Zibilla vit une drôle de période : alors qu’elle vient juste de déménager, encore fébrile, elle subit dès son premier jour de cours les moqueries. C’est que Zibilla est une zèbre, perdue au milieu des chevaux et poulains.

Copyright Gebeka Films

L’amour de ses parents n’y fait rien, elle déteste ses rayures ! Mais les autres enfants ne connaissent pas la force de la petite pestiférée, et quand ils lui volent son doudou lion et le jettent par-dessus la barrière, c’en est trop : elle part à sa recherche, bien vite rejointe par Karino, le jeune poulain qui aimerait bien connaitre cette étrangère, malgré l’interdiction de ses parents.

L’aventure commence : d’un cirque itinérant à un lion échappée, elle croisera la route d’un vieux canasson fatigué, déguisé malgré lui en fauve un peu gauche, qui lui donnera peu à peu confiance en elle, et en sa vraie nature, inattendue.

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« Oui, et alors ? » raconte les enfants quand on se moque d’eux en disant « ouh les amoureux », dans le générique de fin.

« Et alors ? » : en traversant avec douceur (comprendre : sans jamais qu’ils ne viennent empêcher l’action une fois lancée) et tendresse les thèmes de la difference, de l’affirmation de soi, mais aussi l’adoption (les parents de Zibilla), de la peur de l’autre et des migrants (le lion doudou, souvenir de celui qui l’a déposé, un jour, sur une plage après un naufrage), Zibilla ou la vie zébrée d’Isabelle Favez enseigne aux tout-petits avec humour le besoin et le droit à chacun de vivre dans ce monde, et l’absurdité des instincts grégaires.

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Si le propos peut s’avérer parfois facile et les situations classiques (le déménagement, les moqueries, l’amour parental, les peurs, etc), dans ce joli conte moderne à l’animation fluide et colorée, la différence se déploie de manière finalement assez profonde, et il reste même pour les adultes une belle réflexion sur la question du masque, social, intime : qu’est-ce que veut la société, quand on joue au spectacle sous un costume, comme ce vieux cheval déguisé en lion, épuisé de travail, mais qui doit bien donner le change ? Et comment accepter ses rayures, ce que les autres croient que nous sommes, quand elles ne font que masquer qu’au fond de soi rugit le cri d’un lion ?

Eloge du droit à dire « je » et à dire « nous » (au cirque, tout le monde a le droit de jouer et d’être soi), le film se conclura sur un double cri : celui de l’affirmation, et celui des rires. Zibilla rugit comme un lion, et tous rigolent. Différente ou pas, en laissant s’échapper celui-ci, la jeune zèbre rejoint la communauté, en joie. Zébrés ou unis, tous enfin unis.

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C’est d’ailleurs cette idée d’entraide et de groupe qui traverse les deux autres jolis courts du programme : dans Tout là-haut de Martina Svojikova, une famille de girafes part en vacances dans nos forêts occidentales. Rejetée de toute part, le girafon pourtant s’acharne à aider et jouer avec chacun, au grand désespoir de l’écureuil raciste, qui finira par bien avoir besoin de son aide.

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Si cette variation plutôt classique mais très joliment mise en image de papiers découpés joue la carte de l’humour, c’est à un petit moment de poésie que nous invite Le dernier jour d’automne  de Marjolaine Perreten une drôle de course silencieuse et d’abord incompréhensible entre tous les animaux de la forêt. Puis viennent les premiers souffles glacés, qui colorent l’écran de blanc, et vite, on comprend : tous ensemble, ils partagent et accompagnent ce dernier tour de piste vers le refuge de l’hiver.

Ensemble : c’est la morale de ces trois courts, qui prônent avec tendresse, douceur ou humour, dans des techniques d’animations toutes aussi diverses que subtiles et chatoyantes, l’union plutôt que la facilité des murs. Une leçon vitale, pour aujourd’hui, et pour demain.

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A propos de Jean-Nicolas Schoeser

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