Après un passage à Cannes via la Quinzaine des cinéastes, à Deauville pour le Festival américain puis à Paris dans le cadre de L’Étrange Festival, The Gazer, impressionnant premier long-métrage de Ryan J. Sloan, sort enfin dans toute la France !

Copyright Telstar Films

Atteinte de dyschronométrie (maladie neuro-dégénérative provoquant des pertes de conscience aussi longues qu’intempestives) Frankie tente désespérément de réunir assez d’argent pour assurer l’avenir de sa fille, dont la garde lui a été retirée. Incapable de trouver un emploi stable à cause de la dégradation rapide de son état, elle ne tarde pas à accepter, contre la promesse d’une forte somme, la mission que lui propose une mystérieuse inconnue, sans se douter un seul instant des conséquences de cette décision…

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Véritable tour de force réalisé dans des conditions proches de l’amateurisme, rappelant ainsi le temps des grands artisans fauchés des années 80 (souvenons-nous des micro-budgets d‘Evil Dead de Raimi ou de Basket Case d’Henenlotter), The Gazer s’apparente autant à l’ultime sursaut d’une « façon de faire » qu’on pensait révolue qu’à un geste quasi-politique visant à prouver que l’existence d’un tel cinéma est encore possible. Révélant à la fois un cinéaste –  Ryan J. Sloan – et sa compagne – Ariella Mastroianni, interprète de Frankie et co-scénariste du projet – ce film de couple mû par un exceptionnel désir de cinéma (au nom duquel on pardonnera à cette première oeuvre ses rares maladresses) s’illustre en premier lieu par son atmosphère renvoyant autant à Hitchcock qu’aux origines du giallo, en passant par Blow Up ou encore par les thrillers paranoïaques du Nouvel Hollywood. Le spectateur y retrouve ainsi les thèmes hitchcockiens de la pulsion scopique donnant son titre au film, de la manipulation, du protagoniste accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et bien sûr du caractère subjectif – et donc trompeur – du regard.

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Tourné en 16mm et mis en images selon une photographie précise et froide évoquant délibérément les années 70/80 – un parti-pris renforcé par le fait que l’héroïne n’a pas de téléphone portable et s’enregistre sur des cassettes audio, et ce alors que le film se déroule clairement dans les années 2020 – The Gazer se distingue également par la dimension mentale de son intrigue et de sa mise en scène, toutes deux pensées et articulées selon le point de vue du personnage de Frankie. 

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Cette dernière, consciente que sa maladie la condamne à très court terme, entraîne le spectateur avec elle dans une course contre la montre pour tenter de comprendre le piège qui lui a été tendu. Outre ce sentiment d’urgence permanent et les nombreux rebondissements du récit, le film brille par sa retranscription du caractère inextricable de la maladie mentale contre laquelle lutte la jeune femme. Il est ainsi probant de constater combien le réel semble se déliter à ses yeux à mesure que son enquête avance, obligeant ledit spectateur à s’interroger toujours davantage sur ce dont il est témoin, jusqu’à se retrouver, tout comme elle, incapable de dire avec certitude si ce qu’il voit est réel, s’il se trompe ou bien s’il s’agit d’un flash-back, d’une hallucination, d’un cauchemar, d’une allégorie… ou de tout cela à la fois !

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Récit d’une descente aux enfers aussi tragique que passionnante et où chaque question résolue en soulève mille autres, pour un résultat aux multiples niveaux de lecture, à la fois ultra-référencé – on pense autant à Vertigo, Blow Up, Blow Out ou Memento qu’à Lynch et Cronenberg – et profondément personnel, The Gazer s’impose comme une déclaration d’amour absolu au cinéma de genre et signe l’entrée sur la scène internationale d’un réalisateur et d’une comédienne à suivre absolument… et auxquels on souhaite très fort de faire des émules !

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