tard et contribue, enfin, à l’enregistrement d’un album avec le groupe, ce sera Black Rose où Moore participe entre autres compositions à l’écriture de « Sarah », la chanson écrite par Lynott pour sa fille.

Gary Moore (bien évidemment) quitte le groupe peu après, on le retrouvera bien évidemment sur le dernier album du groupe, Life, témoignage de la tournée d’adieu réalisée par le mythique et cultissime groupe irlandais (du hard rock qui swingue, vous y croyez ?) en 1983. L’amitié entre Lynott et Moore n’était pas un vain mot et jamais en effet elle n’eut à souffrir de ces revirements de situations, simple illustration de deux hautes exigences artistiques (deux visions claires de leur art dirons-nous).

Entre deux passages dans le groupe de Lynott, Gary Moore participa à l’aventure du groupe Collosseum II, projet mené par le batteur Jon Hiseman sur les cendres du groupe premier du nom. La formation s’enrichit de la guitare de Gary Moore pour proposer au public une (jazz) fusion de styles dans une esthétique à rapprocher du jazz rock. Trois albums seront commercialisés jusqu’au départ définitif de Gary Moore (à l’époque de son retour dans Thin Lizzy). Blues, Hard, Rock, Jazz (et même Folk via une collaboration avec un groupe irlandais au début de sa carrière), le jeu de Gary Moore se mariait à merveille avec tous ces univers.

Sa carrière solo débute véritablement en 1979 avec l’album Back on the Streets, d’ailleurs enregistré avec l’apport de Phil Lynott (il cosigne pas mal de titres dont les deux restés fameux). Des début en fanfare avec le succès du titre « Parisienne Walkways » (il sera dans le top 10 anglais) mais aussi la présence de la version première du titre « Don’t believe a word » (pour ceux qui connaissant il s’agit de la version lente). Plusieurs albums suivent rapidement aux débuts des années 80, le groupe drivé par Gary Moore accueillant au fil des albums et des tournées des musiciens de la trempe de Ian Paice (Deep Purple), John Lord (Purple aussi), Tommy Aldridge (futur Ozzy Osbourne’s band et Whitesnake), Neil Murray (ex et futur à peu près tout), Jack Bruce (Cream !) et Jimmy Bain (futur Dio) jusqu’au double album We want Moore qui clôt cette première partie de carrière solo en 1984.

Le second chapitre qui s’ouvre avec Run for cover en 1985 mérite quelques propos plus développés. Cet album explore différentes ambiances, des teintes presque pop à des textures bien plus rugueuses, nombre d’invités affluant au gré des compos (jusqu’aux producteurs qui seront quatre à se partager les neuf titres du disque). Phil Lynott est encore là là signer paroles et musiques de « Military man » et à accompagner Moore au chant pour le tube « Out in the Fields ». Autre hit du disque, la ballade « Empty rooms » dans une nouvelle version (ce n’est jamais alors que la troisième fois que la chanson apparait sur un album de Moore à chaque fois sous une version différente, deux en studio et une sur le double live précité).

Wild frontier qui sort en 1987 est dédié à l’ami Lynott, décédé aux premières heures de janvier 1986, et qui aurait dû figurer sur l’album. C’est l’album le plus irlandais de Moore, celui où il développe des influences celtes sur quelques titres (le splendide « Over the hills & far away » en premier lieu, flamboyant titre d’ouverture et là-encore single à succès). On trouve également sur le disque une reprise d’un traditionnel du pays (« Johnny boy ») et une reprise excellente du tube des Easybeats « Friday on my mind ».

After the war qui sort en 1989 semble marquer le pas, non pas tant que le guitariste produise un disque moyen mais bien plus qu’on devine une sorte de lassitude de la musique qu’il joue ou du moins un agacement marqué pour ce qu’est devenu le music-business en général et celui du Hard rock en particulier (le titre éponyme, tout bon soit-il, semble être une fusion de « Out in the fields » et du morceau « Take a little time » qui figure sur l’album précédent du guitariste). La chanson « Led Clones » enregistrée avec l’aide d’Ozzy Osbourne est ainsi une attaque frontale contre les groupes qui singent sans honte ni vergogne le moindre gimmick de Led Zeppelin puis s’en vont exposer le fruit de leurs méfaits en rotation lourde sur MTV. La qualité est toutefois au rendez-vous de même que le succès, du moins eu Europe puisque Gary Moore n’aura jamais eu autre chose qu’un succès d’estime aux Etats-Unis.

La relative lassitude que gagne Gary Moore à la tournure des années 80 peut aussi s’expliquer par le style finalement relativement figé qu’il jouait alors depuis plusieurs albums, ce Heavy rock mélodique et racé que le public aimait mais qui le bridait peut-être, surtout après plusieurs disques.

C’est donc sans trop de surprises que la sortie d’un album de blues du guitariste est annoncée moins d’un an plus tard, comme un hommage à la musique de son enfance (la pochette où un jeune musicien joue de la guitare dans une chambre remplie de posters) au recto, le même Gary qui pose dans la même chambre au verso). La surprise vînt peut-être de l’énorme succès rencontré par l’album un peu partout dans le monde (jusqu’en France où Moore devînt une vedette et où la version de « Parisienne walkways » figurant sur l’album fut un tube) pour ce disque où Gary Moore se fit plus que jamais plaisir en jouant avec ses idoles Albert King et Albert Collins et en invitant l’un de ses meilleures amis à gratouiller en sa compagnie, George Harrison.

Cette troisième carrière est celle qui ressort aujourd’hui pour nous français, sa plus connue et sans doute pour lui l’une des plus heureuses. Un second album de blues sort deux ans plus tard (After hours en 1992) puis une succession de compilations/disques live en veux-tu en voilà (on appelle ça la jurisprudence Scorpions) dont on fera émerger sans peine son « Blues for Greeny » en hommage à Peter Green l’âme du Fleetwood Mac mark 1.

Les quinze dernières années de carrière (et de sa vie, oui de sa vie) de Gary Moore peuvent aujourd’hui se voir comme une sorte de boucle qui se referme, l’artiste ayant repris son bâton de pèlerin et sa guitare pour épouser différents styles (rock voire hard avec le projet Scars et même un retour au pur blues) et s’ouvrir à différents projets (n’oublions pas le projet BBM de 1994 où Moore mouline aux côtés de la session rythmique de Cream : Jack Bruce et Ginger Baker), autant de disques et de concerts débarrassés d’impératifs commerciaux et guidés désormais par un seul leitmotiv : Se faire plaisir et continuer de laisser s’exprimer son immense toucher et sa grande sensibilité.

Fait amusant, Gary Moore ne se gênait pas pour critiquer la période de sa carrière sise dans les années 80, cette obligation qu’il eut alors de se prêter à quelques jeux qu’il détestait (vidéos par exemple), ce marché qui bougeait, ses règles qui changeaient, ces concerts made in Disney où la musique semblait réduite la bande-orchestre d’un son & lumières (il va pouvoir maintenant évoquer la question avec Ronnie James Dio, l’adepte des Dragons et des araignées laser), cette ère du superficiel telle comme on le prétendait (à tort) , cette musique un peu dans l’air du temps qu’il sortît alors, coincé entre mille impératifs. Il est heureux qu’il se soit récemment réconcilié avec cette partie de son histoire en parcourant quelques festivals d’été estampillés hard/rock pour y délivrer à nouveau un set énergique et heavy en diable.

Considéré à la fois comme un immense guitar-hero et un grand bluesman, Gary Moore avait 58 ans et nous laisse, éberlués, à l’annonce de sa mort. Phil Lynott n’est plus depuis plus de 25 ans, Gary Moore le rejoint aujourd’hui, hallucinante nouvelle.


 

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A propos de Bruno Piszorowicz

2 comments

  1. Gérald

    Dans sa période Hard Rock avant run for cover il y eut une autre perle: « Corridors of power », album fantastique aussi !

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